La rupture
tropical-writer
LA RUPTURE
J’aurais préféré… Je ne sais pas moi … Une phrase
digne et définitive, du genre : “Au moins, avons-nous
essayé”, ou… “Je ne t’oublierai pas”, ou … je ne sais pas,
moi…
Tiens ! J’aurais préféré des insultes. Les plus
ordurières que tu aies pu trouver.
Et si tu n’en connaissais pas d’assez cinglantes, tu
aurais pu en inventer. Tu aurais pu. Je sais que tu aurais
pu !
Tu aurais pu chercher à me blesser, à me tuer,
même, d’un mot bien aiguisé, d’une phrase explosive. Je
ne sais pas, moi…
Tu aurais pu tout casser, me jeter au visage les
objets les plus lourds qui te seraient tombés sous la main,
le vase en cristal que tu aimais tant, le cartel de bronze de
tes grands parents, ou une casserole…
Une simple casserole. Je m’en serais contenté, tu
sais. Cette banale casserole aurait pris, pour moi, les
proportions gigantesques d’un Hiroshima amoureux,
d’un Tchernobyl sentimental, dont les radiations
m’auraient consumé de l’intérieur pendant des
millénaires.
Oui, j’aurais préféré ça.
Tiens ! Une claque en pleine gueule ! J’aurais
préféré !
Une baffe bien sentie, bien ruminée, bien ajustée,
qui m’aurait laissé ta signature sur la joue.
J’aurais préféré
des larmes, des cris, des coups…
j’aurais préféré te voir
dans ses bras. Mieux : te voir dans ses jambes !
Mais tu ne m’as rien donné de tout cela. Tu m’as
juste regardé…et tu as souri. Et là, j’ai vu, dans tes yeux,
ce que je croyais ne jamais pouvoir y voir : un tel dédain,
un tel mépris que j’en eus le souffle coupé.
Incapable d’ajouter un mot, j’ai fermé la porte et je
suis parti dans les rues de cette ville qui, pendant si
longtemps, avait été la nôtre.