La maison hantée
laracinedesmots
Elle sentit une présence derrière elle, elle se retourna vivement dans le silence de sa chambre. Elle vit son ombre, sur le mur du couloir, qui s'éloignait. Son cœur s'emballa. Fou et endiablé, il voulait s'échapper de sa cage thoracique.
Non, se réprimanda-t-elle, pense aux enfants. Elles ont peur elles aussi. Montre que tu es forte.
Elle inspira une longue bouffée d'air, sa poitrine se gonfla sous son tee shirt gris. Elle s'observa dans le miroir, arrangea une dernière mèche de cheveux et sortit de la pièce. Elle se signa, la tête baissée, pour ne pas croiser ces apparitions brumeuses qui l'effrayaient, maigre protection contre l'invisible menace. Elle fila vers la cuisine préparer le repas du soir. Ses deux filles vinrent la rejoindre peu de temps après, sans bruits, comme leur mère leur avait apprit. Ne surtout pas déranger l'esprit des lieux, telle était la règle car son courroux pouvait se déchaîner impitoyablement.
Elle disposa quatre assiettes sur la table et elles mangèrent rapidement ce repas au goût d'angoisse.
Ne pas craquer.
Elle offrit un sourire à ses filles, son sourire de maman pour apaiser sa progéniture. Cela dû marcher car les filles se détendirent. A moins que ça ne soit une des nombreuses ruses d'enfants pour protéger les parents.
Qu'importe.
Elles quittèrent la pièce, laissant derrière elles un plat plein de nourriture fumante. Un bruit grinçant s'échappa du salon. Elles se mirent presque à courir, fuyant la pièce à vivre et ce ne fut qu'une fois dans la chambre des enfants que chacune put reprendre son souffle. La mère les borda avec douceur, les embrassant sur le front et leur fit jurer de garder leurs bouchons d'oreilles. Elle ne voulait pas qu'elles entendent les cauchemars qui erraient souvent dans leur maison. D'un dernier regard aimant, elle se signa pour repousser le mal.
Sitôt la porte refermée, une ride d'inquiétude grignota son front et ses yeux se plissèrent un peu. Pour l'instant, elle gardait la maîtrise de sa peur. Jusqu'à quand ?
Si tu as bien fait, il sera apaisé.
D'un pas de nuage, elle retourna dans la cuisine. L'assiette était vide. Une vague de soulagement déferla dans ses veines. Elle n'avait pas faillit ! Elle avait cette fois réussit à faire quelque chose de bien, c'était rare, d'habitude elle faisait toujours des erreurs. Plus légère, elle lava avec soin la vaisselle, presque en chantonnant. La soirée s'était merveilleusement déroulée, sans heurts. Grâce à son dévouement, l'esprit de la maison était satisfait. Ce soir, ses filles dormiront sur leurs deux oreilles.
Elle alla rapidement dans sa chambre, décidée à se passer sa crème hydratante favorite pour fêter ça lorsqu'elle se figea brutalement sur le seuil. Là, devant elle, le lit défait semblait se moquer d'elle. Ses mains se mirent à trembler, son cœur s'emballa. Elle se précipita vers la couche et tenta, avec des gestes maladroits, de réparer cette offense au plus vite.
Trop tard.
L'ombre de l'esprit se dessina sur le mur de la chambre.
La femme hurla.
*
7h05, le réveil sonna. L'esprit était déjà partit, laissant derrière lui ses chaussettes sales. La femme s'approcha du miroir. Hier, elle n'avait pas pu mettre sa crème hydratante. Elle croisa son reflet et en fut apeurée. Une larme glissa sur sa joue tuméfiée.
Aujourd'hui, elle mettra du fond de teint.
C'est cela ! Je dirais même que c'est plus qu'une métaphore car certaines victimes de violences conjugales (hommes ou femmes) que j'ai pu accueillir m'ont parlé de cette impression à certains moments d'avoir un autre "être" à la maison.
· Il y a presque 12 ans ·En tout cas, merci pour ton commentaire !
laracinedesmots
Bien écrit. Je comprend ce texte comme une métaphore de la violence conjugale...
· Il y a presque 12 ans ·simon-rainner