L'accident de parcours 1/4
Olivier Bay
Bradley finissait sa longue journée de travail au sein du cabinet d'avocats Moore & Associés. Son père était l'un des fondateurs historiques et en tant que son fils, il avait pu être intégré au sein de cette institution et atteindre le haut de la pyramide, en travaillant de manière forcenée, mais aussi grâce à des manœuvres népotistes de son paternel.
Il se tenait devant l'ascenseur et attendait en regardant régulièrement sa montre.
— Elle est encore en retard, s'agaça-t-il.
Au bout de quelques minutes, une jeune femme, grande et brune, fit son apparition au bout du couloir. En voyant l'homme attendre, elle accéléra le pas afin d'arriver à son niveau.
— Excuse-moi Brad, fit-elle essoufflée.
L'homme ne fit pas attention :
— T'es en retard, Carrie ! Tu sais pourtant que lorsque je t'envoie un message, tu dois disposer.
— J'ai été retenue par un dossier de ton père.
— Ben voyons ! Il va falloir que tu choisisses un jour, qui tu vas monter pour grimper les échelons, répondit sèchement Bradley.
Carrie se figea le souffle coupé. Elle n'arrivait pas encore à encaisser les remarques glaçantes du jeune Moore. C'était le prix à payer pour espérer atteindre une bonne situation dans ce monde de requins.
Pendant ce temps, l'homme appela l'ascenseur en levant la main, de la même manière qu'il l'aurait fait pour héler un taxi. Un capteur enregistra son mouvement en vue d'un traitement des plus rapides. Au bout de quelques secondes, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Les deux personnes y pénètrent.
— Parking moins un ! signala Bradley.
Les étages furent dévalés à toute vitesse. L'ascenseur avait pour mission de répondre au mieux aux exigences des locataires de l'immeuble, en préservant le confort de ses passagers.
Une fois sorti du parking, l'homme appela son véhicule au moyen d'un signe de main.
Une berline autonome garée en bout de parking se mit en mouvement de manière silencieuse, grâce à un moteur au thorium. Ce modèle de la marque Master-Cars était très prisée des personnes fortunées cherchant à se faire remarquer en société. Ce constructeur automobile avait réussi à trouver les ingrédients qui faisaient mouche auprès de ses clients ; une conception mêlant une ligne très aguicheuse et un confort irréprochable, pour les travailleurs invétérés. Le bijou roulant s'arrêta net devant son propriétaire. L'Intelligence Artificielle ouvrit sans délai, une des portes arrière, permettant aux passagers de pénétrer dans un espace luxueux munis de deux banquettes et d'un espace multimédia. L'avant du véhicule était équipé d'un siège pivotant à 360°, permettant à un conducteur de profiter de la compagnie des passagers à l'arrière (ce qui était actuellement le cas) ou bien de passer en conduite manuelle. Dans cette configuration, l'Intelligence Artificielle cède le contrôle au conducteur humain, en libérant le volant rétractable de la console centrale, laissant celui-ci prendre ainsi les commandes du véhicule. Ce cas de figure ne se produit plus en zone urbaine en raison de la modernisation de l'espace public, qui est désormais agrémenté de capteurs et de caméras, permettant le dialogue entre les différentes IA, automatisant et fluidifiant ainsi le trafic. La majorité des voitures autonomes sont gérés par les logiciels d'intelligence artificielle de So-Robotic, éditeur leader sur ce marché.
Une fois les deux personnes à bord, les vitres devinrent opaques et l'homme choisit cet instant pour se jeter sur la femme.
— Pas dans la voiture ! fit Carrie en le repoussant.
— T'avais qu'à être à l'heure !
L'homme refit une tentative à nouveau repoussée par la jeune fille.
— Non ! C'est non ! s'indigna-t-elle.
— Quelle chieuse !
L'homme interpella l'IA au moyen de capteurs de reconnaissance vocale disséminés dans véhicule :
— Cinqué ! Trouve-moi l'hôtel le plus proche !
L'IA hésita :
— Monsieur, ne veut pas aller à son adresse habituelle ? demande-t-elle au moyen d'une voix masculine posée.
— Ben non ! À cause de Madame ! fit Bradley agacé.
— Votre femme, Monsieur ?
L'homme leva les yeux au plafond :
— Tu parles d'une Intelligence Artificielle ? T'es pas très perspicace.
— Veuillez me pardonner. Vous devez être plus précis dans vos demandes, se défendit Cinqué.
L'homme commençait déjà à être agacé, mais prit une longue inspiration pour essayer de se calmer :
— Je parlais de la femme à côté de moi. Ça te va, mon cher ?
— Bien Monsieur ! Pourrais-je connaître vos critères de recherches d'hôtels ?
— Les mêmes qu'habituellement, mais juste plus proche, insista-t-il sur la fin de la phrase.
Au bout de quelques secondes, l'IA donna ses résultats.
— Parfait ! Je prends la première proposition. Allez, on y a !
Le véhicule ne bougea pas.
— Dois-je vous prendre une chambre avec lit double ou lit simple ?
— Tu te fous de moi, connard !
— Vos propos injurieux sont inappropriés.
— Ta gueule !
Cinqué se tut.
Bradley s'agitait et cherchait un objet à balancer sur la figure imaginaire de cette boîte de conserve. Mais l'habitacle était des plus aseptisés.
— Je vais te renvoyer chez ces escrocs de Master-Cars. Ils savent faire des pubs efficaces mais pas des voitures qui se débrouillent tout seules.
— Monsieur ! Votre tension est en train de monter. Vous devriez vous détendre, intervint l'IA.
— Je me calmerai quand tu auras démarré.
— Monsieur. Vous n'avez pas répon…
— Lit double. Maintenant on y va ! coupa le propriétaire du véhicule.
Le véhicule autonome démarra et sortit tranquillement du parking, au grand désespoir de l'impatience de Bradley.
— T'as pas intérêt à m'en faire une autre, sinon j'te défonce !
La jeune femme était restée là à observer, un sourire en coin.
Se retrouver au centre d'un conflit entre un homme et une machine, était une situation des plus comiques.
Crédit Photo : Pexels / CC0 1.0
Moi je l'aime bien cette Kitt, je file lire le deuxième !
· Il y a plus de 8 ans ·ade