La légèreté

Christian Lemoine

S'il y a, quelque part, une source. S'il existe un onguent, à ce point du récit, quand plus rien n'échappe au frisson. Le chemin. Le salut. La légèreté, bien sûr. Malgré la vieille antienne en boucle néfaste, sa mélodie rance, le sirop d'amertume à absorber chaque matin ; cette ciguë, cette survie. S'il... l'effleurement, insensible, affilié, sa pesanteur exempte d'outrecuidance. S'il se trouve, par la grâce étonnée d'un flocon qui danse ; par le ballet soyeux d'un plumage ébouriffé. S'il éclot, sur le ciel du soir, juste avant le néant, l'explosion subreptice d'une étoile épousant un nuage écarlate. Dans la stagnation d'un présent sans conjugaison, s'il naît le premier scion d'un futur espoir. Evidemment, la légèreté. En une litanie d'exode pitoyable, le registre des morts accroît son fardeau. S'il existe lors un repos, un répit dans la course. Sinon la légèreté ? Additionner les incidents de parcours, multiplier les anicroches, coaliser les maladresses en voltes impertinentes sur la spire des entonnoirs. Les deuils, les souffrances, toutes les disparitions appendices édifiant la mécanique qui grignote peu à peu le sol sous les pas. S'il s'élabore un antidote à la condamnation ; jusqu'à n'y jamais croire, la légèreté.
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