La partouze
nabolo
Synopsis
Cette histoire est celle de Valentin, un garçon hyper sexué qui conserve, à travers les âges, une approche enfantine des choses de l’amour. Il est seul à se souvenir des jeux auxquels tous participaient enfants, et n’a pas assimilé les interdits qui ont étouffé la sexualité de ses camarades. Aussi traverse-t-il une terrible période de frustration amoureuse et sexuelle durant son adolescence, dont il croit pouvoir se libérer à sa majorité, auprès d’une prostituée qui le dépouille de son argent. Malgré cette déconvenue, Valentin poursuit sa quête de l’Eden perdu: la cour de la maternelle où il a connu ses premiers émois. Ainsi sera-t-il successivement accusé de viol; acteur porno; employé de club échangiste; gigolo; touriste sexuel et assistant de maternel; au fur et à mesure d’expériences qui se solderont toutes par des échecs. Ayant fini par se convaincre qu’il lui faut lancer son propre mouvement de libération sexuelle, Valentin organise une gigantesque partouze à laquelle il convie le monde entier. Son espoir est de rencontrer, parmi la foule, des alliés qui partagent sa conception des plaisirs charnels et de l’amour. Mais le jour-dit une seule invitée répond à son appel.
Part.1
Présentation du personnage et, brièvement, du contexte familial. On suit Valentin à travers ses aventures sexuelles et amoureuses, dans la cour de la maternelle. Il s’y adonne à toutes sortes de jeux: trappe-trappe bisous, touche-nénés, etc.
Cette partie s’achève avec l’apparition de l’interdit: les parents forcent leurs enfants à porter des maillots à la plage; les séparent lorsqu’ils s’embrassent; les grondent s’ils jouent avec leur zizette . L’oubli se répand partout sauf chez le héros qui, seul, se souvient d’à quel point l’amour était facile lors de ses six premières années de vie.
Part.2
On suit Valentin à travers les épisodes comiques des douze années suivantes qui riment avec frustration: sa découverte de la masturbation et les difficultés que cette pratique comporte pour qui habite chez ses parents; son premier film porno; comment il fait une amante de son imagination, qui devient des mains ou des seins au gré de ses plaisirs solitaires.
Part.3:
A présent qu’il est majeur, Valentin espère épanouir sa sexualité grâce aux possibilités que lui offre son statut d’adulte, comme celle d’aller à la rencontre des femmes qui vendent le plaisir, puisqu’aucune n'est prête à lui en faire cadeau. Il ira malheureusement d’échecs en échecs.
Convaincu qu’il n’y a qu’auprès des enfants qu’il peut trouver l’innocence qu’il attache aux plaisirs charnels, il devient assistant de maternel, poste qu’il ne conserve pas longtemps à cause de sa propension à enseigner aux petits des jeux que réprouvent leurs parents.
Part.4
Valentin prend la décision de lancer une révolution sexuelle qui doit libérer l’amour de tous ses interdits… S'il échoue, il s'engage à se couper les bourses pour se retirer dans un monastère tibétain. Afin de réaliser ce projet, il organise une gigantesque partouze dont il fait la publicité dans tous les lieux publics, religieux ou de réunions politiques, se confrontant, une fois de plus, à la rigidité morale de ses contemporains.
Le jour-dit, l’échec est total: personne ne vient au rendez-vous fixé. A part une unique invitée qui arrive juste à temps pour empêcher Valentin de commettre l’irréparable. Ils vont passer une nuit ensemble, à se découvrir et se connaître, à expérimenter un sentiment qu’aucun d’eux n’avait connu alors, et à lui donner une manifestation concrète. Valentin reconnaît, dans les gestes, les lèvres et les mains de sa partenaire, les formes qu’il donnait jadis à son imagination: le roman se termine sur cette scène qui mélange sensualité, sentiments et souvenirs.
Quand les amants se réveillent le lendemain matin, c’est avec le sentiment d’être frères, deux particules jumelles qui se sont reconnues dans la grande partouze de la vie.
Début
La vie toute entière de Valentin fut placée sous le sceau infamant du sexe. Oui mesdames et messieurs, oui mesdemoiselles, je dis bien du sexe, au sens sexuel, au sens où Valentin, à l’âge de six ans, se masturbait déjà contre ses draps mouillés.
On peut faire remonter cette pratique condamnable à plus tôt encore, lorsque le jeune Valentin gratifiait sa mère, changeant ses couches, d’une modeste mais persévérante érection! Difficile de déterminer s’il avait déjà ce comportement dans la matrice originelle, mais rien ne permet de supposer le contraire, surtout pas qu’il ait voulu y demeurer si longtemps, au point qu’on dut l’en extirper par la peau des testicules lorsqu’il se présenta par le siège.
- Ne vous inquiétez pas, assura le médecin, c’est normal, ça va passer, ajouta-t-il en relâchant sa prise sur l’énorme scrotum violacé.
Certes, les coucougnettes du petit Valentin retrouvèrent une allure normale, mais son comportement demeura atypique. Qui saura dire à quoi est due son étrange destinée? Peut-on blâmer ses parents? On aimerait blâmer ses parents: d’ex-soixante-huitards laxistes qui ne prirent jamais la peine de lui inculquer les bienfaits de la morale. Pire! Il semble qu’ils l’aient même encouragé à s’épanouir sexuellement… C’était le début des années quatre-vingt: à une décennie d’excès et de liberté allait succéder une décennie de peur et de prudence. Ah Valentin! Que n’es-tu venu dix ans plus tard ou plus tôt? Peut-être alors, toi aussi, aurais-tu oublié les jeux de touche-pipi et de trappe-trappe bisou; voire la cour de la maternelle: l’arène de tes haut-faits! Mais tu n’oublias pas non, tu te rappelles que c’est comme ça que tout a commencé.
*
Le père de Valentin releva la télécommande et appuya sur un bouton. C’était celui qu’illustrait un haut-parleur barré d’une croix rouge, à côté d’un plus gros, sur fond vert, lequel permettait d’allumer et d’éteindre la télévision. La couleur verte avait été griffée, à force que le pouce s’énerve contre le bouton… Le pouce était comme ça, il s’énervait. Il s’énervait en ce moment même, de voir qu’il ne se passait rien. Il y avait bien un voyant rouge qui clignotait, quelque part à la surface usée de la télécommande, mais la télévision continuait d’applaudir. Elle annonça:
- Et comme chaque soir, en fin du bêbête-show, c’est l’heure de notre striptease!!
- Eh merde! grogna le père de Valentin en se levant de son siège pour aller couper le son, directement à partir du poste, Bon Valentin, c’est l’heure d’aller au lit maintenant, allez hop! lança-t-il à son fils assis sur le sofa, la tête sur ses genoux, les genoux entre ses bras, qui regardait l’écran avec avidité.
- Mais papa! Le striptease!
- Ah Valentin, ‘commence pas hein!
- Mais papa, c’est toi qui dis toujours qu’il faut regarder les filles!
- Hmm bon, mais après tu files au lit, promis?
- Promis!
C’était devenu un rituel, pour Valentin et son père, de regarder ensemble le striptease du bêbête-show, peu avant vingt heures, heure à laquelle Valentin devait être couché: parce que ses parents avaient lu quelque part que c’est ce qui convient à un enfant de quatre ans. Les guides parentaux assurent aussi que les rituels sont fondamentaux pour les enfants, et le père de Valentin s’était soudain rappelé l’avoir lu. Mais, à la vérité, il n’avait jamais eu l’intention sérieuse de priver le petit de son spectacle. Au contraire, il était fier que son fils s’intéresse au beau sexe, et l’y encourageait tant que possible. Ca lui faisait plaisir que Valentin insiste, on ne saurait trop expliquer pourquoi… Freud pourrait peut-être? Freud est tellement fort! Il dirait que ce père y trouvait de quoi rassurer ses inquiétudes quant à l’intérêt que son fils portait au rouge à lèvres ou aux aventures de Candy; au risque qu’il puisse un jour devenir « un homosexuel », ce qui ne correspondait pas à l’idée que lui-même se faisait de ce que c’est qu’un homme. Il faudrait remonter à la propre enfance du bonhomme pour dénouer le nœud de cette crainte, puis à celle de son père, et du père de son père... Freud pourrait. Avec Nietzsche, il expliquerait aussi ce qui a poussé l’humanité à trier, limiter, analyser, réglementer, complexifier son comportement sexuel, et pourquoi la sexualité de Valentin devait échapper à toute loi.
Sa mère l’aida à monter les escaliers.
- On se brosse les dents Valentin, dit-elle en le voyant qui ignorait la salle de bain.
Nouveau rituel. C’est important pour les enfants. Mère et fils se brossèrent les dents. Puis l’évènement se produisit. Comme on dit son premier mot, comme on perd sa première dent, Valentin demanda:
- Maman, c’est comment qu’on fait l’amour?
La mère de Valentin réfréna un rire et appela son mari:
- Gérard, viens vite, viens!
- C’est comment qu’on fait? insista Valentin qui trouvait quelque chose d’encourageant dans la bonne humeur de sa mère.
Son père arriva au même moment. Lui aussi se mit à sourire, et son épouse de lui chuchoter:
- C’est trop drôle! Il demande pas comment on fait des bébés, il demande comment on fait l’amour! Oh! Quel phénomène celui-là!
Le père continuait de sourire: il était fier. Valentin était un bon garçon. Et Valentin, voyant l’amour qui récompensait sa question, répéta:
- C’est comment qu’on fait l’amour? C’est comment qu’on fait l’amour?
- C’est comme faire un câlin Valentin, mais tout nu, finit-on par lui répondre (après mûre réflexion).
- Tout nu? Sans le pantalon?
- Oui, sans le pantalon, lui sourit-on à nouveau et Valentin eut le sentiment puissant que ce sujet là avait quelque chose d’éminemment positif.
Puis le père signala à son épouse que le match venait de commencer. La mère coucha Valentin, éteignit la lumière, laissa la porte entrouverte selon l’angle recommandé par son fils et lui souhaita de beaux rêves. C’est important les rituels.
*
Le lendemain, Valentin sourit en poussant la porte de la maternelle. Il était heureux. En fait, il était toujours heureux de pénétrer dans cet endroit et souriait tous les jours en en poussant la porte, comme au premier, ce qui est plutôt rare. Sa mère s’était alors sentie bien seule, quoique soulagée de le voir disparaître en courant dans le fond de la classe quand les autres enfants suppliaient leurs parents de ne pas les abandonner.
Pour Valentin, la maternelle était un château dont il était le roi. Il décrocha le tablier jaune qui pendait au porte-manteau décoré d’un soleil (le sien) et ôta ses chaussures pour se précipiter à travers la moquette, jusqu’aux coussins où d’autres garçons conversaient déjà, ce qui ne l’empêcha pas de leur imposer une nouvelle thématique: pourquoi les « légo » sont mieux que les « playmobil », par exemple. Ce n’est que lorsque la première fille arriva en classe qu’il se rappela ce qu’il avait appris la veille. Il partit tout de suite à la rencontre de sa camarade:
- Bonjour Capucine! Tu veux faire l’amour avec moi? Je sais comment on fait.
- D’accord, répondit la petite, ravie qu’on lui fasse un si bon accueil.