La poire (chatoyance d'une nature morte)

Yannick Bériault

       La poire, tranchée par l'amore rapide des transitions humaines de l'urb.  La poire, à la chair immatérielle, aux cristaux mangés de lumière, c'est le ciel de la ville, son ventre large… La ville fécondée par âmes vives, son sein fébrile, son cœur de fruit.  Le coup d'amore qui tranche la poire, c'est le commencement à nouveau, la consomption de sa chair de lumière, le hasard des pépins.

       Une livre de poire ! fulgurance des sucres dont l'emballement fait les cristaux de lumière.  Quel son fait la poire qui s'épand hors d'elle-même ?  Quel son fait la lumière qui coule au rythme des sucs ?

       La musique des sphères ne s'entend pas avec les oreilles du corps. Pareil pour la lumière qui s'entrechoque avec la lumière, qui roule par-dessus, perle sur perle…  Pareil pour les cristaux de la chair de la poire, qui reluisent hors la coupe franche en son corps, qui viennent donner sur le bois de la table, qui scintillent la révélation sans prix de la vigueur fugace du fruit – et du monde qu'il contient.


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(Texte d'abord publié sur lesensdutemps.tumblr.com)

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