La liberté, vraiment ?

emmyfalardeau

On en rêve, on la désire, mais elle nous échappe constamment, parce que l'on ne lui attribue pas sa juste valeur

«Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux.» - Benjamin Franklin

     Que l'on dise de la liberté qu'elle est un concept qui désigne toutes les possibilités d'actions ou de mouvement, qu'elle empêche toute soumission ou contraintes exercées par d'autres individus, que l'on affirme qu'elle permet l'autonomie ne sont que pur mensonge et illusion. Quand la liberté devient quelque chose qu'il faut sécuriser au péril de la validité de son pouvoir suprême, c'est que la définition en elle-même est biaisée.

     La liberté d'expression, la liberté de presse, et tous ses adjectifs sont là, en réalité, pour satisfaire les esprits simples qui croient encore qu'ils auront, un jour, plus de libertés qu'ils en ont actuellement. On met sous la boucle la liberté parce qu'elle fait des jaloux. La liberté n'est plus un droit inaliénable, mais plutôt un privilège qui s'offre à ceux qui sont encore dans la mesure de s'offrir l'État de nature tel que l'a décrit Rousseau. Les libertés qui nous sont offertes aujourd'hui sont limitées. Elles sont tolérées dans la juste mesure où elles ne viennent pas mettre en péril le sentiment de sécurité. Ces libertés qu'ont manipulées et modifiées les hommes ont apportées à elles seules un lot d'émotions incertaines et vicieuses. Prenons en exemple Charlie Hebdo et leurs caricatures satiriques. Leurs libertés de presse et d'expression n'ont servi à nul autre que de mettre en branle leur sécurité. Au final, les journalistes ont été victimes d'un attentat terroriste et ont fini par perdre et leurs libertés et leur sécurité.  Il n'y a plus de liberté sans ingérence. Nous avons le droit à certaines libertés tant que les hauts dirigeants des gouvernements puissent avoir un contrôle dessus et les arrêter si nécessaire.

     Alors depuis les trois Grandes guerres, que l'on pense à la glorieuse révolution, à la guerre d'indépendance américaine ou encore la Révolution française où les troupes se sont battues au péril de leur vie pour la liberté, on constate qu'encore aujourd'hui, quelques siècles plus tard, les sociétés s'acharnent contre le despotisme, la censure ou encore l'inquisition.

     Aujourd'hui,  la simple prononciation du mot liberté requiert une vigilance. C'est un combat de tous les jours où les populations craignent les fanatismes tels les religieux. La paranoïa dont tous les cœurs se sont empreints ont chassé, même dans les plus sombres recoins la liberté qui se disait pourtant inaliénable. Les sociétés cherchent à capturer la moindre parcelle de liberté qui lui est offerte. La liberté ne s'impose pas, elle ne se gagne pas et ne s'arrache à quoi que ce soit. La liberté est plutôt un flot dont les idées les plus justes et les plus pures se font méritées.

     C'est à peine si les pays qualifiés les plus libres ne sont pas de ceux les plus dépendants. Les ententes se font par milliers, les accords entre pays s'inscrivent dans les registres dans l'unique but de protéger leur liberté, mais céder aux caprices d'un autre pays n'est-ce pas l'action de leur céder une partie de nos libertés? Ne serait-ce pas de faire de la liberté un bien échangeable? La liberté devient monnaie courante et populaire entre pays. « Le pouvoir d'achat est la licence d'acheter du pouvoir, de devenir objet dans l'ordre des choses.»[1]  La liberté devient un sujet commercial, un objet de pouvoir, un sujet d'économie qui, comme Vaneigem le dit, se fonde sur un échange permanent d'humiliation et d'attitudes agressives. Il s'agit en outre, d'une technique d'usure inébranlable.[2] La preuve est là puisque les sociétés d'aujourd'hui s'épuisent à se faire la guerre à tous les jours au simple nom de leur liberté. Elles s'arment, se construisent dans le but que la liberté puisse régner alors qu'une véritable société libre devrait laisser ce droit s'installer de lui-même dans les populations. Quand il faut travailler à la survie de la liberté, c'est plutôt dire qu'il faut travailler au maintien de la discorde et des inégalités. L'erreur est là, la liberté n'est pas monnayable. Il ne s'agit pas d'un principe que l'on peut ajuster, il doit être appliqué pleinement et ce avec tous les droits nécessaires.

     La liberté n'a pas à être brimer au dépens de la sécurité. Personne ne devrait posséder la capacité de négocier et disposer comme bon lui semble les libertés que d'autres individus devraient être en mesure de posséder afin d'assurer le calme. Les libertés ne sont pas une menace à la sécurité, elles sont au contraire, le principal principe du calme et de la prospérité, mais nos populations préfèrent rester dans leur utopie, car ça a comme illusion d'être plus rassurant. La liberté n'a pas besoin d'être une guerre d'opinions, parce que, la violence ne règle rien.

     Les gens se disent qu' «un jour seulement, le ‘‘pourquoi'' s'élève[ra] et tout commence[ra] dans cette lassitude teintée d'étonnement»[3], mais personne n'agit directement. C'est à croire que nos libertés ne sont pas un sujet pressant. Qu'il s'agit d'un sujet banal sans plus d'importance qu'un autre. Les populations abandonnent leurs certitudes parce qu'ils se laissent amadouer par des idées telle que «Le futur n'a plus d'avenir»[4]. Les sociétés restent dans ce qu'elles pensent être une sagesse alors qu'en réalité il ne s'agit rien de moins que de paresse. Les gens croient que sécurité rime avec liberté alors qu'en réalité, à la différence d'une lettre, la sécurité actuelle brime nos libertés. Il faudra encore une fois que les sociétés soient rendues à sonner l'état d'alarme pour se soulever et agir. Il faut arrêter de penser que nos libertés seront entières sans qu'il y ait de révolte ou de soulèvement. Ce n'est pas demain la veille que vous comme moi auront accès à la source même de la liberté. Ce n'est pas demain la veille que l'on ne se souciera plus de publier un texte sans avoir peur qu'une injonction nous menace, sans avoir que notre liberté d'expression ne nous soit enlevée.

     La liberté est indépendante de tous les autres pouvoir. Il est faux de dire qu'elle asservit les pouvoirs économiques ou les pouvoirs politiques. La liberté ne devrait pas être soumise à quelconque pouvoir extérieur. Au contraire, la liberté devrait être celle pour qui, la politique, l'économie et toutes les autres sphères qui englobent nos sociétés se soumettent. La liberté doit être reconnu et appliqué comme droit inaliénable et absolu.

   Il est impératif d'agir et d'arrêter de sacrifier la liberté pour un peu de sécurité, parce que la menace de perdre les deux est imminente et inévitable. Il est temps que l'homme ouvre ses yeux et proclame la liberté comme elle devrait être.

«Parce qu'un être humain est libre, non quand l'autre ne l'est pas, mais quand l'autre l'est aussi» - Elie Wiesel


[1] VANEIGEM, Raoul, Traité du savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, 1967

[2] IDEM à 1

[3] CAMUS,Albert, Le mythe de Sisyphe, Gallimard [1942], 2010

[4] COMITÉ INVISIBLE, L'insurrection qui vient, La fabrique éditions, 2007

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