La retraite, mais pas de Russie

Hervé Lénervé

Deux veuves se retrouvent retirées à la retraite dans un trou de fin de France.

Bernadette est fraîchement émoulue en fin d'activité, alors que Géraldine est déjà rodée à l'oisiveté. La première a rejoint sa grande copine dans ce bled, comme elles se l'étaient promises à Paris.

-         Ça été dur, pour toi aussi, le début ?

-         Non, ça été. Je ne cacherais pas que, quelquefois, j'ai tenté de me suicider, mais j'ai raté.

-         Ce n'était que des tentatives, alors, pas le vrai suicide ?

-         Disons, que je ne suis pas très adroite de mes mains et je n'ai pas l'habitude d'utiliser une machette.

-         Une machette ? Mais pourquoi tu n'as pas pris des cachets ?

-         Ça me détraque l'estomac, les médocs et noeunoeil, tu sais, le borgne. Son frère, petit, lui avait crevé l'œil avec une machette.

-         Le sauvage !

-         Il ne l'avait pas fait exprès, le coup était parti tout seul.

-         Aussi, les parents n'auraient pas dû laisser une arme chargée.

-         Le père avait peur des Arabes, il ne voulait pas être surpris à l'improviste.

-         Pourquoi, il y avait des Arabes, avant, ici ?

-         Non, jamais ! Mais il en avait vu à la télé.

-         La télé, ça fait toujours plus peur que la réalité. Moi, j'avais des copains Arabes à Paris, ils ne m'ont jamais violée.

-         Les mufles !

-         Oui, un peu, quand même. Mais à part ça, des gens très bien sur tous les rapports d'argent, serviables, chaleureux et voleurs, mais à cause des gènes seulement.

-         Et qu'est-ce que tu fais de toutes tes journées pour t'occuper ?

-         J'entretiens mes capacités intellectuelles.

-         Des mots croisés ?

-         Non ! Je compte les pierres du mur de Colin, le voisin.

-         Et ça te distrait ?

-         Bof ! Disons que ça passe le temps long.

-         Et pour la bagatelle, comment tu fais ?

-         Je ne fais pas !

-         Putain, Quelque chose me dit que l'on va bien s'amuser à la retraite, ma copine.

Moralité : Vivez tant que vous vivez encore ! Et pardon pour les gens du Sud.

Signaler ce texte