La gestion de l'urgence

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Dans «Terre des Hommes», Saint-Exupéry raconte les habitudes d’un petit renard du désert qui, pour se nourrir, picore sur des buissons épineux de petits escargots. Au lieu de faire un festin sur le premier buisson, il prélève quelques spécimens appétissants puis parcourt de grandes distances pour en trouver d’autres. Ainsi, il préserve la population d’escargots sur chaque buisson et participe à la sauvegarde de son garde-manger (c'est le développement durable vulpin).

Pourquoi ne sommes-nous pas capables d’en faire autant ? Aujourd’hui, le réflexe d’accumulation qui nous a longtemps permis de survivre se retourne contre nous. Notre mode de vie est basé sur la surproduction et la surconsommation. La seule gestion de l’avenir que nous ayons est celle de l’urgence. C’est dans notre nature ; si le danger n’est pas certain, concret, visible, proche et immédiat, nous n’agissons pas. Et pourtant, nous gagnerions tellement à être ne serait ce qu’un peu prévoyants, pas seulement dans le domaine de la protection de l’environnement d'ailleurs.. Ne pourrions-nous pas faire comme le petit renard du désert?

Cet article n’est pas une leçon de morale doublement inutile : il est trop tard de toute façon et puis ce n’est pas marrant de taper sur les doigts. Ce n’est pas non plus un appel à changer drastiquement nos habitudes de vie et à perturber notre confort: il faut être réaliste. Nous ne sommes pas prêts, moi le premier, à faire une croix sur notre douche quotidienne, le grille-pain et l’ordinateur. Et puis ce n'est pas à nous qu'il appartient de faire le plus grand effort: ce sont les industries, les exploitations agricoles, les grands groupes qui pèsent le plus! Les solutions sont connues, je ne reviendrai pas là dessus.

Sur la base des constats énumérés plus haut, faut il essayer de changer la façon de communiquer sur ces sujets? C’est que je me propose de faire dans cet article, à travers quatre exemples de situations où notre incapacité à prendre et à appliquer des décisions va très certainement nous coûter beaucoup, voire trop! Ce ne sont bien sûr que des spéculations : j’espère bien qu’aucun de ces scenarii ne se réalisera !

1 Le réchauffement climatique Sauvegarder les pistes de ski

Les événements climatiques violents sont de plus en plus nombreux, la fonte des glaces atteint un rythme effrayant (un morceau de glacier grand « comme deux fois Paris » s’est détaché de du Groenland la semaine dernière), les lacs s’assèchent, l’accès au points d’eau potable va provoquer des guerres et les plus grands exodes de population jamais connus, les oiseaux migrateurs sont perturbés, la végétation change mais ce n’est pas le pire : faire du ski pourrait redevenir (en France en tous cas) un luxe inabordable pour la plupart des familles (actuellement, un français sur 10 est en mesure de se payer des vacances « au ski »).

En 2040, à cause de la baisse de l’enneigement, de la hausse du prix du pétrole et de celui de l’eau, les petites stations familiales de basse et de moyenne altitude sont condamnées à disparaitre ou à afficher des prix exorbitants. Compenser le manque de neige avec des canons et faire fonctionner les remontées mécaniques pourrait faire grimper le prix du forfait hebdomadaire à plus de 1500 €, avec une estimation « optimiste » pour le prix de l’essence. Dans les stations d’altitude, la pression de la demande aura réorienté l’offre vers le grand luxe : hôtels couteux, installations confortables et activités de luxe : compter au minimum 5000 € par personne. Seul point positif : moins de monde sur les routes !

2 Crise de l’Energie Taxe sur les emails !

En 2040, il est permis d’être un peu optimiste, les technologies auront compensé dans une certaine mesure l’accroissement de la consommation en énergie imputable à la croissance démographique, du moins dans les pays « riches ». Il n’en demeure pas moins que nous serons environ 9 milliards et que nous consommerons l’équivalent de la production continue de plus de 56 000 centrales nucléaires. Si la crise du pétrole se poursuit et que nous ne basculons pas vers d’autres sources d’énergie, le prix du kWh risque de devenir préoccupant. Je le sais très bien et je continue pourtant de laisser tous mes appareils électriques en veille 24h/24. Vous pensez qu’envoyer un mail est écologique ? Une immense partie de l’énergie consommée est utilisée par les grandes firmes comme Google ou Microsoft pour refroidir leurs « Data Centers », les centres névralgiques qui abritent les serveurs où nos e-mails transitent. Alors que faire ? Instaurer une taxe sur les transferts de données pour dissuader les gens de télécharger 50 giga octets de films pas jour ? Le principe a été évoqué. Fort heureusement, ces derniers temps, certains groupes font preuve d’originalité et de bonne volonté en proposant des solutions innovantes: Google a par exemple mis en place un système de récupération de l’eau des égouts pour refroidir son Data Center en Géorgie. Elle prend même en charge le retraitement de l’eau, laquelle est réutilisée dans le circuit d’eau potable ! 

3 Disparition de la biodiversité Plus de Cœurs de Bœuf au supermarché !


Les espèces animales et végétales disparaissent à un taux 100 fois supérieur au taux naturel. Ceci est alarmant pour des raisons bien plus pragmatiques que beaucoup ne le pensent : certes, les ours polaires vont disparaitre, c'est très triste mais ce n’est pas le plus inquiétant. Ils redescendront un peu, se mélangeront aux ours bruns et on n'en parlera plus. La biodiversité est primordiale car elle permet de constituer un pool génétique suffisant pour surmonter de nombreuses crises naturelles, comme les changements  environnementaux brusques ou les épidémies par exemple. Si les caractéristiques génétiques des populations (au sens large) sont trop semblables, la résistance globale des populations est diminuée : un seul virus peut éradiquer un nombre important d’individus et infecter facilement des espèces proches. Quelle importance pour l’Homme ? Et bien, premièrement et pour les mêmes raisons, il est important de maintenir la diversité des gènes au sein de l’espèce humaine en évitant l'endogamie (ce n'est pas pour rien que de nombreuses études sur les tares génétiques ont été menées dans des villages de montagne). Deuxièmement, l’Homme se nourrit d’autres espèces et si un champignon mortel se propage trop facilement dans ses plantations, ou si un virus décime des élevages de poulet fragilisés, il en pâtira forcement. Troisièmement, d’autres espèces moins emblématiques que le tigre des neiges disparaissent tous les jours et avec elles, des molécules qui pourraient être utilisées pour guérir le cancer, des gènes qui pourraient être utilisés en thérapie ou pour rétablir un caractère supprimé par l’utilisation massive des O.G.M. Alors, ne serait-ce que pour pouvoir continuer à trouver au moins deux variétés de tomates différentes sur le marché, il est important de préserver la biodiversité !

4 75 % de cancers en plus en 2030, Cancer pour tous!

A ceux qui pensent que cet article est trop alarmiste : j’espère que vous avez raison ! Certainement, ces projections ne seront pas toutes vérifiées. Néanmoins, un article paru dans Nature et dont un résumé est accessible en français ici, donne à réfléchir.. Les auteurs évoquent "un basculement environnemental" et soulignent son caractère possiblement irréversible.

Sources pour cet article: Wikipédia, le site de la NASA, ce lien et celui ci, entre autres, pour les questions énergétiques. Concernant le cancer, cet article publié dans The Lancet Oncology.

Article diponible sur mon blog:

http://sweetrandomscience.blogspot.fr/2012/08/des-renards-et-des-hommes-la-gestion-de_1.html

  • Saint-Ex ? belle référence.
    ce n'est malheureusement pas suffisant pour donner de l'envergure à tout ça. et autant d'effort pour un résultat si peu probant, ça doit être rageant j'imagine...

    · Il y a presque 12 ans ·
    Ed269e3db51b3cf6b08e7aec747de0b1f710647d m 92 orig

    elle-vire

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