La surprise du chef

J'avais faim alors j'ai commencé à grignoter les gâteaux que j'avais achetés : des « pasteis de nata ».
Je ne faisais en cela que suivre l'exemple de ma grand-mère qui mangeait son dessert en premier car elle disait qu'elle le mangeait de meilleur appétit. Ca m'a donné très soif alors je me suis servie de ce blanco « boas vinhas » que m'avait recommandé le vendeur du « supermercado barato ».
Là, c'est plutôt à mon grand-père que je ressemblais.

Première fois que je mettais les pieds dans cette boutique. J'ai failli le regretter dès que j'y suis entrée et qu'un chewing-gum s'est collé à ma semelle m'obligeant à des contorsions ridicules pour m'en débarrasser. Finalement, j'ai bien aimé le lieu, les gens souriants, les odeurs d'épicerie.

Pour nos retrouvailles, je t'avais demandé si tu voulais un plat particulier ou une surprise et tu avais répondu pas SMS : « surprise »

J'avais alors repensé à cette boutique aperçue pendant des années mais où je n'avais jamais eu l'idée de m'arrêter.
J'ai fait le plein : des beignets de morue et de la salade de poivrons, du cochon de lait, des pommes de terre au four, des pâtisseries et du vin portugais.

Tu n'arrivais toujours pas et ton téléphone ne répondait pas.
Cette fois-ci tu n'avais pas voulu que je me dérange pour venir à l'aéroport, tu avais insisté pour prendre un taxi.
J'ai attendu, attendu, des heures je crois, j'ai bu, bu et j'ai mangé tout ce que j'avais acheté.

Quand tu as enfin téléphoné, c'était pour me dire que tu avais raté ton avion et que tu ne rentrerais que deux jours plus tard, je n'ai pas tout compris car depuis longtemps j'avais dégringolé sous la table où somnolente, je rêvais de « feriados portugueses” pleines de “surpresas”.

France, 2012