Laisse ta soeur
aile68
"Laisse ta soeur tranquille" me disait ma mère, il y a tant à faire, même un petit quelque chose de futile, ma sister aimait Higelin à l'époque, il y a longtemps, seulement quelques chansons, notre petit frère suivait de ses quatre pattes astiquant le parquet de la salle à manger, gai, heureux, insouciant, on a même une photo de cela. Partager un goûter, un chocolat, disputer une partie de foot, de tennis, aller chez la voisine pour récupérer la balle en mousse, c'était le printemps, les bourgeons s'étaient ouverts depuis belle lurette, les narcisses blancs tapissaient les collines, on en faisait un beau bouquet, ravissant comme l'eau de la rivière entre les pierres. Nous nous sommes toujours aimés avec les frères et soeurs, et Maman et Papa qui formaient un monde protecteur autour de nous, chaud, douillet.
Pour une trousse verte, une dispute dont j'ignore maintenant la cause, on pouvait être dur comme les pierres sur les chemins de promenades, je ne sais plus comment on se réconciliait avec ma soeur, ça passait c'est tout, comme je l'ai dit, on s'aimait. L'autre j'ai vu deux frangines aller au supermarché avec le caddie de leur maman, ça m'a rappelé moi, ma soeur et mon petit frère que je tenais par la main. Nous allions chercher le pain tous les après-midis avec notre panier en osier, une force tranquille nous portait doucement, c'était l'été, c'était du bonheur. Je m'en souviens comme hier, on pourrait le refaire volontiers aujourd'hui sauf que mon frère marcherait, grand, élancé, beau comme un jeune premier. Il a eu cinquante ans, il a eu des enfant, il y a de la beauté dans cette famille nous a dit un jour une cousine. Oui, c'est ça, la beauté de l'amour surtout, celle qui me fait écrire ce matin. C'est comme s'il y avait des croissants à volonté, la mousse qui déborde du bain, Charlélie Couture qui chante "Comme un avion sans ailes" à la radio. C'est beau, poétique comme les jours qui passent dans le parfum de la colline où nous jouions petits.