La Guerre des Sexes
Attiébaoulé Gounyoruba
A Sop. D.
La guerre des sexes est dépassée : on a délaissé les flèches de Cupidon au profit d'une carte de restaurant.
Max Steiner aimait les plats raffinés, surtout au lit. Vénus Valentin aimait dîner après le sexe. Ces deux – là n'étaient pas tout à fait destinés à s'accorder, au début du moins, mais on triomphe de tous les obstacles.
Max était tellement obsédé par la nourriture qu'il en voyait partout. Cela pourrait paraître trivial, mais sa vision du monde se réduisait à son appétit. Lorsqu'il rencontra Vénus pour la première fois, il observa son physique en fonction de son ventre. Il trouva son visage comparable à une corbeille de fruits : teint-melon, bouche-cerise, pommettes -orange et yeux verts – pomme. Sa chevelure blonde et bouclée lui rappelait les taglatielles aux fromages coupées sans lardons de son enfance. Il apprécia son corps comme un gigantesque assortiment de viande : des jambes- escalope, des fesses-rôti de porc et une poitrine canarde.
Vénus le trouva également à son goût , non pour son physique mais pour son caractère : humour de glace, répartie café et tendresse -citronnade . Max était un coktail frappé et contrasté qui égayait chacun de ses amis. Vénus eut envie de le savourer plus que les autres.
Quelques semaines plus tard, ils passèrent enfin à la dégustation. Ils se trouvèrent un point commun qui faciliterait grandement leur relation : infidèles comme des lapins aux champignons, ils comptaient pêcher plusieurs poissons à la fois. L'une de leur discussion favorite consistait à échanger leurs théories sur la séduction , ainsi qu'à la chasse à la biche pour Max et la chasse au bouc pour Vénus.
Je n'aime pas trop Jules, dit un jour Max, évoquant la nouvelle conquête de Vénus. Faiblard, pleurnichard, tiens comme ta copine Sophie.C'est qu'une apparence, rétorqua Vénus. Au lit , il est plutôt solide.Ah bah ça m'étonne pas . Tu connais le proverbe : le sexe faible , ça rend dur. Surtout sur un matelas moelleux comme le tien.Non, je ne connaissais pas le proverbe, répliqua sa blonde sur un ton légèrement courroucé. Qu'est-ce que tu appelles le sexe faible ?
Vénus avait quelque chose de féministe. Max adorait cette facette de sa personnalité, tout autant qu'il aimait le teint-pomme d'amour qu'elle prenait lorsqu'elle s'énervait. Il faisait donc tout pour titiller son jus pressé.
En général, tu as un meilleur flair que ça.Il a une odeur de gâteau à la crème.Je savais qu'il était trop tendre. Je te pensais plus explosive , genre poulet à la sauce mexicaine. Ou paillarde. Ton dernier coup était un faisan bien doré.Pas faux, mais on s'en lasse. Au fait, tu veux qu'on parle de ta nouvelle obsession, Claire ?Ah la jolie métisse ! Elle me fait penser à un thé caramel bien chaud.Elle s'habille mal, on dirait une salade nîçoise. Toutes ses couleurs !J'aime beaucoup les salades.Elle cache quelque chose. Elle est gentille mais … On dirait une noix de coco à l'envers.C'est-à-dire ?Blanche à l'extérieur, noir à l'intérieur. Une fille avec un côté obscur.Jamais expérimenté ce genre de filles. Elle te ferait penser à qui dans la culture populaire ?La tarée de Liaison Fatale.Non, Claire n' est pas comme ça.Elle cache quelque chose.Tu es jalouse. On dirait une pintade.Je te permets pas Je te dis juste de faire attention, c'est tout. Et ton jeu de mots laisse à désirer.En tout cas, je te jure que je vais l'enfourner.Très vulgaire.T'es pas mal non plus, toi.Moi, je te dirai que je vais te concocter ce petit Jules.En plus d'être inconsistant , il est un peu renfrogné. Ce serait bien que tu le rendes délicieux à défaut d'être appétissant.Je vais faire de mon mieux. J'ai pas apprécié ta plaisanterie d'il y a deux minutes. C'était bas.Ah bon ? Pourtant, quelque chose s'érige vers toi…Tu nous trouves faibles, nous les femmes ?
L'autre activité favorite de Max était la provocation permanente sur les débats de société.
Le pouvoir est du côté du mâle. Le pénis est …Comme un pan qui fanfaronne dont le plumage retombe aussitôt.Au moins, on a des couleurs vives. Tout ce que je sais, c'est que le mâle donne et la femelle reçoit.Tu veux me faire sortir de mes gonds, grand coq.De ta basse-cour, petite poule. Et rajoute du vin.Vous vous êtes regardés ? Vous les hommes , vous sortez du trou de la femme , et dès l'adolescence, vous faites tout pour y retourner.
Max resta sans voix comme un rossignol sans timbre.
Tu as gagné le match. Je me prosterne pour cette fois , reine de la ruche.C'est dommage. (elle murmura à son oreille ) : mon miel est en train de couler, si tu vois ce que je veux dire.
Max oublia dérechef sa défaite cuisante.
Je sens mon pain lever, tout à coup. A nous deux !
Il ne faut pas en dire plus, sinon que ce fut un festival gustatif.