La naissance de l'automne
masque
On marche et la ville nous gobe, c'est une sensation délicieuse, celle du vortex urbain, c'est un plaisir d'esthète... on marche et la nuit nous gobe... et le silence... On a beau parler pour le couvrir, il ne se tait pas le silence... Il nous suit... Je l'aime bien moi, mais elle ? Est-ce que je fais bien ? Est-ce que je fais bien ? Est-ce que ce silence dans lequel on s'efface, c'est ça, c'est le silence amoureux ? Est-ce qu'il ne faut pas que je sois dynamique, vivant, dansant, éructant, bluffant, bavant, fumant ? Que je lui sorte le grand jeu ? La farandole ? La cocotte-minute ? Ou bien j'en reste là, sourires timides et mains hésitantes et paroles mal assurées, dissimulées sous la fausse assurance... je suis pas bon là... ou si... 'fin c'est moi... est-ce que c'est moi pour elle ? pour moi c'est elle... je crois...
c'est malheureux l'incertitude et c'est si beau... je la vois, elle vole, elle danse elle, elle flotte au-dessus des eaux... c'est un ange... une douceur... je ne puis... enfin... la réalité qui accourt satisfaire nos désirs qu'on s'imagine les plus hauts, les plus irréalisables... dois-je y croire ? quelques déceptions m'ont rendu pessimiste sur mon destin... ça ne se fait pas... dans le particulier, c'est systématique... la grande histoire je l'imagine bien... dès qu'il faut mettre en pratique... j'en mangerais mes doigts...
toujours elle m'échappe, toujours... Elle n'est pas faite de matière terrestre, elle danse, elle s'évapore... elle me glisse entre les doigts... elle s'évanouit dans l'air... et moi je reste... seul... il y a bien la tristesse... mais enfin la tristesse c'est elle... c'est le destin... elle ne m'attend pas... j'aimerais qu'elle se retourne plus... j'aime quand elle se retourne... qu'elle me glisse... un mot rassurant... j'ai toujours du mal à y croire... foutre... ce que ça me provoque comme trouble...
d'autres fois non, ça me passe, c'est plus trop pareil... moins fort... tout de même... j'imagine souvent que je l'embrasse... qu'on baise... hein... je me demande comment ce sera... j'ai toujours peur que ça n'arrive pas si je me l'imagine... si je fantasme trop... c'est pernicieux un fantasme... non seulement ça rend malheureux... mais y a des choses occultes... qui se passent... peut-être que ça influe sur la réalité...peut-être que c'est juste avec moi...
elle est là son sourire, je l'aime, je voudrais pouvoir être là, doux, je voudrais pouvoir lui dire sans peur, la toucher enfin, je voudrais l'embrasser tendrement, je voudrais je voudrais je voudrais... ce qu'il faudrait m'a dit Thomas, c'est que le monde s'accorde à nos désirs... il était très sérieux... il rigolait pas d'un pouce... moi j'opinais du chef... j'étais bien d'accord... je le suis toujours...
c'était dans mon appart', rue Charles de Valois... aujourd'hui même... sacrée journée... bien étrange... il y a le silence qui nous gobe... et la douceur de la dérive... mais pas réellement d'excitation, de ce que j'aime bien moi, de tension, d'aventure... ça l'est plus trop l'aventure... j'ai l'impression qu'on traîne... on se laisse pas dériver... c'est une toute autre histoire...
c'est l'automne enfin, je le vois aux couleurs et aux feuilles... la ville est belle... je me tiens là... je me nourris... je vivote tranquillement... tout est à sa place... en même temps hein, je voudrais pas que ce soit autrement, je me plains mais c'est merveilleux au fond cette marinade insoluble... l'incertitude... la vie...