La gendarmerie
Manu
A la gendarmerie (partie 1)
J'étais venu faire une déposition. Rien de grave et qui n'a causé du tort qu'à moi. Elle m'appela pour que je vienne. Elle portait sa chemise bleue, son pantalon pas spécialement moulant et ses rangers dégoûtantes qui sont pourtant étrangement sexy quand elles sont portées par une femme. Elle me demanda de m'asseoir. Je racontais mes déboires, du mieux que je le pouvais. Elle tapait vite à la machine et c'est une idée reçue que de penser que les forces de l'ordre tapent mal, elles le font aussi mal que tous les autres. Jusque-là, j'étais concentré sur ma propre affaire, un peu anxieux par le tour à prendre, car les procureurs sont beaucoup moins enclins à la sympathie que les gendarmes. Vers la fin, un chat passa dans le couloir et entra dans le bureau. Un peu surpris, je demandai à la jeune sous-offcière ce qu'il faisait ici. Elle me repondit en souriant que c'était la mascotte de la gendarmerie. Je m'empressai de prendre cet animal dans mes bras. Je le caressais de mes doigts experts, il ronronna immédiatement. Un peu éberluée, elle me demanda de passer à la suite de ma déposition. Je la terminai aussi vite, le chat toujours en main, ronronnant de plaisir. Elle me demanda de relire la première version imprimée, ce que je fis. C'était plein d'erreurs de syntaxe et d'orthographe. Je corrigeai les premières erreurs sans lui parler des suivantes, avec un malin plaisir. Ainsi, j'admirais le corps énergique de cette jolie femme aller et venir vers la photocopieuse. Quand elle eut compris mon manège, elle me demanda : « vous vous fichez de moi ? » « Oui » lui répondis-je, tout en lui précisant que j'étais diplômé en droit pénal, et qu'en principe, quelqu'un qui n'était pas OPJ n'était pas apte à prendre une déposition comme la mienne. Elle se mit à rougir et à sourire en même temps, je m'allongeais du mieux que je pouvais sur ce fauteuil bourré de sueur aigrie habituellement réservé à ceux qui ne sont pas en position de force. « Une erreur de procédure pénale comme celle-ci rend nulle une affaire, vous devez le savoir ? ». Elle ne répondit rien. Elle était très jolie. Il faut savoir être fort pour oublier les oripeaux et le trac afin de trouver une femme jolie en de telles circonstances. Je parvenais à plonger mes yeux dans les siens quand elle me regardait. Elle ne devait pas y être habituée. Elle continua de taper sur son ordinateur, d'une manière un peu maladroite puis me dit : « allez-y vous-même ! » Elle retourna l'écran de son ordinateur mais garda ses mains sur le clavier. Je laissai partir le chat en demandant « quel est son nom ? ». « On sait pas, c'est le chat de la gendarmerie ! ». Sa nervosité agaçait de plus en plus mes sens, je me mis à étudier chaque détail de son bureau, et surtout ceux de son corps qui échappaient encore à l'uniforme. De délicieuses boucles chatain se baladaient autour de ses oreilles, le reste de ses cheveux étant ramenés en chignon. J'ai toujours aimé les chignons chez les femmes, pourtant il paraît que chez les femmes gendarmes, c'est une contrainte. Ses yeux teintés de sens du devoir autant que de malice m'excitaient peu à peu. « Passez-moi, le clavier, cela ira plus vite ». Ce qu'elle fit. Je lui expliquai que c'était encore truffé d'erreurs, elle s'en voulait mais commençait à s'intéresser à moi. « Et ce bateau sur votre bureau, c'est vous dessus ? » Je repris toute ma déposition, lui faisant des remarques sur la syntaxe et l'orthoraphe, elle acquesciait. Pas beaucoup plus vieux qu'elle, je renversais le rapport de force sur ce texte qui nous opposait pourtant. Elle écoutait et me regardait de plus en plus. Rien de plus facile que de taper sur un clavier pour savoir qui vous regarde ou ne vous regarde pas. Je m'escrimai à faire étalage de ma science en matière de langue française, jusqu'à un point qui la fit éclater de rire. Elle me dit avec une voix douce « je ne vous imaginais pas comme ça ». Je pris mon temps pour lui répondre et dis « les procès verbaux donnent souvent une mauvaise image des gens », et elle rit encore. Lorsque je j'eus fini, on se leva tous les deux, elle voulut d'abord me serrer la main, je lui répondis « plutôt crever que de serrer la main à une jolie femme en uniforme ». Je lui proposai une bise mais elle refusa, car ce n'était pas dans les règles non plus. Nous étions quittes. Je lui demandais tandis qu'elle me raccompagnait : « vous avez mon numéro ? » « Non». « Il est dans ma déposition. Vous le retrouverez » Elle sourit à nouveau. Elle me rappela le lendemain, prétextant un vague détail de procédure, histoire à laquelle je ne croyais pas du tout. Je le lui ai dit et lui ai demandé son prénom. Nous nous sommes revus le soir-même. Elle ne portait plus son uniforme.
Merci Théorème.
· Il y a environ un an ·Manu
Un parfum de philosophie coquine et malicieuse ! Merci Manu
· Il y a environ 2 ans ·theoreme