La sirène de saint-Pierre

jbs67

 Quand la chandelle brûle dans les yeux de sa belle, le poète n’y voit-il pas un feu tout entier ?

Comme ce marin perdu au creux de la tempête, qui avait pris une fenêtre allumée au loin pour le phare salutaire.

 Ce n’était pourtant qu’une plage de galets ou s’échoua le navire, attiré par la traître illumination au coin de la maison. Mais le vent était sec et le bateau trop lourd : c’était inévitable.

 Jeanne avait sursauté, réveillée par le bruit. Un bruit qui débordait l’idée de la tempête, qui dépassait le vent, celui qui faisait peur : peur qu’il emporte tout sur un simple coup de tête. Mais peur surtout qu’il emporte un jour ce qui lui restait de raison au fond de sa solitude.

 Jeanne avait couru sous la pluie, guidée par les cris. Ce qu’elle ne savait pas, c’était que la simple lumière de sa salle de bain, oubliée par mégarde, avait attiré le bateau maintenant pathétique, couché sur le flanc. Les vagues chapardeuses cueillaient dans la coque éventrée des caisses qui roulaient, pâles esquifs vite perdus dans la nuit.

 Jeanne avait couru vers la voix pour secourir le naufragé. Elle ne savait que c’était son destin qui courait vers elle. Ce destin qu’elle avait allumé la veille au soir, en oubliant elle-même d’éteindre la lumière.

 Certaines nuits de tempête, Jeanne entend parfois le flot fripon qui roule dans la carcasse oubliée, mais elle n’a plus peur. Le marin est couché contre elle bien sagement : après le naufrage, il n’est jamais reparti. La lumière est bien éteinte, là-haut dans la salle de bain.

 Il ne s’agirait pas d’en attraper un autre…

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