La ville au 100 clochers

bemol

Assis dans l'herbe, près du Chat qui veille, le chat de Guillaume le Conquérant, je veille, aussi.

Je compte... Je compte les passants, qui marchent le regard en coin sur les passantes, qui marchent le regard en coin sur les vitrines, qui donnent dans chaque coin des envies, des besoins.

Je compte aussi les voitures qui passent, les rouges Lucifer, les bleues nuit, les jaunes pâles, les vertes et grises, les trains au loin et les bus, les vides, les pleins, les à moitié vides, les à moitié pleins, c'est selon l'humeur, de ceux qui les prennent.

Je compte, également, les fleurs qui se trémoussent sous le vent, sous les rayons du soleil, celles qui attirent les abeilles ou les passantes, c'est selon, leur nature profonde.

Et puis voilà l'heure que le soleil donne à la porte de midi... Je compte les coups, il y en a tant, tant que j'ai cessé de compter... Il faut être pressé pour frapper autant de fois, il faut être patient aussi... Moi, je ne frappe pas plus de trois fois... Combien sont-ils pour frapper de la sorte ? Alors j'ai entrouvert les portes de la ville... Ils ne sont que cinq, les cinq clochers de la ville... Où sont les autres ? A l'ombre de leur chœur… Ils attendent, au frais, que le soleil fasse son heure.

C'est vrai qu'ils ne se déplacent plus tous les cents... Ça fait parti à présent du passé, où les cents frappaient à toutes les portes pour avertir que l'ennemi allait fuir sous l'orage qui se préparait.

Je me suis levé... J'ai pris la Voie Triomphale... Et je suis allé les visiter, à mon tour, un à un... Mais il n'y en a plus autant, les uns sont là, et les autres aussi, mais dans le passé. Les cent ne se déplacent que dans les mémoires… Ce n'est pas une légende… La mémoire n'est pas une légende. Mais l'ennemi, lui, a bien été chassé par des héros.

J'ai marché ensuite sur mes pas, toujours par la Voie Triomphale... Je suis retourné m'assoir dans les prés, près du Chat qui Veille, le chat de Guillaume le Conquérant... Et j'ai compté, ceux qui sont tombés pendant l'orage... Et je compte encore... les remercier.


bémol

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