L'alchimie des sentiments_Partie 1 chapitre 1
plume-scientifique
PARTIE 1
CHAPITRE 1
Le soleil venait à peine de se lever que je quittais furtivement mes appartements, situés dans la tour nord ouest du donjon, un panier à la main. J’hésitais une fois dans les appartements de parades. Je pouvais aller voir ma sœur ou gagner un peu de temps sur ma récolte. Finalement, je choisis la récolte et quittais la salle. J’abandonnais le couloir désert pour l’air frais du matin. L’extérieur, voilà ce qui me plaisait ! La nature, la pluie, le soleil, tout ! Mes pas me guidèrent dans les jardins où se recueillais la rosée du matin avant qu’elle ne s’évapore.
Le temps passa à une vitesse folle et les jardiniers se mirent au travail. Je me dépêchais d’aller aux rosiers afin de couper les plus odorantes et de recueillir le miel des abeilles. Ces deux éléments en plus de la rosée étaient les ingrédients d’un bon collyre. Je m’attaquais ensuite à Heuchera sanguinea dont les fleurs savaient attirer mon seigneur. Nigella sativa m’appela alors. Cette fleur bleue produisait le cumin noir qui à forte dose était un poison redoutable. Une belle apparence pour un secret noir comme la mort mais aussi des vertus médicinales. Ah ! La centaurée des montagnes, ces petites fleurs pouvaient filer des coliques à n’importe qui, notamment à un prétendant trop insistant... Quand on parlait du loup. Je me cachais sous un arbuste et attendit que ce maudit fleuriste en chef passe. Il me dérangeait toujours durant ma cueillette. Mon ennemi disparu, je continuais ma récolte. Les iris, ingrédient essentiels pour poudrer les cheveux et sentir la violette! Une coquetterie pour les dames du siècle passé. Je partis ensuite en direction de la serre chercher les vilaines limaces qui s’y étaient invitées et des eaux où les annelles pullulaient. Puis je passais par le potager dérober quelques agrumes et de la citronnelle. La forêt recelait aussi des champignons dignes de mon intérêt. Mon panier plein je retournais dans ma chambre y cacher mon précieux butin avant qu’on ne m’appelle pour le petit déjeuner... Mes trésors à l’abri je me changeais. J’abandonnais mon pantalon et ma tunique pour une longue robe rouge en soie dont les manches laissaient jaillir de la dentelle blanche. La sous robe était blanche et la sur robe rouge et or. Sur mon buste les croisillons dorés soulignaient ma finesse alors que le flot de passion serti d’œil d’or tombait sur les cotés. Mes cheveux roux déjà relevé à la va vite ne furent pas difficile à arranger. Je regardais les produits de ma coiffeuse…Au purgatoire les hommes ! Je ne me cacherais pas derrière un écran de poudre ! Mes yeux jaunes ne pouvaient être embellis par un quelconque artifice. Par jaune, j’attendais qu’ils étaient composés d’un dégradé de vert allant jusqu’au jaune. Une couleur singulière qui ajoutée à mes cheveux et mon caractère me mettaient à l’écart. Je mis un parfum de ma composition fait d’agrumes et de cannelle avant que l’on frappe à ma porte. C’était l’heure du déjeuner… Je pris mes jupes et partit accomplir ce qu’on attendait de moi.
Si semblables et pourtant, tellement différentes.
Ma main se resserra autour des lames du ciseau. Par la fenêtre de la chambre, je pouvais voir Lucretia traverser le jardin, son panier à la main. Sa chevelure s’accordait parfaitement avec le soleil levant. Elle se balada dans les jardins jusqu’à ce que le maitre jardinier vienne lui courir après. Elle était comme ça ma sœur : belle, extravertie, sociale, rien ne lui faisait peur, rien ne l’arrêtait, tout le monde aimait à l’écouter, lui faire la conversation, la séduire. Notre père étant alchimiste, nous avions tous baignés dans cet art ; Lucretia occupait la partie botanique. Heureusement car les plantes m’indifféraient. Moi j’étais, comme me narguait si délicieusement ma sœur, le « rat de bibliothèque ». Les études étaient mon pain, mon eau, mon sommeil. Physique, Chimie, Arithmétique, Géométrie, Littérature, Philosophie, Langues… Peu à peu, j’étais devenue celle en charge de l’instruction, celle qui devait apprendre. Si quelqu’un souhaitait connaître quelque chose, il le pouvait, mais moi, je ne choisissais pas, je devais tout connaître. Au fond, cela ne me dérangeais pas, j’aimais apprendre. Sauf la botanique, la géographie, les être vivants.
Contrairement à Lucretia, je n’étais pas à l’aise dans la société et me sentais bien plus en sécurité dans mes salles de lecture ou dans mes promenades solitaires. Pourtant, je rêvais souvent des voyages de notre père à Paris, de ses rencontres avec la Cour et le roi, les salons littéraires de madame de Pompadour. Comme je voudrais y aller ! Entendre parler monsieur Voltaire, Diderot ou Beaumarchais ! Converser sur leurs écrits, leurs pensées, leur philosophie. Comme j’aimerai être comme ces femmes instruites même si, je le sais bien, ma timidité me ferait me cacher dans l’ombre.
Comme j’enviais ma sœur… Et comme elle devait haïr ma présence.
Le bruit de gouttes sur le sol me ramena à la réalité. J’allais à ma coiffeuse pour nettoyer mes coupures accidentelles. Regardant le miroir, il me semblait que c’était ma sœur qui me regardait.
Ce matin, en allant vers la salle à manger, il arriva une scène que je connus mille fois : un jeune homme que je ne connaissais pas m’apostropha dans le couloir, « Mademoiselle Lucretia ! Me fit-il avec un sourire débordant de séduction, je vous cherchais justement.
-Pardonnez-moi, Monsieur, mais je suis sa sœur, Roxana. »
Je n’eu pas le temps de lui parler, il s’en alla sans vergogne. Si sur le coup mon être les intéressait, une fois mon identité avouée, aucun ne daignait m’accorder de l’importance. Pourquoi Dieu avait-il fait de moi une copie ? Peut-être parce que je n’étais qu’une ombre.
Une envie folle me prie de reprendre ces ciseaux et de trancher…Quoi ? Mes cheveux ou mes veines, qu’importe. Mais on frappa à la porte.
-Roxana ! Il est temps d’aller manger.
Je me levais. Comme trop souvent, nous ne mangerions que tous les quatre : moi, Lucretia, Mark l’aîné et Vladimir le petit dernier. Dans le hall, j’entendis mes frères rire aux éclats avec la voix cristalline de ma sœur. Je me dis alors que ma présence n’était peut-être que formelle.
Si semblables et pourtant, tellement différentes.
Les moments de repas étaient les pires qu’ils soient. Après avoir esquivé avec brio cet extravagant Aimar, je me devais de faire bonne figure devant ma propre famille. Je m’assis à table et salua mes frères : Mark âgé de 26 ans et Vladimir qui en avait 18. Les repas sans mon père avaient coutume d’être terne. Il était l’alchimiste et l’ami du Roi Louis XV. Afin de détendre l’atmosphère, je relatais à mes frères ma fuite sous le buisson ce qui les fit rire. C’est alors que ma jumelle, Roxana arriva. Elle portait une robe sombre comme à son habitude mais pour une fois elle n’était pas poussiéreuse de longues heures passée dans la bibliothèque. Ma jumelle me regarda et je lui souris. Nous étions les mêmes en tout point mais j’étais juste meilleure comédienne. Ma petite souris de bibliothèque adorée était trop passionnée par ses livres pour se faire des amis. Mais peut-être était ce mieux que d’avoir de faux amis comme tous ceux qui gravitaient autour de moi. J’étais tout aussi solitaire qu’elle. Seules les plantes et la tranquillité pouvaient me combler. Seul dérogeait à la règle cette personne… Combien de jours cela faisait il depuis notre dernière rencontre déjà ? Deux ? Le temps passait si vite ! Ma sœur assise en face de moi contemplait son assiette, silencieuse.
-As-tu passé une bonne nuit Roxana ?
-Oui, très bien, merci.
-Pour ne pas changer, répliqua Mark. Lucretia, peut-être devrais-tu accepter les avances d’Aimar, tu es une femme après tout.
-Et je dois agir comme telle ? Finis-je pour lui. Tu me demandes de renoncer à ma passion et nos valeurs, Mark. C’est comme si tu retirais à Roxana ses livres.
-Ce pourrait être une bonne chose.
-Je le consentirai si tu renonces à la médecine afin d’entrer dans les affaires de la jeune comtesse.
-Impossible !
-Tu comprends donc notre position mon frère.
-Tu n’auras pas trop le choix.
-Je suis seule maîtresse de mon destin.
-Allons donc mes aînés, nous interrompit Vlad. Cette question sur les droits de la femme demande réflexion mais je ne pense pas que se soit le lieu et le moment. Mon ami ne va pas tarder à arriver et j’aimerais qu’il n’ait pas à subir votre dispute matinale.
-Ta sagesse nous honore toujours Vladimir. Profitons donc de ce repas.
Le petit déjeuner se déroula sans autre accros et je bavassais même des plantes du jardin avec Mark comme signe de paix. Alors que nous finissions, la porte s’ouvrit sur notre père. Je quittais précipitamment ma chaise pour l’étreindre.
-Allons donc un peu de tenue mon enfant ! S’exclama-t-il. Mes enfants, j’ai une grande nouvelle pour vous. Nous allons tous à la réception de Mme de Pompadour ! Préparez-vous car nous partons demain !
-Demain ! M’exclamais-je. Mais c’est impossible. Ma préparation se finit juste un jour après la lune noire ! J’ai mis un mois à la réaliser !
-Hmmm…La lune noire est dans deux jours et la réception dans une semaine. Nous différerons notre départ dans ce cas mais je veux voir votre travail à tous en échange. L’un de vous a-t-il besoin d’un autre délai ?
Paris ! Nous allions partir à Paris ! Et tous ensembles. Père qui ne parlait jamais de nous, qui nous avait laissé si longtemps reclus ici, à Chambord. Et nous verrions la si belle Madame de Pompadour. Je ne savais plus que dire ou faire. Un irrésistible sourire ornait mon visage. Je partis dans ma chambre. En passant devant mon miroir, je me rendis compte de mon pitoyable état : la robe noire de mise pour les voyages car résistante était poussiéreuse. Je me changeais rapidement et opta pour une robe pêche et dorée, rehaussant mon teint. Je commençais à lister ce que j’emmènerai pour mon voyage lorsqu’on frappa. Lequel de mes frères était-ce ? Lucretia ne frappait jamais et de toute manière, elle n’avait pas de temps à me consacrer.
-Père ? Demandais-je, très étonnée.
Il entra très timidement, comme s’il me dérangeait.
-Je peux te voir ?
Aurais-je pu dire non ? De toute manière, cette demande m’emplissait de joie, nous qui ne le voyons jamais.
-Bien sûr, répondis-je.
Après un petit instant, il reprit :
-J’ai pensé à toi lorsque Madame de Pompadour m’a proposé d’amener toute la famille à Paris. Cela te fait plaisir ?
-Vous ne pouviez pas mieux me combler, merci infiniment.
Il eut un sourire content.
-Roxana…Tu n’es pas trop malheureuse ici ?
Sa remarque me prit de court. Je voulus le rassurer mais le mensonge n’était pas un art que je savais pratiquer ; je voulus me confier mais ce n’aurait pas été correct. Je choisis le silence.
-Mark essaye d’être le maître de la maison et se montre très directif, Lucretia est très visible et Vladimir, qui te prenait comme sa mère, prend ses distances en grandissant. Tu es ma fille et même si l’on se voit peu, je te connais par cœur. Tu ne manques pas de caractère mais il en faut beaucoup pour que tu en uses ; j’espère que tu ne te laisses pas détruire de l’intérieure. Sois forte, tu en es capable.
Ses mots m’atteignirent trop profondément. Je n’avais plus l’habitude de mots gentils, d’attention et encore moins d’un père. Tout cela faisait de trop, mes larmes apparurent et je m’en voulus de faiblir. Il posa sa main sur la tête, dans mes cheveux.
-« Le silence est d’or, la parole est d’argent » et c’est cela ta force. Allez souris ! Bientôt Paris sera à tes pieds.
J’essuyais rapidement mes larmes.
-Venez père, lui dis-je en souriant, votre laboratoire se languit de vous.
Je devais faire vite ! Le temps pressait. Je jetais un œil à la pendule. Il était presque 10h15 et ce qui mijotait devait être remué à cette heure précise. Paris…Cela n’arrangeait pas du tout mes affaires ! Mais au moins pourrais-je le prévenir et le livrer à temps. Je filais dans ma chambre et fermais la porte à clé. Personne ne devait me déranger ! Je pris les escaliers dissimulés par une trappe sous un tapis derrière mon lit. Elle menait à mon laboratoire secret mais avant il fallait trouver son chemin dans le dédale de couloirs. Familière des lieux, j’y arrivais rapidement. Au centre, une table était encombrée de verreries. Au fond, des bocaux et des tiroirs recelaient des trésors inavoués. Sur la droite, pots et cages contenaient mes cobayes mais pour l’heure c’est vers le mur de gauche et sa cheminée que je me dirigeais. Le gros chaudron mijotait à feu doux. Je mélangeais le fruit de mes recherches. Elle commençait à désépaissir ! Vite j’ouvris un tiroir et prit mon petit tamis à plusieurs étages ainsi qu’un pot sur l’étagère. Sur mon plan de travail, toujours dégagé, je posais et mis en place le tamis. Je pris le pot et le secoua afin de mélanger les particules de la poudre d’acier. J’ouvris le flacon et avec une cuillère à café versa un peu de poudre sur le tamis. Je raffinais ma poudre jusqu’à la plus fine particule possible avant de la verser avec prudence et modération dans mon chaudron et de mélanger le tout. Ce dernier reprit la consistance idéale et je rangeais ce que j’avais dérangé et garda les restes de poudre d’acier dans un pot spécial. Il était 10h20 et l’ajout devait encore attendre. Mon attention se reporta donc sur un autre chaudron, plus petit et enfermé par un système de verrerie, posé sur des restes de braises. Je jetais un œil à ma commande. La poudre au fond semblait être complètement formée et déshydratée. Je défis soigneusement la verrerie puis l’ôta brusquement du chaudron afin que le reste de condensation ne retombe pas. Je versais la poudre sur un papier absorbant avec une spatule inerte. Le papier ne s’imbiba pas et ne changea point de couleur. Elle était parfaitement sèche. Cette recette était rapide mais demandait un grand savoir-faire afin d’obtenir une qualité optimale. Malheureusement, la quantité était très limitée. Il n’y avait qu’à peine 0.5g ce qui limitait l’utilisation. Mon ingrédient le plus délicat finit calfeutré à l’abri de l’humidité alors que je préparais le reste. Je pris la belladone et fit longuement infuser les feuilles dans la rosée et les pétales pendant que je broyais les graines dans un mortier. J’éventrais un annelle et versa tous son jus dans le mortier qui pris en masse. Au fur et à mesure, j’ajoutais l’infusion et un flacon de collyre fait avec les centaurées. Mélangeant le tout vigoureusement, je passais à la flamme le mortier. Le mélange s’opacifia et je le retirais afin de le passer dans un tamis à étages plus important. L’eau passa à travers retenant les particules ingrates. Mon filtrat fut vigoureusement mélangé à ma poudre. Il ne restait plus qu’à laisser diffuser et sédimenter jusqu’avant la lune noire où je devrais le terminer. Il était l’heure d’ajouter à mon gros chaudron le suc de rose et le nectar et de vérifier toute les 10h le mélange. Je nourris les animaux et arrosais les plantes avant de retourner dans ma chambre préparer avec pénibilité mes bagages.
-Tu es devenue une formidable chimiste, ma fille ! S’exclama Père, ravi. Mes joues rosirent. Un jour tu pourras aller à la Cour du roi en disant : « Majesté, je détiens le secret de la vie éternelle ».
-Vous l’aurez dit avant moi. Je préfère une découverte plus modeste, par exemple, la fabrication de l’or pur.
-Tout à fait modeste !
Nous rîmes de bon cœur.
-Où résiderons-nous ?
-A l’hôtel d’Evreux, la résidence de la Pompadour.
-Dans ses appartements ? M’extasiais-je.
-Comme il est bon de te voir ainsi.
Je rangeais mon tablier et mes gants.
-Tu sais à Paris, la mode est bien différente des provinces. Tu devras porter une perruque qui gratte- il rit devant ma grimace- avoir le teint aussi blanc qu’un mort et la bouche rouge.
-Les parisiens appellent cela la mode ? Nous on appelle ça des clowns.
-Tu t’y feras, tu verras. Et avec ces perruques tu pourras te différencier de ta sœur.
Je baissais les yeux. C’était une remarque qui se voulait réconfortante mais malgré moi, j’entendais d’autres sens : c’était moi qui devait changer d’identité ; ce corps, ce physique, il appartenait à Lucretia, pas moi. Nous nous quittâmes dans le couloir, chacun se dirigeant vers sa chambre.
Filles jumelles, chambres jumelles. Nous avions tout vécu en jumelage. Tout le monde imaginait que nous partagions tout, qu’il était nécessaire que nous vivions comme des reflets. Erreur grossière.
Je passais devant la chambre de Lucretia. Puis je fis marche arrière et m’approcha de la porte. Je ne savais pas trop ce que je voulais. La tête vide, j’ouvris. La chambre était déserte. Je ressortis dans le couloir. La porte claqua derrière moi, je me retournais. Je ne sais pas pourquoi, j’y retournais.
-Lucretia ?
Elle sursauta mais sa surprise n’était pas aussi forte que la mienne.
-Qu’est-ce que tu veux ? Ronchonna-t-elle, agressive. Tu ne vois pas que je suis occupée ?
Elle ne me regardait même pas. Je partis silencieusement. Et dans ma tête, le vide avait laissé place au chaos.
Je regardais mes habits de soirée avec dédain. Une horrible perruque, des tonnes de poudre et des couleurs écarlates inutiles. Tout simplement ridicule. Je ne voulais pas y aller ! Mais je ne pouvais pas contrarier les autres… Je redescendis dans mon repaire finir mon art. L’engrais liquide surpuissant était prêt et je le versais dans des pots contenant des plantes plus ou moins mortes. Le but était de les soigner d’une mort certaine. Mais qui sait, c’était peut être le premier pas vers l’élixir d’immortalité ? Je versais la mixture dans une bouteille à l’attention de père et le large excès finit dans un tonneau. Quitter mes expérimentations pendant un moment me dérangeait mais cela me montrerait les effets à moyen terme pour une seule dose. Mais le plus important était ma commande. Je versais délicatement le mince filtrat dans un petit récipient. Je le transvasais ensuite dans deux fines et petites fioles de la taille d’un petit doigt. Je donnais aux rats le reste en espérant que les effets soient rapides. Je rangeais mon atelier, prit une des deux fioles et inspecta une dernière fois mes cobayes avant de remonter. Je soupirais en voyant ma valise encore ouverte. Dehors il faisait nuit et il n’y avait pas de lune. C’était l’heure de mon rendez-vous nocturne. Je mis une cape sur mes épaules et me glissais hors de mes appartements. Je pris le long couloir et entrais dans la chapelle. Le silence y était absolu et personne n’y était. Je me glissais dans le confessionnal.
-Bonjour mon enfant, me salua une voix masculine familière.
-Que la nuit vous soit propice maître, lui répondis-je en regardant la grille.
Je l’entendis sourire plus que je ne le vis avant de passer aux affaires :
-As-tu ma commande ?
-Oui mais je n’ai pas pu tester son efficacité.
-Hmm je peux te laisser un délai de trois nuits.
-Je ne pourrais pas le tenir malheureusement. Je dois partir à Paris et je ne sais pas combien de temps je serais absente.
-Cela n’ pas l’air de te ravir.
-Je n’ai pas envie de me déguiser en clown ! Fichu Mme de Pompadour !
Je l’entendis rire sous cape.
-J’ai quand même pris le résultat de votre commande mais je n’ai aucune garantie quant à son efficacité, lui avouais-je en passant la fiole à travers la grille.
- Garde-le, dit-il en effleurant mes doigts. Tu me le donneras chez Mme de Pompadour.
-Comment !? Maitre…
-Je ferais en sorte d’être invité et de te retrouver.
-Ma sœur jumelle y sera aussi, ne risquez-vous pas de vous tromper ?
-Il n’y a aucun risque Lucretia. Je connais parfaitement ton esprit donc je te reconnaitrais au premier mot. Va donc te reposer, ton voyage va bientôt commencer. Puisse son œil surveiller ton périple.
-Puisse son bras vous guidez à jamais.
Il retient mes doigts un moment avant de me laisser partir. Rien ne pouvait me rendre plus heureuse que son contact ! Je sortis de la chapelle et me figeais. Que faisait Roxanne ici !?
-Lucretia !? Que fais tu ici en pleine nuit ?
-Je pourrais te poser la même question, lui rétorquais-je sans oser me retourner pour vérifier s’il sortait. Je priais avant notre départ.
Je pris son bras et la guida dans la direction opposée. Juste le temps de voir une ombre se faufiler dans l’obscurité des couloirs. C’est en silence que nous regagnâmes le donjon et que je lui souhaitais une bonne nuit. Le maître allait venir à Paris ! Cette charmante perspective chassa ma mauvaise humeur et je fis mes bagages avec sérieux et minutie. Je serais la plus belle et serviable à ses yeux et obtiendrais toutes ses faveurs. Le jeu de séduction pouvait commencer.