La mélancolie (Fin de La rencontre Acte 5)

flemingrob

Texte écrit à quatre mains avec Lexique_Bleu
Suite de Monsieur, je t'aime

Acte 5 : La mélancolie

Elle :

La nuit venait de s’achever, ils s’étaient endormis l’un contre l’autre, l’odeur de foutre elle se souvient flottait encore dans la chambre…

Discrètement elle s’était levée, lui avait préparé le petit déjeuner, leurs derniers instants de partage avant que leur vie ne reprenne sa course folle dans la tristesse et la monotonie de leur quotidien, ils n’ont gardés de ce weekend à deux que la promesse d’une histoire d’amour sans lendemain…

Elle avait déposé un baiser sur son torse imberbe, il s’était réveillé et l’avait embrassé…

Ses baisers, elle se souvient du parfum de ses lèvres, des caresses sur sa peau…

Il savait, elle aussi savait, ils étaient d’accord, ni l’un ni l’autre ne quitterait son conjoint, l’un et l’autre savaient qu’ils vivaient leurs dernières secondes de liberté, l’un et l’autre profitaient de ces dernières secondes…

Après s’être jeter sous la douche, elle rassemble ses affaires, un dernier café avant de partir, un dernier regard dans le miroir de l’entrée, une dernière vérification et là voilà partie.

Elle se souvient de ce weekend, une véritable émotion l’envahie à nouveau, le retour avait été douloureux...
Pendant le trajet, ni l’un ni l’autre n’avait eu la force de sourire, plus il se rapprochait de sa maison plus il savait qu’il allait devoir la laisser partir, sa terre d’asile, sa folie douce et plus son visage s’était fermé conscient qu’il vivait ses dernières secondes avec elle.

Il avait garé la voiture, descendu sa valise…

Cruel, déchirant et douloureux.

Le temps d’un weekend il l’a aimé intensément, le temps d’un weekend elle l’a aimé passionnément…

« Au revoir.. »

Elle était partie sans se retourner, sans un regard, sans un sourire…

Elle se souvient aussi des larmes qui avaient coulées sur ses joues…

Il l’avait regardé partir espérant qu’elle se retourne, qu’elle le regarde et qu’elle revienne…

Plus jamais il ne se réveillerait près d’elle, plus jamais…

En montant dans le bus, elle a lu encore et encore le mail qu’il lui avait envoyé deux jours plus tôt.
« Je suis à Paris pour deux jours, on prend un café ? »
Prendre un café et se revoir…
Que voulait-il après toutes ces années de silence, depuis lui sa vie avait bien changé, elle avait réussie à obtenir une place de chroniqueuse dans un magasine féminin, elle avait changé de statut de femme mariée en femme libre passionnée…

Lui :

Une sensation de douceur lui parcours le torse. Il ouvre doucement les yeux, les brumes pâteuses de ses rêves laissent délicatement la place à la vision de sa chevelure brune penchée sur lui.

Lundi. Les souvenirs de ces deux derniers jours reprennent rapidement forme dans son esprit. La parenthèse enchantée va se refermer. La prise de conscience matinale le transperce de douleur. Comme une dernière bouffée d’oxygène avant la dure replongée dans le morne quotidien, il l’embrasse une ultime fois passionnément.
Derniers préparatifs. Trajet monotone sous une bruine. Les paysages gris de la banlieue parisienne défilent sous leurs yeux. Tristesse de la réalité. Aucune parole ne vient troubler l’angoissant silence de l’habitacle.
Voilà, c’est fini. Elle est partie. A tout jamais. L’espérance d’un geste pour rompre cette résignation s’estompe rapidement. Elle ne se retourne pas.

Etouffement des transports en communs, oppression d’un travail alimentaire aux antipodes de ses aspirations, atonie des nuits davantage peuplées de ronflements que de râles. Métro, boulot, dodo. Jamais, ces trois mots synonymes du retour à sa vie réelle, ne lui étaient apparus aussi remplis de sens.

Dans quelques minutes, il franchira les portes de son minuscule appartement situé au cinquième étage d’un immeuble miteux. L’ascenseur en option bien évidemment.

Les jambes lourdes après avoir engloutis une nouvelle fois la bardée de marches, il pousse enfin la porte de leur tanière.

« Je suis rentré ! »

« ‘Salut » la voix de sa moitié lui parvient du fond de la chambre. Lentement, il enlève son blouson, pose ses clefs sur le petit guéridon de l’entrée, cadeau de noël hideux de sa belle mère. Las, il se dirige dans l’encadrement de la porte de la chambre. Sa dulcinée est là, confortablement habillée dans son survêtement gris informe pompeusement rebaptisé tenue de décontraction… Elle aussi est broyée par son travail et son besoin de coupure et de confort est évident.

Usure du temps. Usure de la vie. Usure de la passion.

Éclaircissement de voix pour signaler sa présence : « Tu as fais les courses »

Dix années. Un déménagement en province, un divorce, un nouveau travail, les enfants en location alterné, la routine du quarantenaire l’oppresse autant que celle du trentenaire.

Un déplacement sur Paris, une bouffée de nostalgie, un élan incontrôlé devant la redécouverte d’une adresse électronique… tant de coïncidences troublantes pour éviter qu’un « et si… » se forme dans son esprit.

Ces doigts tapotent rapidement un laconique message. Un dernier clic hésitant sur envoyer.
Un café et le souvenir d’un rêve. Ce n’est pas le bout du monde, non ?

Elle :

Non un café ce n’est rien, ça n’amène à rien, que pourrait-il se passer qui ne ce soit déjà passé…

Les passagers autour d’elle semble ailleurs, elle se souvient de ce départ déchirant, de ces longues nuit errant dans la maison comme une âme en peine, des jours suivant où son absence d’abord douloureuse s’était dissipée pour laisser place au souvenir inoubliable d’un weekend à la campagne en compagnie de cet amour sans lendemain.

Lorsque le téléphone a sonné elle a sursauté, les mains moites, les yeux chargés d’émotions, la vois hésitante…

« Allo, je suis arrivé au café, tu seras là dans combien de temps toi ? »
« J’arrive dans quelques minutes… »

Le bus marque un arrêt et elle descend.

Elle est là devant le café le regardant, il lit un livre, il est comme dans son souvenir beau, très beau même si le temps lui fait quelques plis aux coins des yeux et qu’il a semé ici et là dans sa tignasse quelques cheveux blancs…

Elle entre.

Il a l’air un peu tendu, sans doute le tract de retrouver celle qu’il appelait mon amour éphémère mais il sourit de la revoir, elle est émue, incapable de dire quoique ce soit, c’est lui qu’elle appelle parfois dans ses rêves l’homme de sa vie, c’est avec lui qu’elle aurait aimé se construire une vie de femme, d’épouse, d’amante, de mère, elle savait que ce serait un moment difficile que ses émotions la trahirait…
Tu n’as pas changé, tu es toujours aussi …

Elle a commandé un café crème s’est assisse près de lui…

Leurs parfums ceux sont mélangés à leurs odeurs de peau …

Après avoir chacun fait le point sur les dix années qui venaient de passés, ils décidèrent de se faire une ballade sur le bord de seine, il lui a tendu la main avec un sourire et ce sont comme de jeunes amoureux qu’ils se sont baladés mains dans la main avec la seine pour témoin.

Les bateliers ont croisés un couple sur les bords de la seine, cacher derrière les remparts de pierres, enlacés comme le serait des amants, elle voit de nouveau dans son regard le feu de la passion qui s'anime, il voit à nouveau dans ses yeux l'émotion de ces retrouvailles, leurs envies de faire une pause à travers le temps et de se redécouvrir dix ans après l'un dans les bras de l'autre.

Lui :

Contrairement à ses habitudes, il est en avance, très largement en avance. Il s’installe tranquillement à la terrasse d’une brasserie les yeux rivés sur le mouvement perpétuel des parisiens qui défile sous ses yeux. Le bourdonnement lancinant des bruits de la ville l’empêche de se concentrer sur la suite des événements.

Elle a accepté. D’ici quelques instants, elle va réapparaître dans sa vie. La nostalgie l’oppresse. Et si dix ans plus tôt, il avait laisser parler sa volonté et son cœur à la place de courber l’échine devant leur destin qu’ils avaient fait semblant de croire tracé de manière indélébile dans le cours de la vie… Si, à la place de revenir à Paris, il l’avait enlevé pour prolonger leur week-end idyllique dans une station balnéaire fleurant bon les embruns… Si, quelques mois plus tard, c’était elle qui était devenue la mère de ses enfants… Illusion perpétuelle de ce qui aurait plus être mais n’a jamais été. La mélancolie, c’est communiste disait Miossec, tout le monde y a droit de temps en temps !

Impossible d’ouvrir le livre qu’il a pris pour se donner une contenance. Il l’appelle. Elle va arriver d’un moment à l’autre.

Parmi la foule qui défile inlassablement devant ses yeux, il cherche désespérément à repérer sa chevelure brune le plus tôt possible. Peine perdue. Son arrivée le surprend sur la brèche. Une tenue stricte façon working girl, un chemisier légèrement ouvert laissant entrevoir la naissance de l’idéogramme chinois qu’il a tant fantasmé, c’est bien elle ! Toujours aussi lumineuse avec, en plus, cette maturité épanouissante qui lui rajoute encore une dose supplémentaire de charme.

Les mots, hésitants du début, retrouvent rapidement leur fluidité. Dix longues années de vie à décrire, les sujets ne manquent pas. Avec plaisir, il constate que leur connivence est intacte… Un halo d’harmonie se forme autour d’eux, ils sont de nouveaux seuls au monde.

La magie se prolonge dans les rues de la capitale. Main dans la main, le temps s’est suspendu une nouvelle fois. Leur insouciance les ramène des années plus tôt, à l’époque de tous les possibles, des rêves esquissés lors d’un week-end mémorable qui se sont évanouis dans le fatalisme du quotidien…

Alors que leurs lèvres se rejoignent dans un recoin des bords de Seine, un nuage noir obscurci la lumière éclatante du soleil qui illuminait jusqu’à lors leurs retrouvailles.

Malgré leur envie irrépressible l’un de l’autre, ils le savent bien tous les deux, au fond de leur inconscient que les secondes chances en amour ne rattrapent jamais le gâchis d’avoir laisser passer les premières…

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La mélancolie sur l'album L'étreinte de Miossec (2006)

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