LA MAIN DANS LA TÊTE

danmarron

Synopsis : La main dans la tÊte.

Le titre, très imagé, signifie Handicap (Hand In Cap) étymologie anglo-saxonne. Il s’agit d’un récit et non pas d’un roman autobiographique dans lequel, j’y relate mon combat de tous les instants pour rejoindre le monde inaccessible de la « normalité physique ».

Né en 57, mon père géniteur prendra vite la tangente.  Dans ces années là, cela fait très mauvais genre d’être mère célibataire. Est-ce pour une raison psychanalytique de me sentir légèrement le boulet de ma mère, en 59, j’ai pris option « polio ». Faut dire que dans cette période les victimes se comptaient par milliers.

C’est donc ce combat de tous les instants que je relate au fil des pages. Ma lutte pour la survie et pour reprendre jour après jour ce que le virus m’avait pris. Et enfin, ma victoire toute relative sur la maladie.

Par contre, au fil des années, je m’apercevrais que cette fameuse « anormalité physique » dans laquelle je baignais depuis si longtemps, avait aussi fait naître en moi une sorte « anormalité psychologique ».

Je vivais dans le déni de cette invalidité.

D’où l’avant propos : L’énigme du bourdon.

Pour ma part, le pire des handicaps est la bêtise  humaine. Là aussi, je ne serais jamais déçu. Alors que j’aurais passé ma jeunesse ballotté entre hôpitaux, interventions chirurgicales, …, jamais à l’époque je n’avais subit le moindre sarcasme de la part de mes congénères.  Ce qui ne sera pas le cas, arrivé dans le monde adulte. Aussi bien dans le milieu professionnel que familial, j’ai dû faire preuve de beaucoup de relativité et de détachement pour ne pas sombrer dans la déprime. Sur ce point, je pense qu’ils ont gagné. Car après avoir autant fantasmé sur le monde normal quand j’étais interne à Garches (près de huit années), à ma sortie, je fus dans les mêmes proportions déçu de cet extérieur.  La seule arme qui me restait était « être  mauvais genre ». Ce qui m’a permis de survivre dans ce monde si hostile à la différence. Ainsi, j’ai consciemment, changé de vie et de combat. M’étant autoconstruit physiquement et psychiquement, j’ai entrepris une sorte d’autodestruction. Je me devais bien ça ! Les hasards de la vie m’ont fait rencontrer des gens peu fréquentables (comme on dit) mais qui à l’instant T me correspondaient parfaitement.

Tout les sujets abordés, le sont avec beaucoup de dérision et surtout arrosés d’un zeste d’humour. De ma confection, mon enfance, ma maladie, ma jeunesse, mes premiers contacts avec la gente féminine, ma descente en enfer, ma T.S. et mon retour parmi les vivants. De plus, ayant en horreur le pathos, le mélo et par contre un amour fou pour l’humour (surtout si celui-ci est Desprogiens), j’ai choisi Dan MARRON[1] comme pseudo et ai intégré sous forme de notes de bas de page, mes autocritiques.

J’ai adopté un style direct, sans hypocrisie, des mots qui claquent, des phrases qui portent à réflexion. Tous les personnages mentionnés dans mon récit, sont ou ont été acteurs de ma vie. En fin de partie, je me suis amusé à mettre sous forme de nouvelles, poésies des idées originales, certaines issues de faits divers.

Je me suis volontairement arrêté dans les années 80 car j’ai dans l’idée de faire une suite. Cette première partie servant de test.

 

LA MAIN DANS LA TÊTE

 

Avant propos

L'énigme du bourdon

         Une étude en aéronautique a démontré que vu sa corpulence et la taille de ses ailes, le bourdon est un animal qui ne devrait pas pouvoir voler. Mais comme il ne le sait pas, il vole. Si un jour vous avez l'occasion de bavarder avec un bourdon, ne lui révélez surtout pas les conclusions de cette enquête car il risquerait de se poser et ne jamais redécoller.

         Avant de commencer à écrire, il m’est impératif de connaître le temps que je vais employer pour rédiger ce qui suit. Passé, présent ?

         Je suis très indécis et comme le doute m’habite toujours, je vais employer le temps qui me correspond le mieux. L’IMPARFAIT.

         Un pseudo : DAN MARRON.

         Il me faut un titre aussi. Un titre accrocheur, qui soit dans la lignée du contenu.

         Une vie de con ?

         Drôle de vie ?

         LA MAIN DANS LA TÊTE[2] ? Oui !!

         Je m’efforcerai également afin de rendre mon récit plus vivant, d'y insérer, dans la mesure du possible, des paroles de chansons[3] qui ont bercées mes oreilles dans ma jeunesse. Car lire la vie d’une personne connue comme Monsieur Christ dans sa grande épopée « Évangiles » ou celle d'hommes politiques, ou du show-biz, c’est déjà un tantinet barbant, mais là, lire l'autobiographie d’un illustre inconnu, je ne vous explique même pas. Et pour la crédibilité de ce qui va suivre, je ne changerai aucun nom ni prénom dans la mesure où ma mémoire ne me fera pas défaut. Quitte à supporter quelques attaques. Je resterai droit dans mes baskets. D'autant que, s'il y a des gens qui se sentent concernés par mes écrits, c'est qu'ils m'auront lu ! J'offre d'ailleurs ma tournée de Témesta à ces derniers.

Bon courage !

   

 

1956

 

« Montez à bord de mon cigare à moteur

Il vous emmènera à 300 miles à l’heure »

         Paris VI, fin juillet 56, une journée particulièrement torride, puisque même les quelques habituels pigeons du quartier, se cachaient de cette chaleur accablante dans les feuillages des trois ou quatre platanes trônant dans la rue de l'Odéon. Comme s’ils devinaient ce qui se passait au numéro 15, dans ce petit appartement au 1er étage et que pour rien au monde ils ne voulaient en être les témoins. Pigeons voyageurs, peut-être, mais voyeurs, non !

         C’est donc par ce bel après-midi d’été, que ma mère Jeannine et son copain Ferdinand se sont laissés aller à une relation de cul, une partie de jambes en l'air ! Dira-t-on… (J’ai cherché des mots plus doux, plus poétiques mais je ne les ai pas trouvés). De plus, ce sont les propos de ma mère quand elle évoque cet après-midi là. A l’époque, le préservatif n’existait pas, la contraception faisait exception, il fallait « sauter en marche » ou prier le bon dieu pour qu’il n’en résulte aucune séquelle.

         Chose facile à dire mais beaucoup plus difficile à faire. Il faut de l’entraînement pour donner le bon coup de rein juste au moment où il faut et quand il faut. Ni trop avant, ni trop après sinon bingo, lumbago !!! Cet après-midi là, j’aurais dû finir dans les draps, à l’air libre comme des millions de mes concitoyens morts au champ d’honneur, un génocide quoi, mais tel ne fût pas le cas. Un quart de seconde trop tard et hop, me voilà.

         « Ben ma petite Jeannine, faut le faire sauter (avorter) ou te marier ! »

 

         Lui avait dit Marie, sa mère. Ma grand-mère, une petite femme au caractère bien trempé, une maîtresse femme dira-t-on mais d'une beauté exceptionnelle.

 

         Comme on était encore très loin de Mai 68 et que le M.L.F n’existait pas encore, ma mère opta donc pour la seconde proposition. Elle se maria.

         J’apprendrai plus tard qu’elle était amoureuse d’un autre garçon qui travaillait au théâtre de l’Odéon comme électricien. Sa profession n’étant pas en adéquation avec le milieu de cafetier, on (ses parents) lui préféra Ferdinand (mon père géniteur), serveur dans un grand restaurant du quartier, « la Méditerranée ». Il était beau, sentait le sable chaud et avait un fort accent marseillais.

         J’allais donc devenir une erreur de jeunesse ! Je ne le savais pas encore.

         La question existentielle : Pourquoi moi ?

         Pourquoi, ce jour là ai-je gagné cette fameuse course à l’ovule ? Je n’ai jamais été bon en sport, en natation, en course ou alors si, éventuellement en course à handicap. Pourquoi, sur des millions de têtards que nous étions au départ, concentrés dans nos starting-blocks, c’est moi, avec ma grosse tête et ma petite queue, qui ai pris le dessus pour gagner cette course absurde. L'E.P.O. Déjà ? Ou peut-être que mes concurrents se doutaient de ce qui les attendait et m’ont laissé remporter ce marathon. Jouer des coudes, couper les virages, accélérer dans les lignes droites à fond, à fond pour distancer mes compagnons d’éjaculation et pour monter sur le podium, être l’heureux élu. Certes, cette compétition avait été rude ! Surtout sur la fin. Je commençais à m’épuiser. Je n’en voyais pas le bout. Il faisait très sombre, très chaud et de plus, ce qui n’arrangeait rien, le chemin était humide, glissant même. Enfin bref, dans un ultime effort, dans la dernière ligne droite, je l’ai aperçue au bout du tunnel. Dans cette galerie, tout en haut du célèbre « Col de l'Utérus[4] », elle était là, postée à l’arrivée avec un écriteau « Bienvenue ». Elle m’attendait depuis longtemps sûrement. Un dernier coup de queue, un ultime effort et ça y est ! J’AI GAGNE !! Ô VULE ! Les commentaires suivants auraient pu être dits par Léon Zitrone, s'il y avait eu assez de place !

         « Eh oui ! Chers téléspectateurs, mesdames, messieurs, en direct du « Col de l'Utérus », après cette ultime course contre la montre exceptionnelle, le maillot à petits pois, celui du meilleur grimpeur, ayant pris la corde, dans la dernière ligne droite, laisse ses concurrents sur place ! Nous aurons donc dans l'ordre d'arrivée, l'as, Blaireau de la Tronchenbiet, ...! »

 

         A la suite de cette unique victoire, j'eus le droit de passer neuf mois au chaud après m’être uni avec Mademoiselle Ovule. Tout allait pour le mieux entre nous. Nous ne faisions qu’un. Je profitais bien, Je grandissais bien aussi. En gros, une vie pépère !

1957

 

« Au premier jour de ma vie

Il y avait une dame, dame, dame, dame, dame,

Qui répondait de mon âme

Cette dame, dame, dame, dame, dame,»

 

         C’est le 29 avril 57 à 16 heures 20 exactement que cela se compliqua. J’avais trop grandi et il me fallait quitter les lieux rapidement. J’étais expulsé ! Motif : pas assez d’espace vital ! Je n’avais donc plus qu’à prendre mes cliques et mes claques[5] et sortir.

         Il a fallu un temps fou pour m'extraire de mon antre et me faire pleurer. Et oui, la toute première chose qu’un nouveau-né qui se respecte doit faire, est de pleurer. Quand j’y pense, ça me fait rire ! N’est-ce pas là une bonne entrée en matière pour la vie ? Comme je tardais à faire mes vocalises, j’ai pris mes premières tartes dans la tronche. Il était 16 heures 21 ! Une minute de vie et déjà, bing ! Mes premières claques, mes premiers maux et mon tout premier Houin Houin !

         « Bienvenue chez nous ! »

         J’étais couché dans un petit lit douillet où entre deux tétées, des gens que je ne connaissais pas venaient me voir. En se penchant au-dessus de moi, je les entendais dire :

         « Oh, comme tu es beau[6] ! »

         « Oh, tu es tout le portrait de ton père ! »

 

         « Mais non ! Regarde c’est les yeux de Jeannine ! »

 

         Les premières âneries fusaient. C'était à qui en dirait le plus. Heureusement, je ne comprenais rien. D’ailleurs, comment pouvais-je avoir un soupçon de beauté ? Ne voulant pas sortir, j’étais né avec les forceps et suite à une erreur de manipulation, j’avais de belles balafres sur les deux cotés du visage. Ah ! Déjà des erreurs, des cicatrices.

         Pendant mes premiers jours de vie, ce ne fut que ça ! La ronde des visiteurs et leurs propos bêtes et inutiles. Mes journées étaient rythmées par les tétées, les cacas pipis et dodos. Rien de bien folichon ! Souvent, des mains gigantesques, venaient me prendre et me soulevaient pour me tapoter dans le dos. Sûrement un rituel.

         Le temps se gâta un peu plus encore pour moi au retour de ma mère et de son fardeau dans le milieu familial. Là, commencèrent mes premiers grands moments de solitude.

         En effet, ils étaient tous dans le commerce. Mes grands-parents tenaient un café et ma mère travaillait avec eux. Quant à mon père, lui, il n’était pas là. Où était-il ? Aucune idée. Enfin si, une toute petite. Bref, lorsque tout le monde travaillait au café, je me retrouvais toujours seul dans la chambre du fond. Je m’occupais à regarder le plafond, à écouter le bruit des clients au bar, la vie dehors. J’attendais toujours patiemment que l’on vienne me voir après le service. Une vie palpitante quoi.

[1] J’hésitais entre John VERT, Barry BLANC, …

[2]             Origine anglo-saxonne signifiant Hand In Cap.

[3]             Michel Polnareff entre autres.

[4]             Dieu Grec de la reproduction. Non, je plaisante !

[5]             Des claques, j’en prendrai beaucoup au sens propre comme au figuré.

[6]             Honnêtement, regardez bien un nouveau né ? C’est moche !

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