La maison en haut de la colline

plumedesang

Nouvelle que je viens de terminer.

Cela fait une heure que je l'observe, la maison en haut de la colline. De l'autre côté de la rue, elle m'attend. Comme pour m'inviter à entrer, la porte s'est entrebâillée, et une lumière, une seule, s'est allumée à l'une des fenêtres de l'étage, comme une promesse de trouver l'Éden si je pénètre ses entrailles. Seulement, voilà, je ne suis pas dupe, je sais que c'est l'Enfer qui m'attend si je m'y aventure. Or, je n'ai pas le choix. Frankie m'a mis au défi d'y passer la nuit, autrement il racontera à tout le collège que je suis une mauviette. Et je n'ai pas envie d'être une mauviette.


Cela remonte à un mois. Frankie et moi étions en pleine partie de Street Fighter, lorsque, d'un commun accord, nous avions convenu que le perdant aurait un gage choisi par le vainqueur. Si le gage était exécuté, l'histoire s'arrêtait là, en revanche, si le perdant refusait, il gagnerait la réputation de pire tapette de l'histoire du collège Baudelaire.

Après avoir mené le score pendant trois parties, je me suis pris une raclée monumentale. Alors que j'essuyai la défaite amère, Frankie m'annonça, sur un ton triomphal, mon gage: je devais passer une nuit entière dans la maison en haut de la colline.


Pour toute personne ne connaissant pas la maison en haut de la colline, le pari semblerait faisable les doigts dans le nez, mais ceux qui savent, pour la plupart, n'y mettraient pas un pied: la bâtisse est hantée. Tout ceux qui se sont risqués à s'y aventurer n'en sont jamais ressortis.

Tout, en elle, transpire la mort. De sa façade en bois sombre, pourri par le poids des années, en passant par les fenêtres aux carreaux brisés ou couverts de poussière, jusqu'à sa toiture sur le point de s'effondrer, l'habitation se meurt, entrainant avec elle les âmes des malheureux qui pénètrent en son sein. Même les arbres et le gazon qui l'entourent semblent avoir rendus l'âme depuis des siècles.

Un coup sec dans les côtes me sort de ma contemplation: Frankie me signale que c'est le moment.


Bien que j'aie une trouille bleue, je prends mon courage à deux mains et avance en direction de la maison. Plus que quelques mètres me séparent de mon funeste destin. Plus que quelques pas avant d'atteindre la grille rouillée...

...Ça y est, j'y suis.


Je pousse la grille, qui s'ouvre en grinçant, un râle d'agonie, à me glacer le sang. Au moment où je pose un pied sur le terrain de l'autre coté, un froid glacial s'insinue en moi. Il me faut quelques minutes pour pouvoir bouger à nouveau. La peur tétanise mes membres, mais je ne peut plus reculer. Pas maintenant, alors que je suis si près du but. L'estomac noué, je m'approche de la porte entrouverte. Je pousse le battant, m'apprête à entrer, lorsqu'une main glacée aux doigts décharnés m'agrippe le poignet et me tire à l'intérieur...


...Les gars et moi, on a jamais crus aux bobards que racontaient les autres sur la maison en haut de la colline. Des histoires à faire peur, pour nous dissuader d'en approcher, tout simplement parce que les mioches dans notre genre n'ont rien à faire dans une maison abandonnée. Mais cette nuit, on a tous été témoins que la maison est réellement hantée. Quand Bob était sur le point d'y entrer, la chose l'a aspiré, avant que la porte ne se referme d'un coup sec. Les autres se sont barrés en courant, mais moi je l'ai vu. Sous son capuchon, il n'y avait que les ténèbres. Et deux lueurs rouges qui me fixaient d'un air mauvais...

Signaler ce texte