La Nuit la plus Belle

Ferdinand Legendre


C'est la nuit des folles qui renversent des tonneaux, des ronds de cuir, buvards sur la langue qui s'excitent sur des pointes, qui ont des hanches trop fines pour tenir la cadence.

C'est l'envergure d'un soleil crevé le long d'un tablier,

L'exercice matinal aux questions récurrentes,

On se retourne, on est comme vivifié,

On se tient les uns aux autres pour ne pas s'écrouler.


C'est Adam et Eve avec une bière,

Le sourire de Kevin Spacey et le silence terrassant d'absence,


Il ne reste qu'un chat qui baisse les yeux,

Qu'une route sinueuse pavée de petits attentats,

Il ne reste que l'écho d'une décennie d'ivresse et de résignation,

De la merde posée sur un livre dont les pages ont été arraché,

Sur le côté gît un lapin, ses piles sont vides,

Dans les coulisses on s'active, le comédien est mort, il faut le remplacer,

On me souffle un texte prémâché,

Je lui mettrais la note de un sur dix.


C'est cette nuit-là, celle qui raille les artistes,

Fustige les derniers optimistes,

Relaie des articles qui mentionnent Hanouna,

Ces nouveaux prêtres fort apprêtés,

Ils ont des costards et quelques costaudes connections,

Cette nuit où les prêcheurs pleurent leurs propres mensonges,

Il est l'heure et l'ombre dessine un pénis sur l'horloge.


On me dit que l'horizon coince l'aube,

On me raconte les nombreuses victimes à l'eau de rose,

On fait circuler des rumeurs à quatre roues motrices,

On chuchote, on murmure,

j'ai toutes les peines du monde à démêler ces verbeux et sales entrelacements,

Ces phrases qui n'attendent pas la cloche pour frapper.

C'est déjà la fin, je viens à peine de servir l'apéritif.


Je lève un sourcil,

Pointe un doigt interrogateur,

Je me saisis de faux cils,

Fais le beau dans le collimateur,


Qu'ils viennent tous ces malandrins,

Ces émissaires aux rires de hyènes,

Je jette du sable avec entrain,

J'envoie des vers super sayen,


Je saisis cette nuit au col,

Et puis on va, front contre front,

Dissiper les vapeurs d'alcools,

Parler peu en haussant le ton,


Je lui dirai "Je suis poète"

"A la nuit je mets des fessées",

Elle viendra me tirer les couettes,

Puis m'enlacer et m'embrasser,


On discutera autour d'un verre,

Je regretterai ce que j'ai dit,

La nuit caressera mes artères,

Je rougirai, puis elle aussi,


Je lui dirai "T'es la plus belle"

Elle répondra "Y'en aura d'autres"

Au loin montera le violoncelle,

On s'endormira côte à côte.

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