l'aber en pleur

Jean François Joubert

Rouge



Un petit port tranquille et ses bateaux qui se rangent au grès des courants, des lunes et des soleils qui s'aiment, s'attirent et se délaissent. Les voiles sont bleues, vertes, mauves ou rangées. La mer, elle, est silencieuse si le vent ne se fait point remarquer.


J'aime l'abri du petit coude, né de la rivière qui se jette à la mer, et le charme suranné de corps morts éparpillés. Ce sont de bien curieuses bouées qui ne retiennent pas les marées, mais les navires qui si amarrent . La nature nous promène dans son spectacle permanent, ses bruits, ses sources, et les délices de ses couleurs.


Les nuages turbulents se baignent dans le ciel, éclaboussant le bleu de gris arrosés. Étrange impression de ce lieu aérien où il pleut des idées de rentrer auprès d'une cheminée, se chauffer le regard face aux flammes rouges cendrées, qui projettent leurs chaleurs.


Les dos des bateaux agitent leurs mats au grès des mouvements des flots, la musique des drisses et des chants d'oiseaux, enchantent ma pensée. Je rigole et je m'affole de cette illusion de paix, de ce lieu miroir où la guerre s'est effacé.


Des souvenirs de peines, qui ont existé bien avant que je sois né. Curieuse idée que de penser aux bombes qui, sans secret,  déchiraient le ciel, crevaient les nuages, laissant couler la colère rouge du pas de veines, transformant les rues en artère de sang ou en arc en ciel de douleur.  

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