La rupture

daria

Très courte évocation du chagrin d'amour.

Elle a tourné la clé dans la serrure. Elle a refermé la porte derrière elle. Elle a laissé glisser son manteau. Une fois à terre, il n'était plus qu'une masse grotesque, négligeable. Elle a jeté ses chaussures. L'une d'elles a atterri sur l'étagère et a fait tomber un vase, un vase qu'elle aimait. Elle a haussé les épaules. Elle a pensé à l'expression « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs ». Cela ne voulait rien dire. Tout se brisait sans but. Et les imbéciles croyaient le contraire.

Elle s'est demandé si elle voulait pleurer. Non, elle savait bien que non, c'était trop tôt. Il n'y avait pas de raccourci. Elle connaissait chaque étape. D'abord la stupeur et puis la douleur qui viendrait lentement, qui n'en finirait plus de grandir et qui l'engloutirait. Elle savait tout ce long supplice où, pour avoir perdu l'autre il fallait encore se perdre soi-même, ne plus se reconnaître, se mépriser, se haïr et se plaindre. Elle savait qu'il y avait une fin, dans quelques jours ou dans quelques mois, un matin où elle se réveillerait et comprendrait qu'il ne restait rien, enfin, de ce grand anéantissement qui n'en valait pas la peine. Elle savait aussi cela, que c'était du vent, une souffrance imbécile et inutile, un message vain acheminé par un nerf sectionné, une douleur fantôme qui n'avait rien à lui apprendre, rien à lui dire de ce qui avait été.

Elle savait aussi qu'il était inutile de fuir, il faudrait tout revivre pas à pas, manger le pain noir jusqu'à la dernière miette. Elle a souri, elle s'est traitée d'idiote, elle n'a même pas pris la peine de se promettre que c'était la dernière fois, elle ne croyait que les mensonges des autres. Elle s'est assise sur le bord de son lit, elle a regardé ses mains vides et elle a attendu la vague.

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