La peau du rumsteck.
arteffact
Vallée m'avait donné rendez-vous au Plexus-Bar-Lounge, le bar qui fait D'Jeune-et-Propre. Un bar où si t'as pas le mode d'emploi pour comprendre le concept, concevoir l'avenir et commander, t'es mort.
A l'entrée, un pingouin de service en queue-de-pie de chez Bamboula me saluait de la tête.
Dans ma cravate bleu à petits pois mauves que j'adore, je traversais l'ambiance petites grenouilles en peaux de strass et faux lapins.
Le comptoir de facture postmoderne était un alligator de contrebande surdimensionné, botoxé, la gueule ouverte pour toujours. Les tabourets hauts de fabrication artisanale en assises formica clipsées sur des pattes d'animaux semblaient abbatus. Au fond, des tables basses en osier d'Indre-et-Loire finissaient de sécher, et les poufs autour, fatigués, perdaient quelques billes de polypropylène sous le poids des corps.
Je cherchais ma Vallée dans un No tears de Tuxedomoon, pendant que des infirmières-hôtesses dansaient tout en shakant des boites aluminuim.
Je pensais être tombé dans une soirée promo de première année en soins palliatifs.
Au mec assis sur des pattes de girafe, je demandais: - C'est bien ici le Plexus-Bar-Lounge ?
- … Ouais.
- On se sert où ?
- Faut qu't'appelles une infirmière, du con !
- Mais j'suis pas malade, du cul !
Et là, je sais pas comment, vite fait, il est descendu de sa bestiole et me l'a foutu sur la gueule. J'avoue ça fait mal, un tabouret quand on s'y attend pas.
A terre, dans des smileys étoilés de têtes de mort, trouble imagé d'un début de perte de connaissance, une shakeuse vint sur moi.
- Si t'as mal mon lapin, j'ai pour toi une Vodka Tagada... ça te dit ?
Et là, je sais pas comment non plus, la soif me rattrapa.
Je rembobinais la séquence des pattes de girafe sur la gueule, j'emmergeais de convalescence, lissais mes petits pois, me réinjectais du sang-froid et dans une courtoisie impeccable, acceptais le verre pour deux billets dans ses nichons.
Le Barman que j'avais pris pour un mec normal avait changé de place. Il était à présent sur une gazelle, sa girafe semblait boiter.
Au quartier VIP, une libérale ventilait sur une patte d'éléphant près d'un pouf.
J'écrasais ma fraise dans une molaire cendrier de l'alligator et sortais pour une cigarette.
Vallée m'attendais contre un pilier d'arcade, inquiète.
- Mais t'étais où mon chéri... et t'as vu ton oeil ?
- Viens c'est trop compliqué.
Sur la place, une tranche de rumsteck se faisait courser par une cuisse de poulet froid.
Faut que j'arrête de lire du pinard en buvant des bandes dessinées.
A Sophie. Merci !
· Il y a plus de 11 ans ·arteffact
Surréaliste à volonté ce texte, j'adore ....
· Il y a plus de 11 ans ·à consommer sans modération, Vodka Tagada beurk !
sophie-dulac