La larme du courageux

exquis_mots

    Six jours sont passés depuis mon premier entretien mais qu'est-ce que j'en retiens ? Pour le moment pas grand chose ; seulement qu'à présent je suis surveillé. J'en suis étonné d'ailleurs. Il me disait que les possibilités d'un potentiel passage à l'acte était terriblement infime et pourtant, à notre deuxième rencontre, il m'a fait comprendre, lorsque je lui ai demandé si tous mes mots resteraient protégés, que selon l'évolution de mon état, certaines pensées pourraient être rapportées pour mon bien. Alors je joue le jeu mais il est indéniable que des choses seront passées sous silence comme l'existence d'un livret dans lequel coulent l'encre plutôt que le sang.


    Que cela soit clair et définitif, je ne suis nullement un sociopathe, un psychopathe, ou je ne sais quoi d'autre encore. Je ressens tout comme n'importe qui, la peur par exemple m'est familière ; j'ai peur et c'est ce qui fait de moi un être pensant et raisonnable. Il faut apprendre à dissocier le vrai de l'illusion. Tous les meurtriers ne sont pas des psychopathes et inversement, les psychopathes ne sont point tous des tueurs - regardez mieux vos politiciens, avocats et hommes d'affaires.


    Après l'amalgame, un peu de philosophie de comptoir à propos de la peur - C'est l'avantage du journal de bord public et anonyme, je me sens libre de raconter ce que bon me semble, qu'importe l'image que cela véhicule. Le peureux, le couard, le trouillard, le lâche, le pleutre, le pusillanime, tous ces mots pour décrire des personnes que la peur habite. Dans une société comme la notre il n'a jamais été bien vu d'avoir peur et de craindre. Pourtant celle-ci est une capacité d'analyse qui nous protège du danger, rien de plus, rien de moins. Ne craignez donc point d'avoir peur, elle ne fait pas que vous figer.


    J'en parle en connaissance de cause car c'est elle qui me protège de moi-même. C'est cette même peur qui finit souvent par me transformer en fabulateur aux yeux d'autrui. J'en discutais avec le psychiatre, lui disant que le domaine du meurtre, si je puis dire, est celui de l'acte et non de la parole. Un être tel que moi, rongé par les désirs sera toujours un menteur, voire un mythomane aux yeux des autres tant qu'il n'aura pas agit. Mais mieux vaut ne pas être cru qu'être un criminel, enfin j'imagine.


    Je m'interroge de trop et trop souvent. Il me semble que le fait de tenir un foutu journal pousse encore plus à se questionner à tout va. Me voilà donc à la fin de cette page au même point qu'au début avec cette sensation étrange d'un surplace inutile et futile.

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