La plume volage est conséquence d'un café trop serré un matin de janvier
Gilles Agnoux
Si j'étais nain, je serais maître du monde parce que je serais chat. Mais tu sais ce qu'on dit, avec des si, non seulement on scie, mais en plus de ça on mettrait Saint é en bouteille et je la boirais jusqu'à plus soif, puis je m'attaquerais à Rennes, Toulouse, Chambéry, carte de France des si. Mais trêve de bravadage, elle réclame son dû, j'emplis mon verre pour la rendre moins moche, c'est ainsi que je rends la monnaie à celles qui m'ôtent quelques secondes de vie. D'ailleurs c'est marrant de voir comment un verre change le physique d'une personne selon qui le boit. Ça digresse tout seul dans ma tête, je sais même pas si y'a un thème dans mes mots, et puisqu'il n'y en a pas, je sens ma plume volage batifoler sur les trottoirs sur lesquels je fixe, ces fois où l'envie de fumer est plus forte que mon porte-monnaie, je pense à Chaplin qui le premier me poussa sur les mégots, à cette époque où vieillir était encore bien illusoire. Je lève aussi les yeux, un peu, histoire de voir si tel ou telle me lâchera une tige. Je me trompe de moins en moins sur l'affaire, j'appris ainsi à reconnaître mes semblables, ceux qui dans l'aisance continuent à nourrir les vaches maigres, pour plus tard ne pas ressentir de honte à quémander. Puis une, puis deux, la blague c'est qu'elle commence à se remplir alors que la seule taxe que je payerais sera le cancer.
Me faut de l'eau aussi, du café, de la bière, de la pisse, un truc qui coule en effet de douille, mais ces cons là ont viré les fontaines urbaines, devine pourquoi, j'en sais rien, on va tous s'arrêter sur ce banc et papier, crayon, on invente une raison. Enfin, pas tous vu que sur le banc y'a de la place pour la vieille, son chien et moi. Un chien qui rend ses lettres de noblesse au mot ersatz, mais ça fait wouf quand même. Bon, en vrai ça fait wif wif, mais on va pas s'arrêter aux détails. La vieille noirci ses yeux face au linceul immaculé qui recouvre ma tête. Y'a deux places qui se libèrent, si y'en a qui veulent se poser, réfléchir à la question, à toutes les questions, tiens, qui c'est qu'à décrété que le beau temps serait le soleil et le mauvais la pluie ? Ici l'UV m'écrase et j'ai toujours pas trouvé d'eau. Y'a une musique qui danse dans ma tête, pour une fois que c'est elle et pas l'inverse, je la laisse s'épancher sur le banc, j'en profite pour ramasser les copies.
Y'a deux meufs qui se tiennent par la main, je me demande si elles ont pleuré lorsque leur fils leur a dit qu'il était hétéro. Je suis pas dans l'état à ce qu'on m'attache vingt-quatre sur un lit de dégrisement, mais ça devient urgent que j'éponge la veille. Puis faut que je trouve un mec qui remémore les saloperies d'hier. Et pourquoi pas payer ce gars pour qu'il me suive sans fille des joies, qu'il note tout, qu'il écrive tout, qu'il publie tout et qu'il porte partout la bonne parole des punks en chien. ‘Tain j'ai oublié que ma langue avait cramé sous les effets du Bic, j'aurais pas dû l'allumer celle là. Je la remets dans ma culotte, elle m'a pas plu, elle plaît pas non plus à mes couilles, j'en viens à me questionner sur la direction qu'ont pris mes neurones, sûrement dans les chiottes, repense à cette phrase, « la bière ne s'achète pas, elle se loue. Je vais pisser »'Fin bref, zappons le regard pas nouveau des badauds qui pèse sur votre serviteur pour passer à l'hésitation mordante que me procure un demi-demi Picon abandonné, sûrement venu du Bul et sans bulles, mais qui m'offrirait une médication non négligeable alors que mon sang cherche d'éthylique, éclectiques, élitistes issues de secours.
Mais les poches que je ne connais plus m'offrent, à coup de pièces de quinze centimes, l'envie d'un jambon beurre sans racisme auprès d'une bière qui enterrera les naissances d'un texte futur. Ben tiens, le futur justement. Je devrais commencer à y penser, ou bien j'y penserait quand il sera là, j'en sait rien, je suis perturbé pour l'instant je me contente d'encaisser les éclairs conduits par le cuivre que le boulanger me lance. Par la suite, un fameux bar est ouvert, j'esquive la mort dans l'ego pour un café chez un pote. Le pire, c'est que je perds à Mario Kart.