La noyade.

metanoia

Eau trouble. Comment suis-je arrivée là ? Depuis combien de temps mon corps vogue t-il parmi les algues, mou et inerte ? Mes pensées sont aussi  floues et visqueuses que l’environnement dans lequel je me noie.

Et puis j'ai mal. Presque soudainement. Comme un tournant, dans un morceau de musique classique, je ne me souviens plus lequel, en fait, je n'en écoute pas souvent. L'abandon s'avérait agréable au début : facile. La douleur n'était pas prévue.  Douleur tout d'abord physique : mon moi ne se laisse pas effacer si facilement. Des milliards de couteaux affamés s’évertuent à transpercer chaque infime partie de mon corps.  Coeur asphyxié, poumons déchiquetés, membres effilés.  J'implose de toute part. Facilité tyrannique. J'ignore par quel miracle, sous cette souffrance ultime, mon cerveau retrouve la force de penser. Une flèche : la douleur morale est encore pire. Je me souviens alors; je constate. Les faits sont clairs : c'est la fin. C'est finit, et j'ai tout perdu. Je ne suis plus. Alors, c'est une bourrasque intérieure; tout s'emmêle. Un choc de vide, une percée de vitesse. Mon corps aspiré, et, ma tête hors de l'eau. Retournement de situation : une bouchée d'air, mes yeux qui s'ouvrent.  Je vois des couleurs devant moi. J'attends de l'ordre dans les formes, j'attends jusqu'à  voir l'esquisse féminine d'une peinture de Klimt, sous les dorures d'or et les carrés magiques. Elle me sourit, sereine sous son immortalité. Je respire.

Je suis dans mon lit. Encore ce cauchemars, de noyade, de perte et de douleur. La main sur un coeur qui bat à présent trop rapidement, je bois fébrilement une eau limpide. Il est 4h50, exactement.  

Je me retourne, regarde l'ombre de son profil, digne d'Apollon, et affronte enfin son visage;  beau, tout simplement, purement beau, paisible, ses boucles ambrées frétillant au grès de ses soupir. Je souris en pensant à l'image que nous reflétons : moi, folle hystérique, entre insomnies et cauchemars ; lui, l'ange serein, heureux rêveur. L'envie de passer ma main dans sa chevelure, d’effleurer l'esquisse de sa peau, ou de poser mes lèvres sur les siennes, est folle.

Une dernière fois. Mais je dois partir. je le lui dois. Le laisser. Discrètement. 

Je ressent une douleur iréelle.

C'est comme ça cependant : je ne peux pas le laisser se noyer avec moi.

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