La lanterne du Maître
Teri Nour
C'était un matin vaporeux. Le jour ne s'était pas encore levé et la brume, venue de la vallée, remontait la montagne pour rejoindre le ciel. Tout en haut, un temple plongé dans le brouillard. Son toit pointu se dressait tel un perce-neige au milieu des nuages. La lune déclinait lentement derrière le jardin zen en terrasse.
Une lanterne japonaise éclairait les ténèbres. Sa lumière se réfléchissait sur les feuilles du Maître. En tombant, les papiers avaient éclaboussés le sol, comme de petites touches impressionnistes. Le Maître était là, reposant sur le sol, souriant à jamais aux étoiles.
La lanterne veillait sur lui et observait les alentours. Etait-elle la seule à se rendre compte de ce qui se passait ? Des oiseaux vinrent se réchauffer auprès d'elle et apprirent la nouvelle. Ils allèrent aussitôt prévenir ceux qui lissaient leurs plumes sur les pas japonais.
La présence du Maître rayonnait en chaque chose, même la brume qui s'élevait doucement en était imprégnée. Bientôt tout le jardin se mit à murmurer. Les pierres, entre elles, chuchotaient. Seule la lanterne pouvait repousser l'obscurité et voir ce qui était caché aux autres. La lanterne connaissait la vérité et la l'annonce de la mort du Maître se répandit rapidement dans le jardin, la montagne, la vallée.
Un long silence s'en suivit, pas même un bruissement de feuille. Alors quelques oiseaux vinrent se recueillir devant le Maître, jusqu'au levé du soleil. Le temple s'anima. On entendit des bruits de pas précipités puis plus rien, une plainte, des pleurs. Pour le commun des mortels le jardin était tel qu'à l'accoutumée. Chaque chose était à sa place.
Le plus jeune moine ramassa les feuilles du Maître et vit la lanterne, toujours éclairée. Il s'inclina devant celle qui renvoyait encore la lumière du Maître, comme la lune le faisait avec le soleil.