La Passion est une Rose Noire.

      Il gambadait joyeusement entre les rues sombres des rues, une nuit de pleine lune. Les passants étaient peu nombreux, surtout superstitieux, et la plupart n'étaient que des sans-abris en mal de vivre. Et lui sautillait. Il sautillait au milieu de ces visages ravagés par la pluie et le temps, devant des commerces aux allures de morgues, sous un ciel noir où n'était présent que la lune et ses acolytes étoilés. Il bousculait sans vergogne les hommes saouls partant rejoindre leur femme. Il marchait sur les pieds des femmes sortant de boîtes de nuit et les talons à la main. Il shootait dans des cannettes vides pour les envoyer dans les jambes des adolescents fumeurs. Il recevait des regards noirs, des regards haineux, des regards indifférents. Il n'en avait cure, il continuait de se trémousser et d'importuner ceux qui n'avaient rien demandé.

     Il gambadait, et chantonnait de joie alors que la populace ronchonnait de voir un tel énergumène dans les rues un soir. Il semblait si heureux à chanter à tue tête qu'il risquait à tout moment de se faire assassiner par un ivre au mal de crâne insupportable. Sous l'œillade des astres, il jouait un air de sa composition, tapait des mains le rythme et marmonnait des paroles incompréhensibles. «Moon, beautiful moon. Star, my star. Laugh with me» répétait-il en boucle.

     Il ne se rendait plus compte de rien. Tout ce qu'il voulait faire, c'était chanter à son bon plaisir, à s'en briser la voix, bouger jusqu'à s'en casser les jambes, et vivre heureux sous cette lune qu'il aimait tant. Il faisait tout ce qu'il aimait, même si pour cela il dérangeait les gens. Il s'en foutait. Après tout, il ne les reverrait grand certainement jamais. Alors pourquoi gâcher son hédonisme pour celui des autres ?