La lourdeur du papillon La légèreté d’un éléphant

Hélène Jourdain

Réflexion sur nous- mêmes

Mais où a-t-elle bien pu passer ? Où peut-elle bien se cacher ? L'avons-nous perdu ? Ou simplement oublié ?

 

L'avons-nous, seulement, connu ? A-t-elle, un jour, fait partie de nos vies ? Refera-t-elle surface ? Elle n'est jamais, pourtant, bien loin. Elle se terre au plus profond de nous, elle tente de s'immiscer dans les moindres recoins, cherche à se déclarer, à s'exprimer, à prouver, qu'elle a encore toute sa place. Elle essaie, avec force et patience, de trouver le chemin qu'il l'aiderait à s'ouvrir de nouveau, à s'épanouir et ainsi offrir ce qu'elle a toujours, su procurer.

 

Elle ne comprend pas, elle a beau se dire qu'elle est en droit d'exister, alors pourquoi ne fait-elle que subsister ? Elle était là bien avant tout ça, bien avant qu'on lui ait demandé de se taire, de ne pas faire trop de bruit. Comme si on l'empêchait d'être, de permettre. Elle aimerait tant qu'on s'en souvienne, qu'on se rappelle à elle, qu'on la délivre.

Mais l'autre a pris sa place. Cet autre qui l'a rendu si lourde, si impatiente, si nerveuse. Elle ne lui avait rien demandé, elle pouvait lui laisser de l'espace, juste un petit coin dans nos vies mais pas trop, juste histoire de la savourer encore plus.

Il n'en a pourtant, fait qu'à sa tête, il s'est imprimé en nous, sans que nous puissions nous en rendre compte. Il est très malin, parfois même vicieux, car il ne nous laisse pas le temps de bien le connaître, il s'installe et finit par ne plus vouloir se déloger.

Il trouve cela, normal, c'est la société qui lui a donné les clés. L'air de rien, et l'air de tout, il fait, dorénavant, partie de nous. Vous ne le voyez, peut-être plus, comme vous l'avez oubliée elle. Et pourtant, il se manifeste, à tout moment, dans vos gestes, vos paroles, vos attitudes.

Le plus inquiétant, c'est qu'il porte plusieurs noms, il ne dévoile son identité que lorsque vous le laissez s'exprimer. Vous n'avez, souvent, aucun contrôle sur lui, sur ce qu'il peut vous faire subir. Il a déjà bien réussi à vous faire oublier cette toute petite autre chose….

Vous ne voyez peut-être pas de quoi je cause. Elle m'est réapparu, ce matin, lorsque l'autre, justement, s'imposait à moi. J'ai fini par m'apercevoir qu'il se révélait d'une certaine manière. Cette manière de faire abrupte, maladroite, brutale, inconvenue. Il court, saute, fonce tête baissée, ne voit pas forcément les obstacles, ne cherche même pas à les éviter, tombe, se blesse ou blesse autrui, se relève et reprend sa course. Toujours plus vite, toujours de la meilleure des façons qui soient. Il ne réfléchit même pas, il ne réfléchit plus, il ne s'arrête pas, va droit devant lui sans penser aux conséquences. Il lui faut sa place dans la société, c'est sa seule façon de se sentir exister. Alors, il insiste, si on l'en empêche, il pousse, il peut même frapper fort, s'en prendre aux autres. Il n'est malheureusement, rien d'autre qu'un éléphant qui se croit affublé d'une paire d'ailes !

 

Cette façon qu'il a, de se nourrir de l'impatience, de l'insatisfaction, du regret, de l'amertume, de la peur, de la colère, de la rancœur, de la haine…

 On sait bien évidemment qu'il doit être sous contrôle mais le seul moyen que l'on ait trouvé c'est de chercher à tout prix à le calmer à coup de plaisirs instantanés. Nourriture, alcool, drogue, écrans…une frénésie, une boulimie de plaisirs immédiats mais qui ne sont, toujours, que de courte durée. On les répète, alors, encore et encore, une vraie quête effrénée de celle que l'on a oublié…

 

Je me suis donc mise à la chercher. J'ai bien eu du mal à la retrouver. J'ai dû affiner mon regard, étendre mon champ de vision, explorer bien plus loin que je ne saurai voir. Alors qu'elle est bien là, elle lève la main pour signifier sa présence. Telle un papillon qui se pose avec toute sa légèreté, son aisance, sa fluidité.

 

Car, elle a toujours existé, elle nous a été donné de génération en génération. Une transmission générationnelle qui se devait de perdurer, d'être entretenue. Elle est là, dans une caresse, un baiser, un regard, une parole, une étreinte, une musique, le silence, un livre, dans un tableau, un plat, une fleur, un arbre, une forêt, un ruisseau, une plage, une montagne, un animal et encore sous d'autres aspects que vous seuls connaissez.

 

Laissons-la donc reprendre le dessus, redonnons-lui une plus grande place, SA place ! Celle qu'elle n'aurait jamais dû quitter.

 

La douceur, c'est bien d'elle dont je veux vous parler. Celle qui nous a été offert dans notre enfance, que ce soit par la voix, le regard, les gestes, le portage ou par toute autre chose qui vous est propre et dont vous n'avez, peut-être, même plus conscience.

 

Et celle que l'on a perdu par les difficultés de la vie, de par la société. Une société du toujours plus, toujours plus vite, toujours mieux, jamais assez bien, jamais assez rapide, jamais assez fonctionnel…

 

N'avez-vous jamais remarqué autour de vous, une personne qui parle très fort, ou qui crie, qui passe par la violence pour se faire entendre ? Une personne qui passe devant les autres ou les pousse dans les files, histoire d'être le premier ?  Ou bien celle qui saute dans une piscine sans regarder avant s'il y a quelqu'un dans l'eau ? Celui qui s'installe sur votre chaise sans vous demander si vous allez vous rasseoir ?

 

Il existe plus de quarante antonymes au mot « douceur », c'est bien la preuve que la dureté a pris trop d'ampleur. Mais, soyez rassurés, il existe encore plus de synonymes à la douceur ! Et si nous mettions de côté la fureur de vivre pour se laisser porter par la douceur de vivre ?

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Je suis fan!
    On, enfin je, ne peux lire qu'avec cette curiosité de la chute.
    La douceur, comme la vertu, reste patiente, sage et discrète, car la douceur est la force, la vraie.
    Les éléphants se trompent, évidemment!

    · Il y a plus d'un an ·
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    Christophe Hulé

    • Merci beaucoup Christophe pour ce commentaire et ravie que ce dernier vous ait plu !

      · Il y a plus d'un an ·
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      Hélène Jourdain

    • Malheureusement, la douceur n'et pas d'actualité, l'a-t'elle déjà été?

      · Il y a plus d'un an ·
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      Christophe Hulé

    • n'est, oups!

      · Il y a plus d'un an ·
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      Christophe Hulé

    • Je pense que oui ! Elle nous ait transmise, pour les bien heureux à la naissance et tout au long de notre enfance...Après, si on ne le cultive pas, elle tend à disparaître...

      · Il y a plus d'un an ·
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      Hélène Jourdain

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