La montée
sadnezz
Je ne comprenais pas. Je jugeais.
Je méprisais. Ces êtres faibles, autodestructeurs. Ces êtres que je regardais comme inférieurs. Je les regardais avec colère. Grondante colère, sans chance de pardon. Sans clémence, sans aucune forme de " va, n'en parlons plus " . Puis j'ai eu mal. Puis la crue, sale, insidieuse, s'en est venue. J'ai d'abord trouvé le salut dans un verre. Dans l'ivresse secondaire. Temporaire. Celle qu'on appelle festive... Mais quand on rigole, les lèvres humectées de cette chienne , alcool maladive, et qu'elle nous fait oublier momentanément. Tout affronter, dans l'inertie de notre ciment... Tout a du sens.
Pouvait il faire autrement? Certainement oui. Mais la douleur? Ce degré . Pouvait-il le renier? Les gènes prédécesseurs, pouvait-il les oublier?
C'est pas si mauvais, après tout. lâcher prise un instant. C'est même plutôt bon. Ce gout de l'apaisement. La montée.
Allez, encore un verre. ça ne me tuera pas. Au mieux, me rappellera ... Demain. Demain c'est loin. Un bon moment partagé, et voilà. C'est monté.
Demain, un autre. Laissons aux autres la faute. Un petit pour la route. Pour l'envie. pour l'ennui. Pour la nuit. Pour créer. Pour écrire, plus facile. Pour se dire, plus de choses à soi-même. Plus de vérités. J'monterai.
In vino veritas, qu'ils disaient. Putain ouais.
A la moindre contrariété. Je sens mon baromètre-sobriété s'affoler. Une petite. Vite.
Celle qui impose sa propre limite. Sa propre mesure. Boire, pas jusqu'à plus soif, mais jusqu'à finir la bouteille. Une bouteille, n'est-ce pas une mesure? Une mesure imposée certes, une mesure qui me plait. Donne-moi. Je vais l'apprécier jusqu'à l'usure.
Ha, je te comprends Papa. T'étais plus personne, mais parfois... Je comprends ton enfer. Ta bouteille, ta galère. Parfois, moi aussi ça me prends. Moi aussi ça m'éprends.
Parfois, je croirais presque te pardonner.