Les larmes des anges
Yoann Valour
Le lieu ou se tiendra notre histoire, notre vie, se situe quelque part, ici, puis là-bas, entre ciel et terre. Ce que nous faisons de notre vie, ici bas, et ce qu'ils font de la leur la haut, chacun sa propre existence, mais jamais un contact ni même de visions. Les anges nous apparaissent qu'à travers un amour fort et indestructible. Mais les vrais, ceux qui vivent si loin de nous mais qui nous tiennent soi disant la main lorsque la vie a décidé de lâcher son dernier souffle, sont cachés par les nuages si sombres de notre triste paysage urbain. Si sombre que l'on en aperçoit plus les étoiles ni les anges.
Mais c'est alors qu'un beau jour, Sharon, femme de vingt cinq ans, belle et diplômé d'une maîtrise en langues étrangères, lassée de sa petite vie monotone se lança le défi d'approcher un ange. Bien que tout le monde sache que voir un de ces êtres immortel était impossible, et que personne ne pouvait affirmer s'ils étaient comme nous, elle s'était fixé comme but de jouer avec la mort. A toujours vouloir s'évader se son quotidien elle ne savait plus vraiment ce qu'était la réalité, d'après elle, les anges ne serait pas simplement ici que pour accompagner les morts dans le dernier couloir. En effet elle pense que l'amour pourrait réunir deux être si différent mais proche à la fois, mais il faudrait que l'ange perde son immortalité afin de devenir humain, un choix bien difficile au regard du monde cruelle dans lequel Sharon habite aujourd'hui.
Ce que les hommes ne savaient pas, c'est que les anges avaient un don de voyance développée et que ce genre d'acte était fréquent, alors ils redoublaient leurs efforts pour ne pas se montrer. Sharon, femme sans histoire, simplement à la recherche de soi-même, mélancolique décida alors de tout mettre en œuvre afin de rencontrer ne serait ce qu'une fraction de seconde son ange, pour croire en la vie et rendre la mort moins douloureuse à ses yeux.
Rentrer chez elle de bonne heure aujourd'hui, elle se fit couler un bain. La salle d'eau était d'un grand standing, avec des miroirs entreposés aux quatre coins de la pièce. Des colonnes de marbres supportaient le poids de la baignoire installée en hauteur par rapport au reste des meubles présents dans la pièce. Une chaleur moite se dégageait de la salle, mais Sharon adorait cette sensation de chaleur intense, elle se laissait partir à chaque fois. Une fois dans l'eau, une porte claqua soudainement, mais c'était l'un de ses appartements immenses, très froid d'ambiance, où il y avait des fenêtres partout, du moins deux par pièces, les courants d'air étaient fréquents en plein été. Elle n'y prêta pas plus attention, et elle se laissa alors envoler par ses rêves.
Le pays des songes comme elle l'appelle, transporté par cette sensation de liberté et d'univers sans fin, elle s'imaginait pouvoir voler et dépasser les limites imposées par la société actuelle trop mornes et triste à mourir. Pour elle c'était comme renaître des cendres accumulées durant la journée. Le rêve le plus fréquent qu'elle faisait était celui d'un monde onirique fait de couleurs éclatantes et bercé par les anges. Mais voilà les rêves sont faits pour rester des rêves et Sharon était tristement obligé de revenir à son corps.
Une fois revenue à la vraie vie, et délassée, elle se prépara pour aller se coucher. Mais au moment où elle se mit dans son lit, un frisson envahit son corps tout entier, un de ces frissons que l'on ne peut expliquer, pas par froid mais sans raison. Il est fréquent pour tout être humain de ressentir cette sensation étrange ou un frissonnement remplit notre corps alors que rien ne laisse entendre une ambiance froide et humide. Elle s'endormit malgré tout, elle frissonna une grande partie de la nuit.
Le lendemain, elle se leva très tôt, et débuta ses recherches à la bibliothèque municipale, en quête d'un éventuel ouvrage portant sur les anges et leur façon de se fondre dans le monde. La bibliothèque de la ville était un ancien bâtiment datant déjà d'un bon siècle, il était merveilleusement sculpté, et l'entrée était précédée de deux gigantesques statues. La porte était ornée elle aussi de symbole et dessins en tous genres portant sur les cultures mondiales. L'intérieur paraissait immense, et une ambiance sacrée y régnait, quelques brefs chuchotements venaient perturber un silence quasi-religieux. Des colonnes étaient disposées en cercle, soutenant le bâtiment, puis le plafond n'était en fait qu'un immense dôme en verre qui laissait paraître quelques rayons de soleil. Il faut dire aussi que dans cette ville, les nuages étaient toujours présents, et il ne se passait pas un jour sans que le soleil ne soit caché. Certaines personnes un peu folles racontaient que Dieu, déçu de ce que son fils avait fait de sa Terre, voulait cacher son paradis. Ce paradis serait celui d'une parcelle de terre naviguant dans le ciel, encore préserver de la décadence de la planète ou les anges vivrait leur vie en regardant tristement le sort de chacun des êtres peuplant la planète Bleue.
Sharon n'était pas croyante, alors peu lui importait cette version des faits, et ce qu'elle voulait elle, c'était connaître le véritable visage des anges. Elle entra alors dans cette demeure silencieusement, et s'installa sur un ordinateur afin de consulter les registres informatiques. Après une bonne heure de recherche elle tomba enfin sur un livre intitulé :
«La Vie des Anges »
L'auteur était méconnu, mais le contenu l'intéressait au plus haut point. Elle se rendit dans l'étalage concerné, y emprunta le livre et pris congé. Sortant de ce lieu, Sharon se rendit dans un petit fast-food à proximité d'un parc.
Tout en grignotant son casse croûte, elle s'installa dans l'herbe, les pieds nus. Sharon était une femme proche de la nature, romantique et rêveuse, il suffisait que le vent souffle contre sa peau, que la pluie vienne lui caresser le visage pour qu'un sourire de bien être apparaisse. Pour elle, sentir la chaleur du soleil sur sa peau était un don qu'elle possédait, et que personne d'autre qu'un ange ne pouvait connaître. Elle se mit à lire, d'abord avec ennui, puis au fil de la lecture avec un certain engouement. Il était dit que les anges n'apparaissaient jamais en présence d'humain, trop terre à terre. D'après l'écrivain, la difficulté majeure pour rencontrer un ange était de jouer trop souvent avec la mort. Il avait lui-même frôlé la mort à plusieurs reprises et il expliquait qu'à chaque fois, son ange était venu à ses côtés, au cas ou le moment serait venu pour lui de partir. Mais à chaque fois, il expliquait que une ambiance bon enfant accompagnait ces immortels à chaque fois, ainsi qu'une chaleur intense.
Il explique aussi que les anges ne seraient pas si différents de nous, qu'ils seraient capables d'aimer mais que leur sensibilité était accrue. Malgré tout cela, ils ne voulaient êtres vus, et personne à part les mourants, ne peut les voir. Cette lecture emplit Sharon de deux sentiments contradictoires, la joie et la tristesse. La joie d'avoir un espoir, mais la tristesse de ne jamais connaître La vie des anges.
Apres quoi, elle rentra se coucher, et au petit matin, ce fut un réveil difficile, le moral était au plus bas, malgré une nuit calme, elle éprouvait un sentiment de fatigue physique et mentale. Malgré cela elle se leva, mais ne mangea pas. Elle prit son bain comme à l'accoutumer, mais il dura deux bonnes heures, ensuite, l'apaisement l'envahit.
Cependant, elle repartit à la recherche de nouvelles informations, glanant celle-ci à travers les diverses presses à sensations. Dans l'un des magasine qu'elle avait acheté, un hors série appelé « Ailleurs », entièrement consacrée à ceux qui affirmaient avoir vu un ange. Des témoignages parsemaient les pages du magazine avec les noms des personnes concernées par les évènements. Et justement, elle vit un nom ou l'adresse correspondait avec son lieu de vie :
Mme Fergusson
Une femme d'origine anglaise, veuve, aux alentours de la soixantaine. Sharon obtint un rendez-vous avec elle. Une fois le trajet effectué, elle sonna à la porte d'un vieux bâtiment en pierre, rongé par le temps. Une petite dame ouvra la porte, elle eu d'abord un regard de méfiance, jusqu'à ce que Sharon se présente. Elle entra dans sa demeure, et elle s'assit sur un fauteuil poussiéreux, autour d'une table pas moins propre. Mal à l'aise, Sharon ne tourna pas autour du pot longtemps. Une longue histoire débuta alors, son mari, souffrant d'une grave maladie, plus précisément un cancer, avait déliré une nuit entière à parlé d'une femme se tenant à ses côtés, un regard triste et joyeux en même temps. Le lendemain, il s'était réveillé avec un sourire béat, et insouciant. C'est alors qu'il confessa à sa femme que cette femme était un ange venu le chercher. La nuit suivante, l'ange apparu aux yeux du couple, comme pour rendre la mort plus douce.
Avec un moral déjà bien atteint, Sharon plongea dans une perplexité profonde. Arrivant chez elle, en pleur, sans véritable raison, comme un mal être, de ne pas avoir sa place ici en ce bas monde. Des frissons emplissaient son corps de nouveau. Un bain serait la bienvenue, et après avoir longuement écouté l'eau coulée, tel un appel vers un autre monde. Elle se mit entièrement sous l'eau, une minute était passé déjà, et elle ne remontait toujours pas, ses yeux étaient ouverts, mais n'exprimaient aucune souffrance, quand soudain, un homme apparu au-dessus de sa baignoire, un regard profond et une beauté incroyable, consciente, Sharon comprit que c'était enfin son ange, venu pour la chercher. Mais à ce moment précis, une chose étrange se passa, l'ange la prit dans ses bras, et la sortie de l'eau. Les frissons c'était amplifiés, une lumière intense pénétrait la pièce et elle sentit un sentiment de tristesse et de joie en même temps. Elle le regarda et lui demanda :
«D'où venez vous ? »
L'ange répondit d'une voix triste et joyeuse en même temps :
« Je ne suis que celui que tu sentais à travers tes frissons, celui qui claquait les portes, celui qui t'a conduit jusqu'à cette dame, et surtout celui qui, en te suivant au jour le jour, t'aime au plus profond de son être.. »
Une peur envahit Sharon, et le fait d'être mortelle la rendit infiniment fragile, mais elle aussi avait craqué pour cet homme mystérieux, son idéal. Elle le prit dans ses bras, et comme chaque toucher, chaque caresse rendaient les anges si heureux, elle sentit un bonheur immense pénétrer son corps.
Un amour était né à travers l'approche de la mort, comme pour dire que la mort n'était peut être pas une fin en soit mais peut être un commencement.
L'ange regarda Sharon, et lui expliqua sa vie, La Vie des Anges. Ils vivaient derrière les nuages, sur une petite terre. Et que la cruauté de l'homme, visible au travers de ce qu'il fait de la vie sur Terre devenait de plus en plus triste à leurs yeux. C'est pour cela que les anges ne se montrent plus. Mais il lui expliqua qu'ils avaient la possibilité de se rendre invisible aux yeux de l'humanité afin de pouvoir influencer certains choix. Mais c'est alors que Sharon le coupa dans son élan, et lui demanda :
« Comment serait possible un amour entre une femme mortelle et un anges immortel, j'ai toujours entendu dire que l'ange devrait perdre son immortalité, mais est ce que je vaudrait vraiment la peine que tu perde ce don pour moi ? Crois tu que l'amour que je pourrai te donner sera-t-il suffisant pour combler les beautés que tu as connues auparavant ? >>
Il l'a contempla longuement et lui dit en souriant :
« Toute ta vie tu as cherché à prouver que les anges existaient et moi, je n'ai pas eu le cœur à te faire ressentir que toi tu faisais parti de ces anges. Tu es avec moi ici, en haut car tu es morte, tous les gens que tu as croisés durant toutes ces années, sont aussi des anges, mais qui ne le savent pas.
Chaque être humain qui vient au monde meurt un jour, mais la vie continue d'une manière différente pour ceux qui ont œuvré toute leur existence à combattre la tristesse de notre monde. Le jour où tu as pris la décision de découvrir la Vie des Anges, il s'est passé quelque chose dans la nuit, tu as été assassinée. Une personne est entrée chez toi pour te cambrioler, mais tu as été réveillé par le bruit qu'elle laissait derrière elle. Tu t'es levé d'un bond, mais l'auteur de ce cambriolage allait bientôt se transformer en meurtrier, il pointa son arme vers toi et tira froidement en plein cœur. Tous les souvenirs de notre propre mort son effacés, et la vie que tu mènes depuis est celle de ton nouveau corps remplit de sensation étrange.
Toute cette ville autour de toi n'est que notre monde à nous, Les Anges. Maintenant que tu as trouvé ta place dans ce monde, un amour éternel te tend les bras...>>
<>
Une sensation de dégoût envahit soudain Sharon, elle sentait monter en elle une immense colère, du plus profond de son être elle tremblait de tous ses membres quand soudain elle ferma les yeux. Un silence oppressant, de mort pourrait on dire, entourait son esprit si bien que la vie suspendu son vol pendant de longue seconde. Plus rien ne bougeait, comme figé dans la pierre. Elle se tenait là dans un lieu totalement inconnu, gris et triste, seul, face à elle-même. Soudain un bruit retentit, puis un autre, puis encore un autre, la pluie commençait de tomber, de par sa colère et sa tristesse Sharon avait le pouvoir de faire tomber la pluie sur Terre, les Larmes des Anges comme on les appelles, tombent lorsque les sensations sont insoutenable pour eux.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle était définitivement seule, son ange avait disparu ne laissant derrière lui qu'une nuée de colombe s'envolant dans le crépuscule, un volet claquait quelque part dans l'appartement, et un violent courant d'air traversait les pièces. Elle sortit soudain de l'eau comme si elle n'y était restée que quelques secondes, paniqués par tout ce qu'elle venait de vivre, elle sauta de son bain et coura dans tout l'appartement pour voir ou était passé son ange, mais non, plus personne seules ses images ancrées dans sa tête.
Elle tomba à genoux la tête entre ses mains, et elle vit écrite aux creux de sa main :
<< L'amour te tendait les bras et tu as choisi la mort, ta colère et ta tristesse on eu raison de l'amour, ta vie sera donc ton éternel mort et tu pourra alors contempler du haut de ton triste statut la décrépitude humaine au fil des siècles sans jamais trouvés la paix>>
La vie de Sharon sera longue, mais le chemin de la rédemption sera pour elle un véritable chemin de croix…