La rencontre Ethel-Julius Ch. 29
loulourna
30- La rencontre Ethel-Julius-Ch.29
Ses facultés d’obéissance à l’ordre établi, sa disposition naturelle à la sujétion, prédisposait le lieutenant Grûnewalt à se soumettre à l’autorité nazie. Après sa campagne de Pologne, sans faits de guerre remarquable, il avait été muté en France, où il avait surtout montré des qualités de fonctionnaire. Il s’était toujours laissé guidé par les événements sans prendre de résolutions importantes. Ses galons de capitaine l’amena à se fourvoyer en une décision qui le conduisit directement à Auschwitz, l’épicentre de l’enfer.
Le capitaine Julius Grünewald, debout devant la porte de la chambre à gaz, avait conscience de se situer dans le trou du cul du monde. Depuis son arrivée, le 2 juillet, il avait la sensation d’avoir éternellement une odeur de brûlé dans le nez. Certains jours, lorsque le vent venait de l’ouest les fumées des fours crématoires se rabattaient dans le camp, et couvraient les uniformes et la peau d’une fine pellicule de suie grasse et nauséabonde. Lorsqu'il pensait aux circonstances qui l’avaient conduit jusqu’ici, il était persuadé qu’avoir choisi une cause perverse et criminelle, par son pouvoir divin, Dieu le punissait. Ethel lui avait ouvert les yeux sur la réalité du nazisme, mais il avait choisi de ne rien voir et ne rien entendre. Hypnotise par le national-socialisme, il n’avait pas compris qu’a chaque niveau de la hiérarchie de cette bande de désaxés pervers il y avait des assassins, des pilleurs, qui sous le couvert de leur badge et leurs uniformes étaient prêts à exécuter n’importe quelle horreur au service d’une cause barbare et d’avoir bonne conscience en se réfugiant derrière le prétexte d’obéir aux ordres et à loi. Maintenant, il savait que cet empire qui devait durer 1000 ans, crée par des “ hommes supérieurs “ était une utopie monstrueuse. Des hommes supérieurs ! quelle dérision ! Pas un n’arrivait à la cheville d’Ethel, Ethel la juive. Il se maudissait de ne pas avoir voulu entendre sa parole. L’Allemagne, puis l’Europe pillée, ruinés en dix ans, assassinée par une secte de sous-hommes : voilà la terrible réalité !
Il n’avait pas été personnellement un exécutant sadique, mais était conscient que par faiblesse, par lâcheté il avait servi le mal absolu.
Mais ici, c’était trop. La vérité d’Auschwitz le frappait de plein fouet.
Mais revenons un peu en arrière. Tout avait commencé lors d’une permission à Berlin. Quatre mois après l’invasion de la Russie Le moral des troupes allemandes sur le front de l’est n’était plus au beau fixe. Depuis l’enclenchement de l’opération Barbarossa du 22 juin 1941 les Allemands avaient réussi une poussée de plus de 700 km et en quelques semaines. De la banlieue de Moscou, ils pouvaient voir à la jumelle les tours du Kremlin. Les rêves d’Hitler se brisèrent le 5 décembre. A moins 35°, les hommes exténués , frigorifiés, incapables de faire un pas de plus dans cet enfer blanc. Les chars bloqués par le gel stoppèrent définitivement les armées du 3e Reich. En janvier 1942 malgré la bravoure de ses soldats commença l’inexorable recul des armées allemandes.
La crainte de chaque homme était d’être envoyé sur le front de l’est. Cette crainte était partagée par le lieutenant Grünewald qui, le 12 juin, avant de recevoir sa nouvelle affectation débarqua pour une permission de deux semaines à la en gare de Potsdam, à Berlin. Chaque arrivée de train était filtrée par la police militaire et les contrôles étaient nombreux. Depuis sa dernière visite la ville avait changé. L’inquiétude et la peur se lisaient sur le visage des rares passants. Exclusivement des femmes et des vieillards. Les seuls à afficher leur arrogance étaient des enfants dans leurs panoplies de jeunesse hitlérienne endoctrinés par l’idéologie du parti nazi. Certains quartiers étaient complètement détruits par les bombardements incessants des escadrilles alliées. En arrivant chez lui, il eut le soulagement de constater que la guerre avait oublié sa rue. Sa mère l’accueillit chaleureusement.
---Endosse des habits civils, tu sais bien que je ne supporte pas ton uniforme.
Tout en s’exécutant Julius regardait sa mère, toujours jolie malgré quelques petites rides depuis sa dernière permission,
--- Tout n’est pas mauvais dans cette guerre. Nous essayons de construire l’Europe. Bien sûr, ce n’est pas sans casser des œufs mais je pense qu’il en sortira quelque chose de bon.
La naïveté de son fils désarçonnait Lucia. --- Tu as vu beaucoup d’hommes depuis ton arrivée ? Non ! Et bien ! ils sont ou morts, ou prisonniers en Russie ou occupés à faire quelques saloperies dans cette Europe que vous êtes en train de construire.
Julius prit sa mère dans ses bras, ---tu verras maman tout finira par s’arranger. Bien que connaissant d’avance la réponse il demanda, ---tu n’as pas des nouvelles d’Ethel ?
--- Non ! je suppose qu’il ne doit pas rester beaucoup de juifs à Berlin. Les bruits les plus horribles circulent sur ce qui se passe dans certains camps en Pologne. J’ose espérer que ce ne sont que des bruits... mais j’en doute.
---À la fin de mon stage à Marienburg je suis allé chez les parents d’Ethel2. Ils avaient disparu.
---Tu t’étonne ?
Julius soupira,---Non...je ne sais pas. Il releva la tête, --- Maman, tu crois en Dieu ?
--- Cela serait horrible si Dieu n’existait pas et que les hommes soient les maîtres de la terre sans sanction divine.
Julius pris sa mère par la taille.---Où qu’il soit je pense que maintenant papa est en paix.
Lucia regarda Julius avec attention, ---Qu’est-ce qui te fais dire ça ? Julius sourit,---je vais te raconter une histoire incroyable. A Paris. Je travaillais pour l’Abwehr ; les services de renseignements de l’armée. Le hasard m’a fait rencontrer la fille de cet homme... Tu sais...dans la tranchée... Adrien Langier. Je l’avais convoqué dans nos bureaux sans savoir qui elle était.
Lucia, vivement intéressée,— Alors ?
---Je voulais seulement la questionner au sujet d’une lettre qui la dénonçait.
--- Je vois que le comportement des Français n’est pas meilleur que le nôtre.
--- C’est son nom qui a attiré mon attention : Arlette Langier. Elle avait été dénoncée sous son nom de jeune fille.
--- Comment pouvais-tu être certain qu’elle était la fille d’Adrien Langier ? Les Langiers doivent être nombreux en France.
--- Je lui ai demandé le prénom de son père. Elle m’a répondu ; Adrien et qu’il était mort à la guerre, en 1917. Ca diminuait les possibilités d’erreur, tu ne crois pas ?.
Julius, sur de son effet, resta silencieux.
---Faut-il que je t’arrache chaque mot
--- Dans ses réponses malhabiles à mes questions j’ai très vite compris qu’elle me cachait quelque chose et qu’elle faisait probablement partie de la résistance. Notre nom ne lui disait rien. Ce qui est certain c’est qu’elle ne nous aime pas.
Légèrement tendue Lucia demanda, ---Qu’as-tu fait ?
---Je te passe les détails. C’était une femme charmante; elle attendait un bébé. Elle m’a raconté une histoire d’amant qui ne tenait pas la route. Cela n’aurait pas été difficile de la faire parler.
Un peu plus tendue, Lucia répéta,--- Qu’as-tu fait ?
--- Avant de prendre ma décision j’ai pensé aux tourments de papa, à ses cauchemars.
D’une voix de plus en plus insistante, --- Qu’as-tu fait ?
--- Elle ne saura jamais pourquoi je lui ai sauvé la vie. Je l’ai laissé partir.
Lucia était visiblement soulagée de constater que son fils n’était pas totalement corrompu par le système nazi. Submergée par l’émotion elle prit son fils dans les bras.
---Tu as bien fait. Oh ! oui, tu as très bien fait. Quoi qu’il arrive, cet acte te rachètera.
Elle espérait sans trop y croire que la guerre finira bientôt et que tous les deux prendraient un nouveau départ.
--- À la fin de la guerre nous irons ensemble voir cette jeune femme. Tu as gardé son adresse ?
Julius sorti un papier de son portefeuille sur lequel était inscrit le nom de la boutique d’Arlette Nimier.
---Range-là précieusement, un jour, j’espère te faire visiter Paris.
Le lendemain Julius alla faire viser sa permission au bureau militaire de Berlin. Il y rencontra un de ses camarades de promotion. Celui-ci lui proposa de venir à une soirée organisée par l’Obergruppenführer Oswald Pöhl. Il n’avait jamais entendu parler de lui et n’avait aucune idée de ses activités. Il avait simplement pensé qu’il serait agréable de mettre son bel uniforme d’apparat et d’assister à sa première soirée berlinoise.
Pöhl avait au fil du temps mis la main sur l’appareil des camps de concentrations. Le 1er février 1942 son contrôle était presque global. Ce fut chose faite un peu plus tard, lorsqu’il absorba l’Inspection. Ainsi, l’administration et l’économie des camps ne formaient plus qu’un. À ce stade l’univers concentrationnaire était sous sa coupe.
Durant l’été 1941, Hitler décida “”La solution finale “” . Fini les fusillades de masse. Pas assez efficace, trop lent. Même constatation pour le gazage par pots d’échappement des camions aménagés. Beaucoup trop perturbant pour les conducteurs. Ce qui décida aussi le haut commandement allemand c’était le traumatisme provoqué chez certains soldats à la vue des juifs : hommes, femmes, enfants, alignés devant une tranchée, abattu un par un et basculer dans le charnier, puis recouvert, parfois encore vivant de chaux vive. La construction des centres de mise à mort organisés industriellement, l’élimination des Juifs à la chaîne dans les camps de la mort allait rendre célèbres les six noms du royaume des morts : Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Maïdanek, Belzec et Chelmno. Lors d’une réunion sur la “”Solution finale “”, le docteur Grawitz avait conseillé à Himmler d’utiliser le gaz pour éliminer les juifs. Après discutions entre médecins et chimistes, le zyclon B, produit toxique très puissant, connu depuis la première guerre mondiale comme insecticide fut adopté pour être déversé dans des chambres à gaz camouflées en bains douches.
Ceci étant dit, revenons à notre soirée berlinoise. Son camarade, présenta Julius à leur hôte. ---Je vous présente le lieutenant Grünewald. Il rentre de France.
--- Ah ! la France, Paris, quelle belle ville. Malgré les restrictions, on y mange très bien. Au marché noir, évidemment. Pohl prit Grünewald par le bras et le dirigeait vers le buffet. --- Allons boire un verre à la santé des Parisiennes. Ce que le lieutenant Grünewald ne savait pas, c’est que Pohl recrutait des gradés SS pour l’administration des camps. Comme il manquait de volontaires qualifiés, il n’y allait pas par quatre chemins, pour attirer des officiers. --- On m’a beaucoup parlé de vous, mon cher. J’ai entendu dire que vous étiez un gestionnaire hors pair.
Flatté, Julius le remercia avec respect. Ils burent quelques verres à la santé du führer.
--- Je cherche des hommes comme vous pour gérer au mieux les camps de travail de mon organisation. Si cela vous intéresse j’ai le pouvoir de vous faire nommer capitaine avant une nouvelle affectation.
Le fonctionnement des camps était un sujet tabou. Certains bruits arrivaient quand même à circuler et chacun pouvait se faire sa petite idée sur la question. Le lieutenant Grünwald n’avait pas assez d’imagination pour concevoir autre chose, qu’un camp de travail, ou la vie des prisonniers était difficile, certes, restait quand même un camp de travail. Monter en grade et éviter le front de l’est c’était vraiment ce qui pouvait lui arrivé de mieux. C’est ainsi qu’il fut piégé pour se retrouver à Auschwitz 15 jours après son retour de Paris. Le 2 juillet il passa un portail, dont le fronton disait “” Arbeit mach frei “. À son arrivé, il fut reçu par le commandant du camp, l’Obersturmbannführer Höss. Après quelques mots de bienvenue, Höss ajouta, --- Nous sommes jeudi, je vous laisse jusqu’à lundi prochain pour vous familiariser avec le camp, ensuite nous parlerons ensemble de votre affectation. Il ne lui fallu pas longtemps à Julius pour comprendre que le seul but de cet endroit était d’éliminer le plus de juifs possible, Auschwitz ne gérait que la mort. Qui avait assez de sang-froid, assez de haine antisémite, pour envisager un endroit ou l’élimination des déportés s’organisait d’une aussi monstrueuse efficacité ? Les nouveaux déportés arrivaient par trains le matin ; débarqués, triés, déshabillés, gazés et le jour même brûlé dans d’immenses fours crématoires. Essayez de vous mettre à la place des concepteurs des centres de mises à mort ; les architectes, les dessinateurs industriels, les ingénieurs, les chimistes, les contremaîtres, les ouvriers travaillant vers un seul but ; assassiner le plus grand nombre de juifs possibles avec la plus grande efficacité. Le traitement de tous les objets, vêtements, bijoux ayant appartenu aux suppliciés était réexpédié en Allemagne. L’organisation allemande frappait une fois de plus. La solution finale, Grünewald en avait entendu parler, mais pour lui il s’agissait d’expatrier tous les juifs vers Madagascar, la Palestine ou encore un autre lieu. Il comprenait aujourd’hui que “Solution Finale signifiait l’élimination des juifs par la mort. Il n’avait plus aucun doute, Hitler était bien un hallucinés persuadé d’accomplir une mission sacré. Mais comment arrivait-il à embrigader des milliers de fonctionnaires pour être ses exécutants ? Et puis, peut-être n’était-il pas aussi névrosé que ça, du moins pas plus que n’importe qui. Sa vision du monde idéale, était un monde sans juifs, et la faiblesse, la haine des hommes et l’indifférence du reste du monde lui donnait le moyen de réaliser son funeste dessein. Par quelle dérive en était-on arrivé là ? Quels étaient ces humains capables de tuer autant de monde à la fois sans sourcilier ? Quels étaient les gens capables de laisser faire sans réagir ? Lorsqu’il vit les gardiens à l’œuvre, il eut la réponse à sa deuxième question. Ceux-ci d’authentiques sadiques, faisaient tous partie de l’unité “”Tête de mort “ exerçant leur droit de vie ou de mort sur les déportés. Un juif à Auschwitz n’était plus un être humain dans le monde des vivants.
Et puis, il y avait les médecins. Leurs fonctions étaient doubles.
1° Faire le tri à l’arrivée de ceux qui allaient mourir immédiatement et de ceux qui allaient vivre encore un peu, dépérir lentement, tués par un travail pénible et abrutissant dans des conditions insoutenables ; le manque de nourriture, la maladie, le froid et les mauvais traitements.
2° Les expériences médicales. Là ça frisait le délire. Il fut invité par le docteur Clauberg à visiter l’un de ces blocks, où celui-ci faisait des expériences sur la stérilisation des femmes. Cela dépassait l’entendement. Cet homme en blouse blanche sous son uniforme SS, parlait avec fierté de ses expériences pour empêcher la femme juive d’enfanter. Julius se souvenait des bandes dessinées de son enfance où des savants fous voulaient dominer le monde. Était-il en présence de l’un d’eux ? Non ! dans les livres ils avaient la tête de l’emploi ; satanique, le regard fou, préparant leurs expériences mortelles avec un rictus aux coins des lèvres. Ici, non ! ils étaient calmes, sereins, souriants, la photo de leur famille sur le bureau. Ces hommes faisaient carrière, un simple travail. Julius prétexta l’odeur pour sortir de cette infirmerie et dans un coin il vomi son repas. Il resta deux jours dans sa chambre sans vouloir en sortir. Julius se réveilla en sursaut au milieu de la nuit. Il devait fuir, se faire muté, même à l’Est. Il devait trouver le moyen de partir au plus vite de ce trou dans lequel il s’était fourvoyé. Comment faire ? Le mieux c’était d’attendre une opportunité. Lundi matin, il se dirigea vers le bureau de Höss, --- Ah ! vous voilà, capitaine. Je pense que vous avez compris comment fonctionne le camp ? Il nous manque un responsable aux matières premières et à la gestion des armes, vous allez en prendre la direction. Se tournant vers un homme en uniforme SS, resté debout et silencieux, au fond de la pièce, Il ajouta--- Si ça vous va, le sous-lieutenant Müller va vous mettre au courant. Julius n’osa refuser, en pensant que c’était un moindre mal, le temps qu’il trouve le moyen de se faire muter. Müller lui fit visiter les entrepôts composés de trois hangars. Dans l’un d’eux, une porte cadenassée.
--- Dans ce local, nous entreposons le Zyclon B, vous en serai le responsable. Il lui tendit une clé et un carnet à souche. --- Je vous mettrai en rapport avec le chef de la désinfection au bureau de l’hygiène de la Waffen-SS, l’Oberstumführer Gerstein. Il est chargé de commander le pesticide au Dr Gerhard Friedrich Peters, directeur de la firme Degesch ( Deutsche Gesellschaft für Schädlmgsbekämpfung). En général, on nous livre toutes les six semaines. Ca ne sert à rien d’avoir des stocks important ; le zyclon B se détériore très vite. Par contre, il est important de ne pas en manquer, sinon le traitement des “douches” est interrompu et les juifs s’accumulent. Il lui désigna le carnet à souche : Vous n'oublierez pas de faire signer les gardes qui sont chargés d’utilisé le poison, sinon vous allez entendre la comptabilité, ajouta-t-il en riant. Tout en parlant, les deux hommes s’étaient dirigés vers une grande salle ou des dizaines de déportés triaient des objets de toutes sortes. Vous êtes également chargés de réexpédier vers Berlin, les biens ayant appartenu aux gazés. Il extirpa de sa poche une note de service, --- demain matin, vers 6h30, arrive un convoi de 965 juifs... Chiffre théorique. Il y aura probablement pas mal de morts, particulièrement des gens âgés et des enfants. Le voyage est une de sélection naturelle, ajouta-t-il en rigolant. À 6 heures, pour votre première journée, je viendrai moi-même chercher trois boîtes de zyclon B. Julius n’entendait plus Müller, il pensait à Ethel. Où es-tu ? Ethel tu es la seule personne sensée de ce monde de détraqués. Je perds mes marques, je ne sais plus ou j’en suis. Ethel, j’ai besoin de toi, où peux-tu être?
Le lendemain, dimanche 12 juillet, un train de 20 wagons s’arrêta sur la rampe d’accès du camp.
Grünewald s’était juré de ne pas assister au traitement de ce convoi. Le sort en décida autrement. Höss vint le chercher, --- Grünewald, vous allez voir l’arrivée des juifs. C’est très instructif. Grünewald, observa la manœuvre d’assez loin et encore une fois il put constater l’efficacité du déchargement de tous ces malheureux; hommes, femmes, enfants, tous voués à une mort certaine, obéissaient au doigt et à l’œil à l’injonction des gardes SS.
Une demi-heure plus tard Il était de retour à son bureau ou l’attendait Müller. --- Mon capitaine, pouvez-vous exceptionnellement apporter le zyclon B aux gardes, nous avons un problème dans le block des Russes. Je dois y aller.
Grünewald hésitait. Müller insista,--- C’est urgent, mon capitaine.
La fatalité s’acharnait contre lui. Normalement, les officiers SS n’avaient pas à côtoyer les détenus. Il lui semblait être comme un rat, dans un labyrinthe avec une seule issue possible qui l’emmenait inexorablement à l’endroit où il ne voulait surtout pas aller. Etant prit de court, il emporta le Zyclon B vers la chambre à gaz.
Sur le mur, une inscription “ Bain Douche “ . Les portes étaient fermées. L’un des gardes, par un regard du toit déversa le poison. Deux gardes, se chamaillaient pour pouvoir regarder par un œilleton, ce qui se passait à l’intérieur. Le capitaine Grûnewald, alors qu’il n’avait qu’une idée, partir en courant, fasciné, il resta pétrifié sur place, sans pouvoir bouger. Après un temps qui lui parut assez long, les deux gardes ouvrirent les deux battants de la porte. Là il comprit pourquoi celles-ci s’ouvraient vers l’extérieur. Des corps nus de femmes et d’enfants, le visage tordu par l’asphyxie, de la bave aux lèvres, les yeux exorbités tombaient vers l’extérieur, baignant dans de l’urine, du vomi et des excréments. Le zondercommando s’activait pour charger les corps sur des charrettes et transporter les suppliciés vers les brasiers des fours crématoires. Chaque fois que Grünewald pensait qu’il était arrivé au bout de l’horreur, l’étape suivante était pire. Avant d’emporter les cadavres, Il y avait encore une formalité à remplir. Ces corps nus dépouillés de leur pudeur, dépouillés de leur qualité d’être humain allaient encore subir un ultime viol ; l’introduction d’une pince dans la bouche afin d’en extraire les dents en or.
L’un des gardes, retourna un corps couché sur le ventre, enchevêtré, avec une femme et une petite fille. Il fut frappé par son visage serein, paisible, presque souriant. À cet instant précis, il toucha vraiment le fond ; il identifia, sans vouloir y croire, le beau visage d’Ethel. Il savait avec certitude que sa vue ne lui jouait pas un tour, mais il s’approcha, espérant faire une erreur. Aucun doute n’était possible, c’était bien Ethel. Sous le regard ébahi des gardes, il s’agenouilla, pris le corps dans ses bras et en lui caressant la joue il fondit en larmes. Les gardes ne bronchèrent pas. Il ne sait pas combien de temps il resta ainsi. Lorsqu’il reprit ses esprits, la nuit était tombée. Il était seul. Le silence était total. Höss le garda dans ses fonctions encore quelques semaines avant d’accepter sa mutation pour le front de l’est, pour Stalingrad, ce champ de bataille où les deux dictateurs les plus sanguinaires du 20e siècle se livrèrent, par 500 000 morts de part et d’autre à un duel titanesque et sans merci. La veille de son départ, il écrivit une lettre à sa mère.
Ma chère petite maman,
Tout est tellement embrouillé dans ma tête et j’ai tellement de choses à te dire, mais je ne trouve pas mes mots. Je ne suis même pas certains que des mots existent pour te décrire l’endroit d’où je viens. Je sais, maman, que tu liras entre les lignes et démêleras la confusion de mes propos. D’abords, il faut que je vous demande pardon à toi et à papa, pour tout ce que j’ai pensé de vous. Pauvre papa ! Je n’avais rien compris de l’horreur qu’il a vécu durant la Grande Guerre. Je comprends d’autant mieux, que j’y suis moi-même plongé et de la pire des manières. Et toi, maman ! Je me souviens de ma honte de notre condition, honte de te présenter à Ethel. Alors que j’aurais dû avoir honte de mon pays. Il n’y a pas longtemps, j’ai compris qu’elle seule t’a appréciée et respectée comme ton fils aurait dû le faire. Non, je n’ai pas été le bon fils que tu méritais. Ce n’est qu’à coup de visions abominables, assénées ces derniers mois, avec un point d’orgue final ou je me suis retrouvé face à Ethel, morte gazée que j’ai compris la réalité de l’Allemagne d’aujourd’hui. Malheureusement trop tard, beaucoup trop tard. Trop tard depuis longtemps. Je l’ai tenue dans mes bras, souriante, paisible pour l’éternité, alors que j’aurais du lire sur son beau visage, de la haine, du dégoût, de la douleur. Ethel, si jolie, si intelligente à vécu l’opprobre de gens abjectes, méprisables, elle fut jugée, comme moins que rien par des attardés sans aucune humanité. Tant de vies gâchées ; toi, papa, Ethel, moi, et tellement d’autres, par des conflits organisés par des hommes stupides et pervers. Cette guerre va bientôt se terminer. Je part pour le front de l’est. S’il m’arrive quoi que ce soit, je voudrais que tu me fasses une promesse. Maman, tu as aujourd’hui 46 ans. Tu es encore jeune, tu es jolie. Oublie le passé. Donne un sens à ma vie et à celle de papa. Commence à vivre maman ! commençe à vivre !
Je t’embrasse de tout mon coeur.
P.S. J’ai confié cette lettre à un camarade blessé ; j’espère que tu la recevras.
Julius savait qu’en tant qu’officier ses chances de survies étaient d’une semaine. Les statistiques ne le détrompèrent pas.
En janvier 1943, Julius disparu dans l’enfer glacial de la bataille de Stalingrad sans savoir que quelque part en Allemagne il avait une petite fille prénommée Erna.
La jeune sœur du soldat blessé remis la lettre à Julia. Julius avait été tué deux jours plus tôt.
A suivre...
Voyage au bout de l'enfer, période terrifiante. Amitiés.
· Il y a plus de 13 ans ·PS : une bonne partie du Zyklon B a été fabriqué à côté de Beauvais.
yl5