La putain, le Saint et le polichinelle. (et bientôt mes titres seront plus longs que mes textes. Amen)
Alexandra Bitouzet
Mon amour est mort et à ses funérailles, je n'ai pas été conviée. Il était déjà sous terre quand la nouvelle est tombée. Je n'en veux à personne. Je n'y avais de toute façon pas ma place. Je n'aurais pu tenir le bras de personne et assurément, personne n'aurait tenu le mien. J'ai aimé Anton, c'est comme cela qu'il s'appelait, je l'ai aimé comme personne. J'ai résisté aux attaques, aux sobriquets dont toutes ces années on m'a affublée. J'ai été la salope. La chienne. La détestable. La putain et lui le Saint, mais ça ne faisait rien. J'ai aimé le mari d'une autre et c'est dans mes bras, dans mes draps qu'il aimait lui aussi, plus fort qu'ailleurs. J'ai eu mal quand il est devenu père, une fois, puis deux, mais j'essayais de ne pas y penser pour que rien n'entache mon amour pour lui. Puisque c'est ailleurs qu'il vivait et que je n'y étais pour rien. Jamais je n'ai demandé et exigé encore moins qu'il ne quitte sa légitime épouse. Jamais je n'en ai eu l'envie, désireuse de demeurer l'épouse de personne. Pourtant ce matin je ne suis ni veuve ni putain et épouse encore moins. Au réveil, sur le petit boitier sur lequel je viens d'uriner, il y a une croix bleue. Une belle et franche et stricte croix bleue posée solennellement sur le journal ouvert à la rubrique nécrologique. Les vies sont des pas chassés pour ceux qui ne savent pas danser et dans la cuvette des toilettes, je pleure. Je tiens, d'une main mon ventre et de l'autre mes cheveux et mes larmes à la bile se mêlent. C'est ma vie qu'accroupie je vomis.