La seule belle.

Marcel Alalof

Nous entrons dans ce café de la place Saint-Marc  dont j'oublie toujours le nom(« Florian »,peut-être),au charme de bonbonnière, qui se divise en six petits salons. Toutes les tables sont occupées, sauf une près de la terrasse vitrée du salon « Liberty ».Nous prenons place, moi et Isabelle que je fréquente depuis quelques mois. C'est notre première fois à Venise. Nous sommes assis côte-à-côte.  Pendant que je regarde les touristes assis aux autres tables dans cet endroit sélect, mon occupation préférée dans les lieux nouveaux Isabelle a saisi  son cahier de dessin.  Je la vois croquer avec rapidité, le café, d'abord le décor 1900,aux voûtes décorées, et lambris et miroirs peints ,du tout-début du siècle dernier, puis une table où est assis un quinquagénaire à la tenue d'artiste-peintre,  accompagné d'une femme blonde de son âge.  Je la vois qui dessine avec minutie sa posture,  les détails de sa tenue.  Je découvre avec surprise son art qui est de commencer large, en dessinant d'abord le cadre,  puis l'ameublement, puis la posture et les vêtements du modèle qui, pour l'instant, est un homme sans tête. Alors,  le couple se lève pour partir. J'ai un sursaut intérieur, me disant que c'est dommage, que le dessin restera inachevé, mais Isabelle n'a pas l'air troublée ;pour l'instant,  elle peaufine les détails. La table est vite prise par d'autres clients. Une grande femme distinguée, peut-être une Anglaise, prend la place de l'artiste-peintre.J e regarde Isabelle qui continue son œuvre. Elle dessine le visage de l'Anglaise distinguée à la place de celui de l'artiste, ajoute un long fume-cigarette !

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