la vengeanc e de la fee des fleurs

Jaap De Boer

Il existe un endroit, entre le vrai monde et celui des rêves, un monde ignoré des hommes. Le froid y est inconnu, la lumière, les fleurs et le temps aussi qui s’y écoule différemment…
Mais ce monde est interdit aux humains
Dans Faerie, car c’est son nom, seul le petit peuple peut y vivre. Ainsi qu’ils se nomment Fées, farfadets, poulpiquets, gnomes ou leprechauns, ils sont tous à vivre une paisible existence entre le jeu la poésie, la douceur et la protection de la nature.

Pourtant cette vie si paisible semble menacée. Les hommes avides et rapaces, mercantiles et intéressés en fragilisent l’existence. Ces derniers ont arrachés les forêts, pourchassés les animaux et surtout cultivé le grand mensonge et la méchanceté. Heureusement dans ce monde terrifiant que celui des hommes existent encore des âmes inoffensives et généreuses.
Afin de les préserver ainsi que l’équilibre du monde, deux représentantes du peuple des fées, les plus farouches et les plus loyales ont été désignées et parcourent ce monde pour récompenser les justes et punir les méchants.
Elles se nomment Bouton d’Or et Lys Noir et elles sont toutes deux filles de Reines.

Aujourd’hui un peut être est-ce la nuit un hibou hulule et surveille l’entrée située entre les racines d’un immense arbre millénaire. Un conseil s’y tient.
Lys noir discrète s’est tapie dans l’ombre pour écouter. Bouton d’or est en pleine lumière. Answelna la grande reine est debout, fière et majestueuse.. Toutes trois écoutent attentivement la nymphe des eaux assise devant elles.

- Ainsi, Nénuphar argenté, tu as senti une grande douleur mais tu ne peux être plus précise.
- Nom ma Reine, à part le fait qu’elle provenait du cœur d’une petite fille et que cette dernière pleure bien souvent sur le lac où je réside avec mes sœurs. Vous savez, pas très loin des 7 cascades, celles des voiles de mariée…

Answelna acquiesce. Son regard sévère se porta sur sa fille et sa nièce. Elles comprirent et partirent immédiatement dans le monde des humains…

La masure tristounette d’où sortait la petite fille maigrelette vêtue de haillons avait du être jolie et pimpante, jadis. Mais il ne restait plus d’elle que murs rongés de lierre et parsemé de lézardes qui ressemblaient à des balafres. Les volets de bois se dégondaient et la cheminée ne fumait plus. Pourtant il y a encore quelques années elles chauffaient encore cette maison d’un feu réconfortant qui sentait le pin le bouleau et le pommier.

-    C’était l’époque où maman vivait encore songea la fillette qui faisait un effort terrible pour se souvenir de sa mère qui était partie alors qu’elle n’avait que 2 ans.
 Elle souffrait de ce manque de souvenirs et des traces de coups sur son petit corps.

Marion, c’était son prénom, était couverte de bleus et de cicatrices infligées soit par des branches, des coups de ceintures ou des gifles violentes. Bien des gens auraient pu s’inquiéter de l’état de la fillette, de sa mine falote et de son corps meurtri, mais elle vivait seule avec son père, n’était jamais allé à l’école et personne ne se doutait même son existence.
Elle longea le petit ru serpentin et s’agenouilla devant le lac dans lequel elle plongea le seau en bois cerclé de fer qu’elle tenait. Une petite pluie fine et glaciale la fit frissonner. Pourtant la lune tentait quelques percées entre les nuages et illuminait la scène.

Marion était très jolie bien qu’elle se trouvât fort laide. Ses grands yeux bleus, sa longue chevelure noire nouée en deux tresses, ses membres graciles, tout faisait de cette enfant une bien charmante petite fille. Mais Héla le malheur commençait à l’abîmer, à la ronger petit à petit.
Elle se regarda sur la surface de l’eau et pleura quelques larmes qui éclatèrent sur le grand lac comme un diamant brisé en mille éclats.
Elle frémit un instant. Là, sous la surface, il lui semblât discerner comme un regard fait de rubis qui l’observait puis disparut prestement. Elle pensa que ce n’était qu’un rêve ou peut être la folie la gagnait. Elle hocha la tête.

Nénuphar argenté est revenue bien vite, murmura Bouton d’Or. Lys noir à ses cotés ne bougea pas. Ne répondit pas. Elle comprenait ce qui se passait.

Des hurlements de colère jaillirent de la mansarde d’où était sortie Marion.
-    Maudite souillon, Fille de diablesse, et mon eau, faut-il que j’aille la puiser moi-même, petite incapable. Ah que n’ai-je eu des garçons vigoureux pour me faire vivre ? Tu auras du mourir toi aussi quand ta mère est morte. Un cochon m’aurait été plus utile qu’une fille, il m’aurait au moins engraissé.

Les deux petites fées observaient. Le père de Marion dont les traits reflétaient la méchanceté se déformaient sous ses cris. La fillette tétanisée d’effroi courrait comme elle pouvait vers lui mais fit tomber son seau qui dévala et se renversa. Le père qui se nommait Martial étouffa un juron releva sa fille par le bras et la poussa vivement dans la cabane.
-    - Crois moi ma fille je vais t’apprendre à ne pas faire tomber l’eau… Tout en parlant il ôtait sa ceinture de cuir terminé par une boucle de fer
On entendit des coups et des cris pendant quelques minutes puis plus rien à part des gémissements.

Que faisons nous demanda Bouton d’or en se tournant vers sa cousine dont le regard n’était plus que colère.

-La « ronde des fées », il mérite la « ronde ». La fillette n’a connu que souffrances et peurs. Il mérite la » ronde ». Et Agis pour le bien de l’enfant. Lys noir leva les bras et des oiseaux, des corbeaux s’envolèrent en hurlant dans le vent.
- J’appelle nos sœurs.

Le père avait rebouclé sa ceinture. Il transpirait et avait besoin de prendre l’air. Quelle ne fut pas sa surprise quand en ouvrant la porte il découvrit dans une lumière douce et chaleureuse un groupe de jolie jeunes filles qui lui tendaient la main pour l’inviter à danser. D’autres en retrait jouait de la flûte ou de la harpe. La musique était étrange, lancinante, pesante et gaie à la fois, elle empêchait surtout de réfléchir bien comme il faut en l’entendant.
Martial en voyant le corps souple des jeunes filles et leur main d’albâtre n’hésita pas une seconde et entra dans la danse. Il saisit les menottes tendues et commença une gigue endiablée qui le fit rire comme il n’avait pas ri depuis longtemps. Son grand corps svelte et robuste – il n’avait que quarante ans- lui fit supporter plusieurs danses mais il commença à se fatiguer aussi voulut-il lâcher la main des deux jeunes femmes qui l’encadraient. Après tout pensa t-il, il y avait peut être d’autres jeux auxquelles les jolies ribaudes s’adonneraient.
Elles ne le lâchèrent que pour l’entourer et le repousser chaque fois qu’il tentait de sortir de ce cercle que les danseuses venaient de former. Il eut peur en voyant leur regard qui changeait et reflétait des lueurs de cruauté à son égard. Martial se sentit aussi de plus en plus las. Des courbatures dans ses membres le surprirent. Il n’en avait jamais eu en dansant. Soudain, soudain il se sentit épuisé et tomba à genoux au milieu de la ronde des danseuses. Il fut saisi d’effroi en voyant les rides sur ses mains et sur ses bras. Il n’en avait pas encore au lever du jour… Sa vue sembla se brouiller et en portant sa main décharnée comme celle d’un vieillard à son front il réalisa que ses cheveux si bruns étaient tout blancs et tombaient par touffes autour de lui.
 Il vieillissait à vue d’œil !
. Il vieillissait et il souffrait dans ce corps qu’il ne maîtrisait plus. Alors le cercle s’ouvrit et les filles disparurent tel un rêve, mais là devant lui, Lys noir se tenait et lui parlait.

    Martial, pour le mal que tu as fait Nous t’avons puni. Plus jamais tu ne feras souffrir personne. Ton corps est trop faible pour courir,  même pour te tenir debout plus d’une heure… Te voilà âgé de 90 années. Nous t’en avons laissé quelques unes, car il faut que tu réfléchisses à ta méchanceté. Tu auras le loisir de te souvenir et de pleurer en implorant une mort qui ne viendra pas tout de suite.
Lys noir disparut et Martial réalisa en un instant le châtiment qu’il subissait, impitoyable sans recours, sans pitié comme il l’avait été envers sa femme et sa fille… Ainsi sénile et tremblotant il ne pouvait plus faire de mal à quiconque.

Marion se réveilla près du grand lac. Des jeunes filles l’observaient. Certaines dans l’eau, d’autres, avec des ailes, près d’elle. Elle eut l’impression de se sentir en pleine forme. Les fées l’avaient soigné et ôté les vilaines cicatrices qui couvraient son petit corps. Elle était resplendissante. Bouton d’or alors, lui murmura quelques mots.
Petite fille, écoute ce que je vais te dire. Plus jamais tu n’auras à souffrir. D’ici trois jours tu rencontreras une famille modeste qui prendra soin de toi et te chérira. Tu deviendras très belle et très sage. Vers tes 18 printemps tu rencontreras un poète que tu aimeras et qui t’aimera toute ta vie. Longtemps tu vivras, heureuse et entourée et lorsque la mort voudra venir trois lumières tu verras devant toi. Ce sont mes sœurs les Fées qui viendront te chercher car tu deviendras l’une d’entre elles à tout jamais. Et tu retrouveras ta beauté et ta jeunesse enfuie.
Marion n’avait soufflé mots et de grosses larmes coulaient de ses yeux si bleus. Bientôt le soleil se levait. Elle n’avait pas tout compris.

 Lys noir et bouton d’or disparaissait et là dans la clairière et près du lac, à 50 mètres l’un de l’autre pleuraient deux êtres : l’un de rage d’amertume et de colère et l’autre de joie et de reconnaissance.

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