La petite fille et l'eau rouge

Giorgio Buitoni

Le 4x4 dérape et s'immobilise dans le sable rouge. Au loin, toujours ce miroitement prometteur. Caro et moi claquons les portières.

— C'est de l'eau, Papa ?

— Peut-être. Mets bien ton masque, ma chérie.

Nos pieds foulent la poudre rouge ; le miroitement au sol se rapproche.

— Caro… Cours pas. Reste à côté de moi.

— Je veux la voir en premier.

— On la verra ensemble.

Elle prend ma main.

— J'ai chaud.

— On regarde et on s'abrite. Mets bien ton masque.

Elle recommence à courir vers le miroitement.

— Putain, Caro !

Elle fait halte au plus prêt du scintillement, s'accroupit dans la poussière et crie :

— Y'en a pas beaucoup, Papa !

Je commence à trottiner jusqu'à elle.

— Regarde…

— C'est pas de l'eau, Caro.

— C'est quoi ?

— Un Iphone cassé.

— C'est quoi un Aïephone ?

Je scrute l'horizon rouge : un groupe approche au loin.

— Viens.

— C'est pour quoi faire un Aïephone ?

— Rien. Relève-toi, on y va, vite.

— Hé, y'a des gens !

Elle agite la main.

—  Bonjouuuur !

— Caroline, relève-toi, on retourne à la voiture !

J'agrippe son avant-bras. Le groupe se rapproche ; je hâte le pas jusqu'au 4x4.

— Dépêche-toi. Monte et garde bien ton masque.

— C'est p'têtre des amis…

— Caro, monte dans la voiture.

Je la jette à l'arrière du 4x4, verrouille la portière et m'installe au volant. Je démarre et accélère : la poussière rouge enveloppe l'habitacle.

— Je veux de l'eau, Papa.

Dans le rétroviseur intérieur, je la vois relever son masque et sucer un coin de l'Iphone qu'elle sort de sa poche. Un instant, je détourne les yeux de mon reflet pour dissimuler mes larmes, et je dis :

— Je sais où y en a, t'inquiète.

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