La queue du cheval de Saul de Tarse

Eka Abassi

Un jour un homme se réveilla sans nez. Il ne s’en rendit compte qu’au moment de se brosser les dents devant le miroir au dessus de son lavabo. Il tomba sur le carrelage froid de sa salle de bains suffoquant. Sans nez pouvait-il respirer ? Non. Il allait donc mourir là dans son pyjama bleu et resterait pour ceux qui trouveraient son corps froid sans narines, une énigme.

Il soupira, en se disant soulagé qu’en tout les cas étant mort il n’aurait pas à subir l’humiliation d’être un phénomène de cirque scruté par des foules immenses, ou un cas de laboratoire, disséqué par des savants en quête de gloire.

Il passa la main sur la surface lisse qui encore hier après sa lecture du soir accueillait un nez tout à fait normal et portant ses lunettes en écailles noires. Il avait lu se rappelait il maintenant L’écurie du cheval de Saul de Tarse.

A peine avait-il eu cette pensée qu’à la place laissée vide par son nez disparu, il pu avec la main découvrir un autre organe bien plus terrible encore qu’un nez absent : la queue du cheval de Saul de Tarse. Il se précipita dans sa salle de bain pour scruter son visage dans le miroir et tenter de cerner le cauchemar duquel il s’acharnait à ne pas se réveiller.

« Certes même sans nez »… Sa femme défunte, il en était sur, aurait eu ces mots sans même un regard sur son visage affublé d’une queue de cheval, … « certes même sans nez tu peux encore te réjouir te voilà bien vivant. Tu respires ». Il se tenait en effet debout devant le miroir de son lavabo et l’air entrait et sortait de ses poumons. Il n’aurait su dire comment mais il le voyait bien au mouvement saccadé que faisait sa poitrine saisie d’angoisse et de terreur que l’air rentrait et sortait de son corps et qu’en l’occurrence, il respirait.

La voix de sa femme toujours dans sa tête, l’homme qui a la place du nez avait la queue du cheval de Saul de Tarse au milieu du visage, mis comme le lui intimait la voix acariâtre son épouse défunte son cache nez et se rendit chez son docteur.

Il passa devant le boulanger, la pharmacienne, et le vendeur de journaux, avec un signe de la main pour tous et pressant le pas pour ne pas répondre à la question que tous sans doute se posaient : pourquoi monsieur D… portait-il un cache nez en plein juillet ?

Arrivé chez son docteur il dû attendre de longues heures. La salle d’attente était pourtant vide. La secrétaire muette lui avait indiqué où s’asseoir et il avait attendu.

Le docteur ne vint jamais. La secrétaire s’en alla quand son heure fut arrivée. Ignorant M D… et le cache nez qu’il n’avait pas enlevé.

M D… fini par se résoudre à ouvrir la porte du cabinet du docteur et là il vi allongé sur la table de consultation le cheval de Paul de Tarse qui en guise de queue avait son nez.

Le docteur en le voyant poussa un soupir de soulagement et di:

voilà que tout peut enfin rentrer dans l’ordre. Vous me direz lequel des deux a eu l’idée de ce sortilège.

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