La Lune

Manon .

Quelque chose dans l'air flottait lourdement. On aurait dit que les nuages avaient été chargés de mastic et que, de leur poids, ils asseyaient sur le monde une pesanteur étouffante. Le soleil charriait de la poussière de lumière, qui elle-même se résorbait dans la masse de coton. Un vent épais soulevait des morceaux de ciel, sourdement. Il semblait que ce silence pouvait être saisi à pleines mains, arraché par des doigts fiévreux.

Un arc d'argent se dessina sur la nue. Le crépuscule tomba, et la nuit avec lui.

Suspendue à une ramure, la lune siégeait. Accroché à sa branche, l'oiseau l'observait. Il distinguait sa robe livide, sa rondeur maternelle, ses creux béants. Comme un être maladif, la lune s'était assise sur l'arbre et demeurait immobile. Immuable créature du ciel à la face blafarde.

L'oiseau chuchota des mots doux. Il voulait entrer en contact avec elle ; mais comment s'adresser à la lune ? Il agita ses ailes noires de nuit, s'approcha de la cime, la regarda de plus près. D'ici, elle paraissait encore plus froide. Il dirigea son petit bec vers elle, l'ouvrit pour laisser échapper un souffle glacé comme une poignée d'os.

La lune resta muette et l'oiseau s'envola.

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