La théorie du complot ? Même pas peur
Le Bruit Et La Harpie
Chère C. ,
Je viens de terminer le livre que tu m ‘as conseillé, Les arcanes du chaos, de Maxime Chattam et voulais te faire part de mon désarroi.
La lueur dans ton regard quand tu parlais de ce roman a aiguisé ma curiosité. J’avais véritablement les chocottes d’entendre parler de “théorie du complot”. Des précautions d’avant-lecture avaient donc été sagement mises en place : pas de lecture dans le noir la nuit, et m’empêcher de relever la tête de mon livre dans le métro pour regarder les gens (au risque de tous les soupçonner), voire les paysages (sont pas aussi innocents qu’on le pense).
J’avoue que certaines révélations m’ont vraiment surprise, comme le pliage des billets de 5, 20 et 100 dollars. Difficile d’imaginer ce qui a poussé les gens à faire des origamis avec leur argent, mais les dessins sont assez parlants. Je dis cela sans avoir essayé de les plier dans le sens de la largeur. Peut-être que l’on y voit Bugs Bunny et que je continue de l’ignorer.
Parfois, les éléments rassemblés pour créer une coïncidence vont un peu loin : “Lorsque le papillon tchèque a battu de l’aile à 19h42, le ministre des Affaires Etrangères du Vénézuela était justement en train de parler en mandarin au téléphone à sa femme unijambiste, qui elle-même regardait le JT où Obama était en train de passer. Coïncidence ? Je ne pense pas. ” A ce stade, les signes deviennent un peu trop subtiles pour moi.
Sorti en 2006, le livre a le mérite de s’appuyer sur des faits vérifiables, qui permettent au lecteur de s’impliquer dans l’histoire, ou d’en avoir l’impression. La place d’Internet est centrale et paradoxale : si c’est là que vous trouverez toutes les informations que vous cherchez, c’est aussi là que vous trouverez son contraire. La multiplicité et la diversité du Web l’empêche d’être une source fiable à 100%.
Mais aussi, le pauvre Maxime Chattam est passé après Dan Brown. On pourrait croire que tout le battage créé par son acolyte l’aurait servi, mais le roi de l’intrigue ésotérique et conspiratrice nous aurait comme rassasié. Si on ouvre évidemment de grands yeux devant le récit des Arcanes du Chaos, nous ne sommes plus surpris. Plus autant. Qu’il ait tort ou raison, Dan Brown nous a donné dans Da Vinci Code les clés pour mettre en doute tout ce que nous croyions vrai. Comme Agatha Christie avec les polars, comme Night Shyamalan avec Sixième Sens.
Nous connaissons les règles du jeu de base à présent et puisque le succès de l’intrigue repose sur l’inattendu, il devient de plus en plus dur de nous convaincre. Ne comparons pas Chattam à Agatha Christie, ce serait un pêché suprême.
Moi qui, avant de commencer ce livre, voulait transgresser les limites préalablement énoncées, me contredire et bouquiner en tremblant dans mon lit le soir, j’ai presque eu du mal à finir Les Arcanes du Chaos. La conspiration, c’est tellement has been.