L'handicapée
Isabelle Polle
Je traîne ma dépouille, mon corps
depuis que j'ai frôlé la mort
Depuis cet accident au printemps
mon corps est une prison
et la souffrance est le compagnon
de mon impossible rétablissement
Il m'interdit d'aller ou de rêver
parce que tout n'est que difficultés
se mouvoir, acheter du pain
comme se préparer chaque matin
Mon corps, cet intime géolier
condamne mes amours ou mes songes
et rapetisse mon monde qui me ronge
Il étrique désormais mes relations
qui restent de simples suggestions
Je suis la mutilée
que tout le monde évite
par peur ou préjugés
en prenant la fuite
Même mes rêves banaux d'avant
se sont enfuis depuis cet accident
Je survivrais peut être saoule
le temps d'un verre de trop
pour rêver un peu à nouveau
face à mon monde qui s'écroule
Le pansement de mon âme
sa résurrection ou sa petite flamme
mais aussi sa croix, c'est cet homme
bien trop beau pour ma personne
Je vendrais tout même mon âme
pour qu'il me voit au travers
de mon corps de misère
Je lui donnerais ma Vie d'avant
en revivant pour lui cet accident
Je suis la mutilée
que tout le monde évite
par peur ou préjugés
en prenant la fuite
Pour qu'il me remarque, qu'il m'aime,
seulement un mois ou une semaine
De la passion qui vous dévaste
Ou pour être mon ami, même
d'un amour platonique ou chaste
Pour qu'il m'aime autant
que je suis son anathème
Même infidèle mais pas indifférent
ou simplement un peu, même mal
Mais lui donner le peu qu'il me reste
et que son cœur me brinquebale
comme mon corps que je déteste
Pour tout lui donner quand même
J'en souffre autant que je l'aime
et je l'aime autant que je crève.