La voleuse
hieros
On lui avait volé trois chèques. Dans son carnet, directement. Elle ne s'en serait pas aperçu sans ce débit de 400 euros sur son compte : elle n'avait jamais réglé une telle somme dans un supermarché. En vérifiant, le numéro du chèque, comme les deux suivants, ne portait aucune mention sur le talon. Elle n'oubliait jamais d'inscrire le montant et l'objet de ses dépenses. On lui avait donc, discrètement, « confisqué » trois chèques. Six mois étaient passés sans que le voleur ne se manifeste. Jusqu'à ces courses de Noël. Porter plainte ? Elle préféra attendre qu'un autre chèque soit émis.
Ce ne fut pas long. Dix jours plus tard, un nouveau débit de 350 euros apparut sur son compte. Il fallait porter plainte. Ce qu'elle fit. Elle fut reçue par un inspecteur aux sourcils broussailleux qui sembla juger son affaire enfantine. Son fils, sa fille ou quelqu'un de son entourage n'avait-il pas des problèmes financiers ? Non, ce n'était pas le cas. Ses enfants, comme le reste de sa famille, vivaient très bien, assis sur un patrimoine immobilier dont seul l'aïeul qui l'avait constitué avait sans doute mesuré l'étendue. L'inspecteur était rassurant, elle n'avait pas à s'inquiéter, elle aurait rapidement des nouvelles. Deux jours plus tard, elle reçut un appel de son beau-frère : sa sœur s'était suicidée dans la nuit. Pendue.
Bouleversée, elle répondit machinalement au coup de téléphone suivant. C'était l'inspecteur. Il tenait à l'informer qu'il avait identifié son voleur. Sa voleuse, plutôt. Tellement imprudente qu'elle avait même utilisé sa propre carte de fidélité dans le supermarché où elle avait réglé ses courses avec un chèque volé. Il était désolé de lui apprendre mais cette voleuse, c'était sa sœur. Sa mise en examen lui avait été signifiée la veille. "Allo, madame ? Allo, un problème ?" : elle venait de faire une crise cardiaque.