La naissance du mal (Rouge glace)
Caïn Bates
Bien entendu, Hobbes était dans la salle du trône quand nous sommes arrivés et personne ne semblait le voir comme un ennemi. Attano, pardon, le Protecteur était debout à côté de la reine qui restait silencieuse tandis que l'on s'approchait. Diane (bon sang, que c'est ridicule) et son compère marchaient sans la moindre crainte, comme si tout avait été orchestré depuis un long moment.
" Vous êtes assez près.
- Mes hommages, votre Majesté. lança-t-elle avec un ton solennel.
- 'Dame."
Hobbes lui jeta un regard furieux et le malabar se jeta au sol.
" Pardonnez-moi Majesté."
Attano ne me quittait pas du regard derrière son masque, l'œil de métal continuait à tournoyer lentement. Je m'avançais d'un pas et fit une révérence.
" Votre altesse, permettez moi de me présenter, mon nom est...
- Je sais qui vous êtes, lâcha-t-elle, approchez."
L'air semblait plus lourd à mesure que je m'approchais d'elle et j'entendais le cliquetis du masque qui suivait mes mouvements à présent. Dans sa main droite, elle tenait une lettre qu'elle m'a tendu.
"Lisez, après un moment, à voix haute.
V, je vous prie d'accueillir mon émissaire venu d'un village que je ne pourrai nommer pour des raisons évidentes. Je m'arrêta mais elle me fit signe de continuer. Son arrivée devrait s'accompagner de l'intrusion de criminels dans votre cité, je m'en excuse. Je pouvais presque entendre Hobbes ricaner. Leur chef n'est pas une menace pour votre royaume, peut être même sera t'il une bénédiction pour l'Ile aux horloges.
- Il semblerait en effet, rétorqua t'il.
- Voyez leur présence comme un avant-goût d'une potentielle alliance contre notre ennemi commun. Toutefois, Seul l'agent Kraven est sous notre bénédiction et je ne saurai me tenir garante des actes de pillards tels qu'eux. Cordialement, votre dévouée amie. F"
Je fus pris d'un doute tout à coup, comment Farewell a pu deviner qu'ils seraient tous les trois présents aujourd'hui ? Si cette lettre devait me servir d'éclaircissement, c'était raté. Me voilà avec plus de questionnement qu' à mon départ d'Epöna.
" Bon, c'est bien mignon tout ça mais je suis venu pour parler affaires, pas alliance.
- Vous devez être celui que l'on surnomme Hobbes.
- Surnomme ? Je suis Hobbes.
- Oui, bien sûr"
La reine esquissa un sourire, Diane sortit de son silence glaçant.
" Voyez avec quelle facilité nous avons pu mettre à genoux votre Garde Royale alors que nous n'étions que deux. Imaginez notre armée gagner vos cotes.
- Quelle invasion ça serait, j'ai hâte de voir ça."
Elle leva la main et un bruit assourdissant retentit dans toute la salle, quelque chose traversa la pièce, écorchant mon visage au passage. En me retournant; je vit Diane au sol, du sang s'échappant de son abdomen.
" Envahissez nous, braves gens.
- Enfiiiiiin, les hostilités commencent."
Hobbes applaudissait en surgissant du dos d'Attano qui fut étonnamment surpris.
" Il me faudra ce masque quand on en aura fini avec eux. Sobaka, ramasse là et amène la demoiselle au refuge.
- Maître, comme il en sera décidé."
Le mastodonte ne prît même pas la peine de s'abaisser et tira Diane par la jambe jusqu'à l'extérieur. Bizarrement, la vue de la mâchoire du Loup ne l'impressionna pas plus que ça.
" Il me reste un autre elfe, Majesté. Vous allez aussi le tuer celui-là, en me pointant du doigt, ou est il intouchable ?
- Il l'est, de par sa naissance.
- Oui, je vois. Voilà un des avantages qu'apportent une naissance pendant le mois des Ténèbres, n'est ce pas Protecteur ? Ne savez vous donc pas qu'il est en fait né pendant le mois des Flammes ? Quelques semaines avant sa congénère d'ailleurs. Bien sûr que vous l'ignorez, vos informateurs ne parviennent plus à rentrer en très bon état ces derniers temps et nos rapports sont pour la plupart falsifiés, jeunesse écorchée. Il hoche les épaules. C'est la vie."
Hobbes occupait la salle du trône comme un fauve en cage, guettant la moindre opportunité pour sauter à la gorge de ses geôliers. Même l'emprise de sa propre mort ne semblait pas l'inquiéter. La reine le regardait fanfaronner tout en tapotant le bois de son siège et en murmurant des paroles qu'aucun être humain ne pourrait discerner. Attano, lui, n'attendait qu'un semblant d'ordre pour le faire taire mais il n'en fût rien. Il me fît signe de m'approcher et son œil reprit ses cliquetis aigus bien qu'ils paraissaient bien plus irréguliers maintenant.
"Lors de quel mois es tu né ?
- Je ne sais pas.
- Tu te moques de moi ?
- Non, je ne l'ai jamais su, seuls mes parents et l'accoucheuse pourraient vous répondre. J'ai vu le jour avant la chute des bombes mais je ne me souviens de rien qui ait pu se passer avant qu'elles n'aient touché le sol.
- Pas d'anniversaire ?
- Comment ? Sous terre, il est impossible de savoir quand le jour se lève et on perd rapidement la notion du temps.
- Et sur ta tombe ?"
Comment pouvait-il être au courant ? Même s'il était parvenu à entrer dans Epöna, rien n'indique que c'est MA tombe surtout s'il n'a pas lu ses inscriptions.
" La fille, la chasseuse, est née le premier jour du mois des Brumes. Il semblerait que ce... Hobbes ne dise vrai. Pourtant, je peux ressentir les Ténèbres en lui.
- Et toi, meurtrier, serais-tu né le mois des Parasites ? un ricanement étouffé s'échappa du masque.
- Plus ou moins, j'ai vu le jour à une époque où les lions pouvaient encore enfanter des loups. Et ce n'est pas la brebis galeuse qui dira le contraire, n'est ce pas K ?"
Tous les regards étaient braqués sur moi. C'était comme si... mon prochain mot pourrait être le dernier que je prononcerai. Je sentais une immense chaleur monter le long de mes jambes, parcourant l'intégralité de mon corps jusqu'à se concentrer sur le bout de mes doigts. Le bûcher se formait à mes pieds et toute l'assistance n'attendait qu'une chose, ma suffocation.
" C'est vrai, nous ne sommes pas des enfants de cette époque dans laquelle nous vivons. Hobbes, le Protecteur, moi et même vous altesse, nous existions déjà à une toute autre époque. Des lions, ils en existaient tout un tas dans ce monde mais, aujourd'hui, ils nous ont abandonnés.
- Oui, abandonner, c'est exactement le mot qu'il fallait employer. La seule chance de survie des troupeaux sont les bergers ou être dévorés rapidement par les loups."
Sur ces mots, les immenses portes derrière nous se sont ouvertes dans un fracas assourdissant pendant qu'il continuait à parader. Une armure immense arriva en trombe d'un coin du couloir :
"Majesté, c'est la Corneille, elle a attaqué un hameau non loin d'ici. Le garde paniquait. Elle a emmené la chasseuse avec elle et a tout brûlé sur son passage."