LA PROMESSE DES AUTRES

emilio

 Il marchait seul au milieu de nulle part, lorsqu’il croisa un chaton perdu sur un chemin de fortune. Comme il avait besoin de parler, il commença par lui raconter son histoire et le petit matou parut l’écouter. Pour concrétiser cette amitié soudaine, l’homme tenta de le caresser avec succès, suscitant même des ronronnements. Conquis par la petite boule de poils, il la four......ra dans la poche de son veston et continua son chemin.
Il approchait d’un tout petit hameau, lorsqu’il croisa un vieil âne tout cagneux, dont il flatta l’encolure. Il se risqua même à lui embrasser le front et à lui dire qu’il aimait sa chaleur. Mais sans qu’il ne puisse se l’expliquer, le baudet calqua ses pas sur les siens. Pendant des kilomètres. Ainsi, en cheminant, il s’était trouvé deux amis.
Le cœur devenu léger, il se risqua dans le village avec ses allures de traîne-misère et ses haillons aux couleurs de l’arc-en-ciel. Il n’avait pas encore fait trois pas qu’un bonhomme vint à sa rencontre pour lui demander où il avait trouvé son âne, qu’il cherchait en vain depuis trois jours.
Pour le remercier, il l’emmena chez lui afin de lui permettre de se reposer un peu et de s’alimenter d'une soupe chaude préparée par sa fille.
La maison ne payait pas de mine, mais il y avait une multitude d’enfants qui riaient en se chamaillant dans la cour. L’étranger en compta au moins cinq. De la vie à profusion et si bruyante, pensa-t-il. Ils lui posèrent des tas de questions, du genre : « d’où viens-tu ? Qui es-tu ? Où vas-tu ? », sans jamais lui parler de son odeur.
La fille du vieux n’était plus toute jeune, mais elle avait des yeux bleus comme le ciel de ce jour-là, dans ce coin-là. C’était en décembre, le 23 exactement. Et demain serait un jour de fête.
Autour de la table, il sortit le chaton de son veston, qui miaulait comme un perdu et la femme lui offrit du lait dans une assiette, tout près du feu qui brûlait dans la cheminée, l’âne regardait à la fenêtre, le vieux fumait tranquillement sa pipe et l’humanité se mit à envahir la pièce jusqu’à lui faire venir les larmes aux yeux.
C’est à ce moment-là que les marmots se mirent à rigoler comme des baleines en jouant du coude, le nez plongé dans la douce chaleur de la soupe de vermicelles qu’ils lapaient comme des chiots affamés, parce que la mère, leur mère, celle que le salaud avait abandonné l’an dernier, le jour de Noël, avait posé la main sur celle de l’étranger qui ne sentait pas bon, juste-là devant eux, au coin de la table.

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