La passerelle
Rose Marie Calmet
Jardin
Eté
On est dans l’eau
On barbote
Tourbillonne
Comme deux ailerons
Jolis poissons
Petits embryons
On flotte
On rit
On se moque
On pense tout haut
Marre
De lui le chef !
On ne fait aucun mal
On a le droit de s’amuser
Nous les deux nénettes,
Bien bronzées les vacances
Les deux sœurs brunes et blondes
Qui font craquer
Tous les amis des parents
Plaisir du beau temps
Plaisir du jeu
A six ans
« Notre île »
Notre idylle
Les maillots roses et bleus
Glisser en ronds d’eau
On avait le don
D’inventer du sens
Quelques jeux d’eau
Un peu d’idéal
De simples jouissances
Au manège rouillé et blindé
De l’existence
Petites /
/Enfance
Pourtant
On l’ « emmerde »
C’est ce qu’il dit
Tout le temps
Qu’il nous voit
Qu’il nous sent
Peut pas encadrer
Sa propre marmaille
« IL »
En a plein le dos
Est grand et fatigué
Rentre tard le soir
Ramène le blé
N’est pas heureux
Pas content
Peut-être
Solitaire
« Il » a mal,
Piscine
Herbe grillée
Soleil
On rit très fort
On est de sacrées nénettes
Mais on fait trop de bruit
On joue
On éclabousse
Je fais le crabe
Tu fais la crevette
Mangée par le vieux crabe
On est par terre
Et pourtant mouillées
Je m’en rappelle
Sur nos ailes d’aiglons
La chair de poule
On caille et surtout
Tu pleurs
« Il » est venu nous faire taire
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Détruit sans faire exprès
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Après-midi
Loin de l’île
Je me tais
Je m’exile
Pour écrire
Un premier poème
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Hiver
Froid
Blanc dans ma tête
Pas de neige
Sur le toit
Ailleurs dans le vent
« Notre île »
Notre idylle
A six ans
Toi et moi
A la table de cuisine
On dessine
On colore
Nos papiers de beaux traits azurés
Pour les cils et l’iris
De rouge
Amour
Pour la bouche des pépettes
Fictives
Sur nos dessins
Mon crayon qui ne marche plus
Je m’en mets plein les mains
On l’emmerde
Mais on l’emmerde
Cette brute
On colorie
Fictions sur fictions
En son nom
Le lien fragile
Le souvenir
La famille
Les robes de princesses
En sa mémoire
Les cris
« Il » vient nous faire changer de place
Faut qu’on se ca***
« Ou je vous mets mon pied au c** ! »
Humilie
A chaque fois
Qu’on a trouvé notre « rythme »
« Notre île »
Notre idylle
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Détruit sans faire exprès
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Journées loin de l’île
Je m’écrie
Je m’efforce
Je dessine et je rature
Pour la première fois
J’ai à dessein
De m’inscrire
Sur la lignée de son sang
Midi
Entre les lignes
D’une page secrète
Je m’enduis de sa voix
Mais j’ai toujours peur
De lui et de ses cris
Minuit
Je décide au crayon noir
De le traiter de gros con !
Réponse aux "pieds dans le c**!"
Points d’exclamations
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Automne
Loin devant
J’ai le droit
De l’insulter
Il le mérite
Le vieux crabe
Qui pince sans arrêt
Le cœur
Depuis que j’ai perdu mon rythme
J’ai mal au cœur
Peux plus me lever
Quand il est à côté
Me fait pitié
Me fait peur
Crie de plus en plus fort
J’ai essayé
J’ai échoué
N’aime pas m’écouter
Sa propre marmaille
Lui fait peur
Nous les deux nénettes
A sept ans, huit ans
Neuf, douze, seize
On se bat
Mais on comprend
On lui flanque le bourdon
Et on l’emmerde
Put***
On l’emmerde
C’est tout ce qu’on lui fait
Me dégoute
A distance
C’est tout ce qu’on peut faire
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Printemps
Renaissance
Des hivers et des étés
L’automne suspendu
Piscine crevée
Bourdons qui bourdonnent
Dans mes oreilles
La nausée
Me fais vomir
Pour pas crever
A l’école devant lui
J’ai peur d’y aller
Les copains
Les appareils dentaires
La ferraille
Qui reflète
Les idées pucelles
La surface néophyte de l’œil
En rire ou en pleurer
Déteste tout
Les cris
Les secousses
Plein le cœur
Je voudrais me vider
Sur le champ
Exécution !
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Seize ans
Un matin
Un été
Les maillots roses et bleus
Souvenirs
Nous deux
Petits poissons
Dans le flot
La vie bat son rythme
« Il » ne dit plus rien
Depuis que j’ai commencé
Tu sais
Cette chose
Qui fait peur à tout le monde
J’ai perdu mes amis
J’ai mis des barrières
J’ai mal au squelette
Anorexia
Je perds les sens
Et le désir
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Détruis sans faire exprès
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Exercice qui se réitère
Sa lignée je la suis
Je fais comme lui
Tu ne me reconnais pas
Je bats en retraite
Je suis fatiguée
Des années que ça dure
Un cirque
Un manège
Sur lequel je tourne
Sans vouloir m’arrêter
Je joue la fiction pour de vrai
Tu sais
Cette chose
Qui me tue en silence
Je t’interdis
Je te soupçonne
De faire comme moi
Tu es mon sang
Je suis le tien
A nous deux
Les sœurs
Qui plaisent aux amis
Des parents
C’est fini
On maigrit
On se tait
On meurt à tâtons
Mais on n’a plus peur de lui
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Des années loin d’une île
Qui n’a jamais été
Que nos rêves de nénettes
Dans la piscine
Dans les pépettes
Ornées de couronnes
Et de bijoux
Sur nos dessins
Les belles robes
Qui sont toutes trop grandes
Depuis cette chose
Depuis le jour
Où j’ai décidé
De le nommer le vieux crabe
Le gros con
Et cette fois
Où l’on a décidé
D’un seul geste de complicité
De mourir seules
A deux contre tous
Pour l’effrayer,
Problème d’animosité
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Détruisons tous sans faire exprès
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C’était aujourd’hui
Je m’exile
Je m’éteints
Dans ma bulle
Je m’en sors demain
Je franchis
L’océan qui me tend
L’île voisine
Je m’écris une seconde chance
Avec le garçon
Etreint hier sur un banc
Je dépeints
Dans un second poème
Ce que je ressens
De Bien
Et de
Chair faite amour
Au masculin
Pour la première fois
« Il » est loin
Et tout proche
Je me sens être la fille du gros con
N’est simplement qu’un homme
Qui a mal
Sans repères
Sans rythme
« Il » eût besoin d’un vrai père
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Coups de ceinture
Coup de folie
Coup d’irraison
Depuis peu je le sais
Petite merde
Tu nous emmerdes
Que son vieux crabe à lui
Lui disait
Et aussi
Eternel accident
Grande soeur tuée à vingt ans
Sur le coup
« Il » est détruit avant de nous connaître
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Passé
Oubli
Ennui mortel
La vie est un manège
Qu’il faudrait toujours aimer
Et je l’aime
Ce manège
Sa musique me transporte
Quand je sais l’apprécier
D’autre fois
Comme sa musique s’éteint
J’ai peur
C’est que j’ai à cœur d’exister
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Existe de mon plein gré
Sous la plume du lendemain
« Je t’aime » est mon mot préféré
De mes maux les plus animés
Tu sais
Frangine
Toi aussi
Tu devrais le refaire
À nouveau essayer
On a ça en nous
Dessiner
Ecrire
Gribouiller pour exister
Et qui sait
Aimer plus tard
Nos propres nénettes jusqu’au soir
Reconnaître
Nos petits aiglons jusque dans la nuit noire