La peur du sniper Cupidon

Sébastian Poulain

Nous n'atteignons pas notre souhait de vivre une belle histoire d'amour à cause, parfois, d'une grande pression que nous nous mettons. Il nous est difficile d'être nous même en la présence de l'être aimé, car nous avons peur de son jugement, angoissé par l'idée qu'il rejette notre personnalité, donc, nous nous travestissons pour une envie de plaire. C'est frustrant de ne pas savoir se lâcher pleinement pour une peur irraisonnée.

Il l'attendait aux portes du cinéma avec une certaine impatience, pour visionner le film certes, mais pour contempler durant ce moment, ce qu'aucun film n'avait pu lui procurer, sa beauté d'une incandescence rare. Elle arriva comme à son habitude en retard, mais il ne lui en retenait guère rigueur. La foule était au rendez-vous pour ce film événement racontant l'histoire d'un Américain qui après vu à la télévision une attaque terroriste contre son pays, délaisse le rodéo pour une carrière de soldat et plus précisément de sniper d'élite. Un héros pour tout un peuple, qui a tué plus de 200 personnes pour la lutte contre le terrorisme.

Après l'achat des tickets, ils s'installèrent dans ces confortables fauteuils qu'offre ce très joli cinéma de quartier. Ils discutèrent de tout et de rien, surtout de rien pour lui, car il se sentait affreusement nerveux. Pourtant, cela faisait des années qu'ils se connaissaient, mais il avait eu l'idiote idée de tomber amoureux d'elle récemment. Ses paroles sonnaient fausses, il n'avait pas l'entrain que l'on lui caractérisait généralement, il déjouait pour un rôle qu'il n'était pas le sien : un mec totalement ennuyeux et coincé. Durant les bandes-annonces, elle fit des réflexions sur les films prochainement à l'affiche avec un certain humour, et il ne sut jamais rebondir avec une bonne formule. Le film commença, et le silence s'installait pour laisser place à cette formidable histoire, du moins d'après la publicité du film.

Durant le film, jamais il n'osa la regarder, sauf une fois quand il a cru qu'elle dormait, alors qu'elle était entièrement hypnotisée par ce récit montrant les gentils américains contre les méchants terroristes. Après plus de deux heures de film vantant la grande Amérique sans une once de nuance, ils quittèrent le cinéma. Le froid les accueillit à leur sortie, et un bar était juste à leurs côtés. Dans la précipitation et par manque de courage, il ne lui proposa pas de prendre un verre pour parler du film ou d'autres choses. Il était venu à pied jusqu'au cinéma n'habitant pas loin, et c'est avec une extrême gentillesse qu'elle lui proposait de le ramener chez lui. Il accepta et ils commencèrent une discussion sur leurs ressentis du film. Il constatait avant, que la voiture n'offrait pas beaucoup de places pour ses longues jambes et qu'heureusement ils n'avaient pas beaucoup de routes à faire. Elle avait adoré le film, voyant la grandeur et le côté impressionnant de l'histoire, tandis qu'il voyait le manque de nuance sur les États-Unis par rapport à la guerre. Le trajet dura quelques minutes, et quand ils arrivèrent devant chez lui, il voulut remonter le temps de quelques heures et faire tout autrement. Ils restèrent deux minutes à parler de choses parfaitement banales, et enfin ils se quittèrent. Elle démarra le laissant seul devant sa porte et sa tristesse d'avoir gâché encore une occasion en n'étant pas lui-même.

Si la vie est un théâtre, l'amour doit être réel avec des personnes ne faisant pas les acteurs.

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