La petite fille chinchilla

Fleuriste Manchot

La morale de cette histoire est que certaines histoires n'ont pas de morale.

Il était une fois, une petite fille – blonde, faut-il le préciser – qui se baladait dans une de ces forêts qui avaient tout d'un marécage. Du genre de celles qu'on trouve – parfois – dans certains pays (lointains, faut-il le préciser.). Dans cette forêt-marécage, la petite fille cherchait des fleurs-champignons qui poussaient, pour décorer la fenêtre gauche (exposée sud-est, faut-il le préciser) de la maison de sa tante. Ou du moins de son oncle, dont avait hérité sa tante après un malencontreux accident de parapente multi directionnel à flux vectoriaux (et autres nœuds de Cavam ikaelle, faut-il le préciser).

La maison de sa tante, donc, avait cette particularité rare, mais caractéristique des lointains pays et qui donnait un certain charme à l'habitat, une aura de bien-vivre qui se dégageait de la roche taillée ; elle était ronde.

La raison pour laquelle cette petite fille cherchait ces fleurs était qu'elle s'était mis sa tante à dos. En effet, il semblait que tourner tous les tapis de la maison pour perturber les moutons de poussière, et les pousser à fuir n'était pas une façon de « faire le ménage » correspondant aux standards de qualité de la sœur de sa génitrice, qu'elle jure être objectifs, évidemment.
Mais ne vous y trompez pas, les champignons que cherchait la jeune fille (blonde) n'étaient pas uniquement beaux, comme un coquelicot, ils étaient également empoisonnés, tout au contraire des bolets.
Une fois placées sur la fenêtre de sa tante, au péril d'une escapade nocturne (impardonnable), les fleurs-champignons, belles et empoisonnées, libèreraient une mycotoxine d'une complexité chimique telle qu'ils pousseraient ladite tante à se comporter comme un chinchilla. Le plan était de contacter les services sociaux pour faire interner sa tutrice et hériter elle-même (la petite fille blonde, faut-il le préciser), de ladite maison au charme si caractéristique des pays lointains.
« Une douce vengeance » vous dirait-elle.

Elle se baladait dans la forêt, donc, quand elle trouva son premier bouquet de Kouk Houmax (le nom de ces champignons, faut-il le préciser). Elle sortit sa serpe aiguisée, qu'elle avait forgée discrètement avec les fils de fer des bouchons de cidre que sa tante laissait trainer (oui, car si sa nièce voulait la faire enfermer, c'était qu'elle avait un problème de boisson, faut-il le préciser), et sépara les fleurs du sol.

En s'en saisissant, cependant, la jeune fille fit preuve de trop de hâte et bouscula, légèrement, l'une des fleurs, qui tenait plus du champignon. Le végétal (le champignon qui avait tout d'une fleur, faut-il le préciser) libéra une flopée de son pollen-sporique qui se précipita dans la cavité nasale de la jeune fille en train d'inspirer. En moins d'une seconde, mais pas assez rapidement pour l'empêcher de faucher tout le bouquet, l'esprit de la jeune fille s'effaça pour laisser la place à celui d'un chinchilla, ce qui fut néfaste pour son plan.

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