La lumière au bout du tunnel

Caïn Bates

À la lumière qui a grandi dans mes ténèbres...

          Je revois encore la scène, moi marchant dans cette allée blanche avec des dessins gribouillés sur les murs qui me faisait pensé à un couloir d'hôpital, tentant malgré moi de ne pas tituber en t'enjambant alors qu'une dame te criait dessus. Je suis encore capable de discerner ces sanglots qui s'étouffaient derrière les torsades dorées qui cachaient ton visage. Pourtant, je ne t'ai pas accordé la moindre attention, j'ai juste continué mon chemin jusqu'à la porte ocre du bureau de la psychologue qui m'attendait. Je pense que tu ne dois pas encore le savoir en lisant ces lignes mais j'étais tétanisé. Mes réponses étaient machinales, mes gestes presque robotiques, je n'étais clairement pas moi-même ce jour là. Ce fameux jour où j'ai vu ton visage pour la première fois. 
         Tes cheveux plaqués sur ton visage, encore humides à cause des larmes qui mourraient au coin de tes paupières rouges, dévoilant tes yeux verts qui fuyaient mon regard. Tu as essuyé ta joue d'un revers de manche et tu t'est assise à côté du bureau en soufflant. Voilà pourquoi je n'arrive pas à être contrarié quand les autres pensent que c'est une forme d'irrespect, ton air agacé est peut être ce qui m'a séduit en fin de compte. On aurait tous les deux préféré être ailleurs à ce moment là plutôt que dans cette pièce à l'atmosphère lourde, tentant bien que mal de retenir nos larmes.
         Quand cette femme nous a laissé seuls dans cette salle, je t'ai juste regardé sans dire un mot pendant que tu me scrutais d'un air sévère. Aussi discrète que tu voulais l'être, j'entendais l'élastique que tu faisais claquer contre ton poignet sous toutes les cicatrices que tu avais sur le bras. Alors, bien sûr, je t'ai montré que j'en avais tout un tas, maudits chats. Le sourire que tu as esquissé m'a permis de revoir encore et encore jusqu'à ce que ça soit toi qui vienne me voir.

       Quand j'ai ouvert la porte, tu étais assise sur la marche dans ta robe de poupée qui ressemblait à celle d'une mariée. Tu t'es relevée lentement et tu es resté debout, immobile pendant que l'on parlait avec la tutrice. Une fois, qu'elle avait franchi le virage au bout de la rue, tu m'as sauté dans les bras et me suppliant de ne plus jamais me lâcher. Tes larmes se sont mises à couler contre ma nuque, des larmes chaudes, presque agréables. Jamais je ne t'ai vu autant sourire que lorsque j'ai relevé ton visage pendant cette étreinte, plus rayonnante que mille soleils en pleine supernova.
     Une heure plus tard, tu dormais sur le canapé, ton sac encore dans la main. Et moi, j'ai passé une bonne partie de la journée assis contre le meuble de la télé à te regarder dormir, absorbé par ta candeur, toi que l'on disait entêtée et agitée. On m'avais dépeint un démon, j'étais en présence de l'un de ces rares anges pas encore déchues, bien que les démons ne m'ont jamais dérangé. Tu t'es réveillée peu avant le coucher du soleil, je t'ai fait monté sur le toit pour que l'on voit notre premier crépuscule, les teintes d'orange et de rose se battaient contre ton visage souriant.
       Pourtant, quand mon portable s'est mis à sonner, tu t'es mise à sangloter, de peur que ça soit déjà fini. Je t'ai serré contre moi pendant que je répondais aux nombreuses questions de l'agence, caressant ta joue de mon pouce. Je sais qu'aujourd'hui encore, tu as peur de cet endroit, des autres enfants qui étaient avec toi et pourtant, tu n'as jamais montré la moindre trace de crainte quand on sortait, ta main accroché à la mienne. Quand j'ai raccrochée, la nuit était déjà tombée et nous sommes rentrés, avons mangé et je t'ai enfin montré ta chambre. Tu as longtemps insister pour que je reste dormir avec toi, je t'ai juste promis d'attendre que tu t'endormes avant de partir, te rappelant qu'ici les chats ne te grifferaient pas, t'ai embrassé sur le front puis suis sorti sans bruit de ta chambre. À mon réveil, tu étais dans mon lit avec ton pyjama presque trop petit. D'ailleurs, puisque l'on parle de mon lit et de ton pyjama, sache que je ne me suis jamais débarrassé de celui-ci, ni de ta robe d'ailleurs, ils sont dans une boite sous mon lit, je n'arrive toujours pas à m'en séparer.  

       Nos premiers jours ensemble sont gravés dans ma mémoire à jamais. Tes cris déchirants quand tu partais, tes sourires quand tu me voyais me garer les jours où je venais te chercher. Tu as été ma plus belle rencontre Cara, de très loin la meilleure. Alors merci d'avoir été là pour croiser mon chemin, merci pour ce prénom que tu as choisi pour recommencer cette vie avec moi. Merci d'être toi, tout simplement.

        Je ne sais pas si tu tomberas sur ce message par toi même ou si je finirais par te le montrer de manière détournée mais sache que je t'aime ma puce.

Signaler ce texte