La mort te va si bien

Catherine Marie France Lavandier

Un soir de novembre, je suis partie doucement vers la lumière. La traque a duré 20 ans mais j'ai fini par capituler, épuisée et sans ressources. Le désamour tue : la haine cupide mène une danse folle.

Assise sur le bord de la route,

je suis anéantie.


Tu m'observes en criant :

"Enfin, c'est fini ! Le crime parfait !"

Tu ranges ta malle,

soigneusement,

recouvrant le corps,

ensanglanté.

Une version,

barbare,

ridicule,

d'un cadavre décapité.


De l'Au-delà, je vois

une femme allongée,

sans bras, ni tête.

Mon maquillage nude,

tagué d'auréoles rouge-sang.

Le motif de ma jupe vintage,

disparaît petit à petit, 

sous un océan brunâtre,

à l'odeur douce amère.


Les ombres du passé, 

dansent macabrement autour de moi, 

témoins silencieux 

de la tragédie qui s'est jouée ici, 

sur cette route solitaire.


Une déferlante de haines,

de vieilles rancœurs familiales,

brisant chaînes, liens et passions,

rompant ainsi,

nos promesses de bonheur.


Confiant, tu redémarres,

ton bolide.

100 à l'heure,

sur l'autoroute,

pour vider, 

ton sac de déchets, 

au fin fond d'une poubelle.

"La première sera la bonne !"


Tu repères un défilé de motards !

"La gendarmerie sans doute !

Plan B : Étang ou sous-bois !"

En 1 minute, tu change ton itinéraire,

pour t'enfouir sur le chemin brumeux,

qui conduit à la vieille maison de ta mère.

"L'étang n'est pas loin mais la cave est préférable !"


Mes yeux suivent tes gestes,

maladroits, nerveux.

Je lis tes pensées,

comme dans un livre !

Tu avais tout prévu,

depuis le début de notre rencontre !

L'appartement décrépit,

à rénover,

la machine à laver achetée,

par ma mère.

Les huissiers pour les crédits que je n'arrivais plus à payer !

La maison squattée par des inconnus,

sans doute des amis à toi !

Une vie sans enfant :

le clan avait décidé ainsi.

"Incapable !"


Ta haine et tes insultes,

au fil du temps pour seules amies.

Me punir, m'amadouer,

me formater à tes attentes !

" Oublie ton passé : je suis ta seule famille.

Et je ne veux pas de ta mère chez moi, ok ?".


Dieu ou Maître , comment m'adresser à toi ?

Mes sages confidences,

sur mon plaisir à partager ta couche,

ne devaient pas suffire.

La brutalité t'excitait,

te faisant mourir de plaisirs.

Des jeux charnels interdits,

pour mieux corrompre ma chair, mon âme.


Dieu seul sait combien la punition est sévère !


Tu dégages quelques vieux meubles,

pour accéder au sous-sol.

là où autrefois les vieux paysans calaient, 

les meules de foin,

masquant la rapine.


"Un  coussin élimé suffira",

occultant les restes,

enfouis dans un matelas d'un autre siècle.

"Tout le monde sait que c'est une folle ! Qui irait s'en inquiéter ? Personne."

Un regard furtif vers la tâche marquant le sol :

"un seau de Javel finira le travail !"


Je traces avec mon index presque transparent,

un cercle de lumière autours de mon corps,

afin de signaler ma présence. 

"Qui sait ? Peut-être qu'une bonne âme comprendra ? Les trépassés ont leurs astuces pour communiquer avec les hommes. Vu que j'en fais partie depuis 20 minutes, je me barre avec le livre du destin ! Les anges comprendront ! Ce n'est pas moi qui fait les règles ! Exit"

Tu sembles faire un signe de la main ! Je ne comprends pas !

Me dirais-tu en revoir ? La dernière image de ma vie sur Terre te déçoit sans doute !

Tu es devenu meurtrier, assassin par cupidité. Ta bassesse sera sans doute condamnée par la loi des hommes mais ton horizon sera celui que tu as construit : une âme damnée au sein d'un enfer infernal à perpétuité !

La mort m'a fauchée à 40 ans, devenant la malheureuse exploratrice d'un nouveau monde, celui de l'irréel et des anges.

"Allez zou ! Je me casse vers la lumière ! Ta sale gueule, je l'ai assez vue !"


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