La mariée pue des pieds ! (et le titre aussi)
Alexandra Bitouzet
Elle avait annoncé son mariage exactement dix-sept mois plus tôt sur son réseau social. Tous les jours, elle effectuait un savant décompte et on ne le dit jamais assez, dix-sept mois, quand on attend, c'est long et sûrement que quand on observe quelqu'un qui attend, c'est pire encore. Dix-sept mois qu'elle ne parlait que de ça. Et mon mariage par-ci, et mon mariage par-là. Elle n'avait pas imaginé une seule seconde que le reste du monde en avait rien à foutre qu'on lui passe enfin la bague au doigt.
Elle en était à un M-1 et je savais que les jours à venir allaient être indigestes. Ah oui, bien entendu, je n'étais pas obligée de m'infliger une telle torture. Le fait est qu'elle m'avait désignée comme demoiselle d'honneur, moi et trois autres filles dont je ne connaissais même pas le prénom. Elle souhaitait que l'on porte, ce jour-là, Son Day, comme elle l'appelait, une robe en satin, prune, avec un nœud dans le dos tellement énorme qu'il aurait pu m'emmener loin de tout ça. Elle avait insisté aussi pour la coupe de cheveux, un chignon et quelques mèches qui retombent négligemment sur les épaules dénudées. Presque sa coupe mais en moins bien, pour pas lui voler la vedette, qu'elle avait dit, en ricanant. La conne ! Après ça, elle avait murmuré un truc que je n'avais pas compris sur le coup, et c'était mieux avant de comprendre. Le détail sur la photo, la grosse mode en ce moment. Le truc superswagg, qu'elle disait ! La mariée entourée de ses demoiselles d'honneur, ces dernières, le cul à l'air ! J'avais dit nan ! Quand même, faut pas déconner ! La robe, le chignon, sur cheveux courts déjà, je me demandais comment j'allais me dépatouiller pour faire tenir son macaron sur le haut de mon crâne ! Mais j'avais accepté, surtout pour qu'elle me foute la paix avec ses conneries ! Mais décemment, je ne pouvais pas montrer mon cul devant tonton tata pépé et mémé !
Alors elle s'était mise à chialer. D'abord doucement. Je lui avais dit, tu comprends ma biche, c'est pas possible, c'est pas swagg du tout de montrer son cul sur ta photo de mariage ! Tu vas pas accrocher ça sur le mur de ton salon ! Comme elle semblait ne pas comprendre, j'avais insisté, en haussant un peu le ton. On voit que c'est pas ton cul qu'il faut que t'affiches ! Alors elle avait pleuré un peu plus fort, jusqu'à ce que son foutu rimmel coule et qu'elle ressemble à un petit panda. Putain, il était au point son scénario, la garce ! Alors comme on ne peut rien refuser à une femme qui va se marier, j'avais dit ok pour monter mon cul.
J'aurais bien aimé lui dire qu'il ne fallait s'attendre à rien. Que le mariage, c'est bien, surtout avant. Quand on ne fait que l'envisager. Encore que. Quand elle me l'avait annoncée, je lui avais racontée mon histoire, pour la mettre en garde. Mon mari m'avait quittée un matin, sans sommation. Je ne m'y attendais pas. La veille nous étions allés choisir une nouvelle paroi de douche. Il l'avait montée, sans s'énerver ni rien du tout et nous avions fait l'amour après, sous la douche, pour la tester. Cette paroi était parfaite ! Parfaite en tout point, vraiment et je n'exagère rien. Elle avait tenu bon, sans vriller et ses joints étaient bien étanches. Au petit matin, je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas ce qui lui a pris à ce con, il est parti et n'est jamais revenu. Je l'ai attendu un soir, deux soirs, une semaine, un mois. Je l'ai attendu longtemps. Et un jour, j'ai reçu une lettre, il demandait le divorce. Tu voulais que je fasse quoi ? Il était déjà parti. Alors j'ai divorcé. Je ne peux même pas dire on a divorcé. J'ai divorcé de l'absent. Parti depuis des mois.
Tout le monde m'a dit que c'était quand même une sacrée tuile ce qui m'arrivait là. Tu penses ! Une putain de sacrée tuile même ! Une toiture toute entière tu veux dire !
La seule chose que je lui souhaite, c'est qu'après tout ce bordel, elle nous fasse une fête à tout péter quand elle va divorcer ! Parce que moi, ce que je préfère dans les mariages, c'est quand même les bitures que se prennent les divorcées ! Ça bordel, c'est superswagg, ma biche, tu peux pas dire le contraire !